« Je comprends pas à la télé, BFM disent que l’Algérie ne veut pas prendre ses ressortissants mais y’a des avions pour l’Algérie. »

Au CRA de Toulouse, il n’y a plus de secteurs femmes et famille, toutes les cellules sont maintenant destinées aux hommes. L’objectif de l’Etat est d’enfermer systématiquement les sortants de prison et d’appliquer la double peine. Pour rappel, cela consiste à enfermer au CRA puis à expulser les personnes qui ont commis un crime ou un délit, alors qu’elles ont purgé leur peine de prison. Pour autant, les femmes et les familles ne sont pas épargnées, et si elles ne sont pas enfermées au CRA de Toulouse, elles sont assignées à résidence (AAR). La durée des AAR a augmenté avec la dernière loi Asile et Immigration de 2024, passant à 45 jours renouvelables deux fois, pour une durée totale pouvant aller jusqu’à 135 jours. Par ailleurs, l’AAR est de plus en plus utilisée par les préfectures quand l’expulsion n’a pas pu avoir lieu au terme de la durée maximale d’enfermement. Cette pratique permet de continuer à punir et torturer les personnes : n’ayant pas de titre de voyage valide ou de laissez-passer consulaire, elles restent inexpulsables.

Si les préfectures et l’administration pénitentière collaborent depuis longtemps pour expulser les sortants de prison, la loi de janvier 2024 et la circulaire Retailleau d’octobre 2024 généralisent la double peine, facilitée notamment par « la menace pour l’ordre public ». La circulaire Retailleau appelle les préfectures à retirer les titres de séjour des personnes qui représentent une « menace » et à distribuer des arrêtés d’expulsion et des OQTF. Il n’existe aucune définition de la « menace pour l’ordre public », c’est laissé à l’appréciation de l’administration qui l’utilise très largement, par exemple pour des délits mineurs, comme le vol ou la mendicité. « La menace grave pour l’ordre public » permet, elle, de supprimer toutes les protections contre l’expulsion hormis le fait d’être mineur. Ainsi, les personnes ayant des enfants ou étant en France depuis l’enfance peuvent être expulsées si la préfecture a décidé de façon totalement arbitraire que ces personnes représentent une menace pour la société française.  

Par ailleurs, le Sénat vient d’adopter deux projets de lois. Sous réserve d’un vote favorable à l’Assemblée Nationale, la loi allongera la durée de la rétention administrative à 210 jours. Elle s’appliquera aux personnes condamnées à une interdiction de territoire français (ITF) pour un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement ou dont le comportement « constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public« . L’autre loi concerne « la préférence nationale », en limitant l’accès des étranger·es aux prestations sociales.

En parallèle, l’Union Européenne renforce ses frontières et la répression des personnes étrangères. Elle a adopté deux mesures, l’une concernant l’allongement de la rétention administrative de 18 à 24 mois et l’autre autorisant les Etats membres à externaliser des camps d’enfermement dans des pays hors UE, appelés « centres de retour » où seront sequestrés les demandeurs d’asile avant leur déportation.
Le témoignage de S. ci-dessous rappelle que l’Italie a déjà construit d’immenses camps en Albanie où la police italienne transfère les personnes étranger·es et les trie avant de les déporter.

Pour finir, dans un autre témoignage K. s’étonne d’entendre les médias français relayer la propagande colonialiste de Retailleau et des nostalgiques de l’Algérie française, en faisant croire que l’Algérie ne délivre aucun laissez-passer consulaire alors que des avions décollent avec des algériens expulsés depuis le CRA.

TÉMOIGNAGES

S : « Au secteur C, y’a un Guinéen, il a tout cassé, les vitres, les télés, les caméras, il a cassé toutes les cellules, on est que 4 maintenant dans le secteur C. Y’a que 2 cellules maintenant. Il a pété un plomb. Il était seul, pas de visite, rien. Il a dit qu’il ne veut pas rester ici, il veut aller en prison, c’est un peu fou. Il s’est blessé avec la vitre. Il a dit heureusement je casse des trucs comme ça, c’est mieux que de casser des bouches.

C’est fini la France, c’est la troisième fois je me retrouve au centre. Deuxième fois à Toulouse. Il y a 7 mois, je suis sorti du CRA de Toulouse, je suis restée 2 semaines à la Reynerie, ils m’ont arrêté, ils m’ont mis en prison à cause de l’interdiction définitive et quand je suis sortie de Seysses, ils m’ont ramené encore ici au CRA de Toulouse. J’ai fait 6 mois de prison pour l’interdiction définitive. Et là ils viennent de me donner un mois encore au CRA.

Je sais plus quoi dire, j’ai plus les mots. C’est un cauchemard Seysses, trois dans une cellule, force aux hommes là-bas. Ici Toulouse c’est la pire ville. Je suis sorti de la Tunisie, j’ai pas de passeport, j’ai pas de carte d’identité même si je meurs, ils peuvent pas expulser mon corps chez moi. Ils peuvent pas m’expulser, à chaque fois c’est pareil, ils savent, ils ont demandé à la Tunisie, au Maroc à l’Algérie, y’a rien et ils me ramènent encore ici. Ils font ça pour que tu craques. Il faut patienter faire le prière, je sais pas moi.
Au tribunal hier, y’avait un Algérien. Il est à Toulouse depuis qu’il a 13 ans. Il a presque 33 ans. Il a payé un avocat plus de 7000 euros. Il a sa mère et sa soeur ici, pourquoi ils le ramènent au centre ? ça leur ramène toujours du travail, voilà pourquoi. Je trouve plus les mots. J’en ai marre de la prison, ça fait presque 9 ans que j’ai quitté le pays, j’ai pas envie de retourner comme ça. En Italie quand ils savent pas leur origine ils les envoient en Albanie dans un grand centre, y’a des trucs incroyables, c’est pas une vie quand t’as pas de papier en Europe.
On vient chez eux, on est pas au paradis non plus. Hier j’ai bien parlé avec le juge, j’ai dit donnez-moi 24h et je quitte la France, laissez-moi une chance. Le policier m’a dit toi ta chance tu l’as eue déjà, tu es arrivé en France, tu n’as pas le droit d’avoir une deuxième chance. Ils provoquent, faut être fort dans la tête.. Même si vous pouvez pas venir pour une visite, parler avec vous c’est déjà beaucoup, ça fait du bien, tu remontes le moral à la personne. »

K : « J’ai une interdiction de territoire français depuis 2023. J’étais en Espagne, je suis revenu ici pour voir mon frère et ma nièce, je suis restée 3 jours, ils m’ont contrôlé j’étais en scooter, je me suis retrouvé en prison et après ici. Franchement ils ont foutu ma vie en l’air. J’étais en Espagne en train de régler ma situation, j’ai raté plein de RDV. Ok j’ai pas respecté la loi, j’étais sur le territoire français mais je comprends pas pourquoi ils font pas ce travail en prison. Comme ça à la sortie de prison soit ils te relâchent soit ils t’envoient au pays. Ils te mettent là pour galérer en plus. J’étais à la maison d’arrêt de Rodez et pour voir le consule, ils m’ont emmené à Sètes. Ils te posent des questions, ton nom où t’habites, ils prennent tes empreintes, ta photo. En tous cas où tu vas on te prend les empreintes, en garde à vue, quand tu sors de la prison, quand tu rentres ici au CRA, partout…
Je comprends pas à la télé, BFM ils disent que l’Algérie ne veut pas prendre ses ressortissants mais y’a des avions pour l’Algérie, j’ai rien compris.
Et toi t’attends, t’es dans le suspens, t’es stressé. Ça fait un mois que je suis là et ça bouge pas. Les conditions ici pour vivre c’est la catastrophe. C’est sale, y’a des gens fous, vraiment fous, t’arrives même pas à communiquer avec eux, y’a des provocations. La nourriture est dégueulasse, c’est le ramadan, hier j’ai rien mangé. Pour le ramadan, ils donnent pas de viande halal.
Avec la police moi je parle un minimum avec eux pour pas avoir de problèmes. Y’a un groupe ça va et un groupe c’est la catastrophe. Ils ont décidé d’enlever les couvertures, il fait froid la nuit. Un collègue a commencé à réclamer pendant le repas pour avoir les couvertures, on a tous réclamé. Il voulait pas rentrer au secteur, ils l’ont foutu au mitard, ils l’ont frappé de fou. Ils ont ramené ensuite les couvertures. La plupart ont pas de famille ici, les gens sont des fumeurs, ils ont pas de tabac, ils pètent les plombs, ils ont pas de fumette alors les gens craquent. Ils savent bien ça. Y’a rien qui va ici. Y’a des chambres sans eau chaude, les sanitaires ça sent la pisse. »

M : « Je veux faire une demande d’apatride, le Montenegro ne me reconnait pas. J’ai 6 enfants de nationalité française. Ça fait 20 ans que je suis en France, j’ai pas de papiers, j’ai pas de passeport. Je suis arrivé le 28 décembre au centre, je suis sorti de prison, les gendarmes m’ont ramené ici. J’ai fait 6 ans et demi de prison à Eysses Villeneuve sur Lot. la Cimade m’a dit, mon pays ne me reconnait pas, dès que je suis arrivé, ils m’ont dit ça, le chef de la prison me l’a dit. Je passe devant le juge le 27 janvier. la Cimade m’a dit c’est pas sûr qu’il te donne la liberté. Tout le monde reçoit un mois de plus. ça se passe mal ici. C’est 10 fois pire que la prison ».

J :  » Je discute avec les amis dans les autres CRA, l’escorte c’est au bout du 3ème vol, ici ils scotchent pour le 2ème vol. Je veux voir le laissez-passer, sinon je pars pas. J’ai refusé le vol, je l’ai dit aux policiers, j’étais dans la voiture à l’aéroport. Ils ont appelé le pilote pour lui dire, ils ont déchiré mon billet. Y’avait quelqu’un d’autre avec moi qui voulait rentrer en Algérie, il est monté dans l’avion. J’ai demandé aux policiers de me montrer mon laissez-passer, ils m’ont dit c’est interdit. Ils m’ont ramené au centre, je sais pas si je vais avoir un autre vol. Depuis que je suis revenu au centre ils me provoquent pour que je leur réponde et après m’accuser et m’emmener en prison. Je leur ai dit je suis pas un chien. »

R :  « Ça va, mais c’est dur quand même, j’arrive pas à comprendre pourquoi j’avais une résidence de 10 ans ici, ils me l’ont retirée, ma fille est née ici, pourquoi une OQTF ? Ça fait douze ans que je suis en France. » R. explique qu’on l’a accusé d’avoir fait un mariage blanc, qu’on l’a convoqué à la préfecture et qu’on lui a dit que l’obtention de son titre de séjour (qui expirait en 2028 à l’origine) était frauduleuse, et qu’on lui a mis une OQTF. Il explique également qu’il a fait 3 mois de prison suite à une plainte de sa femme qui l’a amené au pénal. A l’origine, il avait un bracelet électronique, il y a eu un problème avec le bracelet, il a été envoyé en prison.

« On m’a donné un somnifère pour dormir avec le stress, c’est pour ça que j’ai des tâches rouges, et j’ai mis de la crème […] ils donnent des médicaments comme ça ‘ils font pas chier, ils vont dormir on est tranquilles’ […] j’ai pas dormi j’étais pensif, je suis perturbé, il reste deux jours avant samedi, ça arrive »

 « Il y a beaucoup d’Algériens, à croire qu’ils ont un problème avec eux »

« C’est pas facile franchement, les repas c’est pas des vrais repas, c’est industriel, parfois je mange pas pendant 2-3 jours, j’y arrive pas. »

A propos de la police : « il y a des groupes très cool et des groupes… c’est des fachos. »

« Je ne peux pas être renvoyé en Algérie, mes parents sont ici, je peux pas les laisser. C’est tranquille, j’y crois, je sais que je vais être libre, même s’ils me renvoient je reviendrai en France par bateau, j’ai pas peur de la mer, je reviendrai avec un visa. »

Soutien matériel aux prisonnier·es du CRA de Toulouse

Afin de soutenir matériellement les prisonnier·es du centre de rétention de Cornebarrieu Toulouse, nous créons cette cagnotte qui servira à acheter ce dont les personnes enfermées ont besoin : nourriture, produits d’hygiènes, vêtements, cigarettes, billets de transport…

►  https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/soutien-materiel-aux-prisonniers-du-cra-de-toulouse-1

Merci pour votre soutien !

Prise de parole de Toulouse Anti CRA pour la journée internationale des migrant.es

Depuis plus de quarante ans, l’État français durcit sa politique contre les personnes étrangères. Les lois racistes s’enchaînent, renforçant la répression et la criminalisation des immigré·es. Ces lois sont accompagnées de discours à la fois racistes, sécuritaires et islamophobes, qui alimentent la haine et la suspicion envers les immigré·es, désigné·es comme des menaces potentielles.

La politique mortifère et impérialiste de fermeture des frontières a des conséquences concrètes et dramatiques pour les personnes qui vivent ou arrivent en France. Ces mesures ne cessent de tuer, la plupart du temps ces morts sont passées sous silence : à la frontière, dans les CRA, au travail, dans la rue.

La dernière loi Asile et Immigration, dite « loi Darmanin », raciste et assimilationniste, a multiplié les obstacles à tous les niveaux. Par exemple, un chantage est fait aux pays d’origine, la France donnant des visas aux ressortissants des pays qui collaborent pour bloquer l’immigration. L’accès à la procédure d’asile a été durci, tout comme les conditions pour le renouvellement et l’obtention des titres de séjour. Il faut désormais, en plus de justifier d’un certain niveau de français, souscrire un « contrat d’engagement au respect des principes de la République », un concept aux contours suffisamment flous qui renforce le pouvoir discrétionnaire des préfectures. Il s’agit de vérifier si les personnes étrangères adhèrent au « mode de vie » de la société française. De la même manière, la notion vague de « menace à l’ordre public » permet aux préfectures de décider de manière totalement arbitraire qui peut être expulsé du territoire.

Toutes ces mesures racistes permettent à l’État de créer une main d’œuvre jetable et expulsable. Les personnes sans papiers sont poussées à s’invisibiliser, à accepter n’importe quelles conditions de travail, à vivre dans la peur et sans droit.

Les centres de rétention administrative sont au cœur de la politique répressive contre les personnes sans papiers. Rappelons que les CRA, dans leur forme actuelle, sont un héritage direct de la colonisation. Dans ces prisons, les personnes sans papiers subissent des violences et des conditions dégradantes, qui relèvent de la torture. Ce sont des lieux d’enfermement où les personnes peuvent mourir par privation de soin ou poussées au suicide.

Voici maintenant les revendications portées par les collectifs de sans-papiers, les mineur.e.s isolé.e.s et les femmes en lutte, ainsi que la Marche des Solidarités. Ces revendications sont les suivantes :

  • pour l’égalité des droits de toutes et tous et la régularisation des sans-papiers
  • pour la fermeture des centres de rétention et la liberté de circulation
  • pour le logement de toutes et tous les sans-abris, avec et sans papiers, l’application de la loi de réquisition et l’abrogation de la loi Kasbarian-Bergé
  • pour l’accès de toutes et tous à la santé et à l’école
  • pour l’abrogation de la loi Darmanin, de toutes les lois racistes, du pacte migratoire européen et du règlement Dublin
  • pour la solidarité internationale avec tous les peuples en lutte pour la justice, la liberté, l’égalité et la fin du colonialisme de la Palestine au Sahel en passant par le Liban, de la Kanaky à la Martinique en passant par Mayotte.

    Faisons front, ensemble, contre le racisme d’État, le colonialisme et le fascisme ! Solidarité avec tous les immigrés !

« J’ai payé avec la prison, maintenant c’est mes enfants et ma femme qui doivent payer en plus »

Au centre de rétention de Toulouse, des vitres ont été installées début octobre dans tous les parloirs sauf celui des familles, empêchant tout contact physique entre les prisonnier·e·s et les visiteur·ses et rendant toujours plus carcéral l’environnement des détenu·e·s.

Alors que les flics empêchent aux visiteur·ses arbitrairement d’amener des produits secs aux prisonnier·e·s, C. dénonce des méthode de torture dans le CRA : refus d’accès aux soins, alarmes incessantes, manque de nourriture, douches froides…

Et tout ceci alors que comme C, de nombreux·ses ressortissant·e·s algérien·ne·s sont toujours enfermé·e·s au CRA, malgré le refus de l’Algérie de délivrer des laissez-passer !

Derrière les barbelés du CRA, les humiliations et violences physiques et psychologiques des flics de la PAF sont quotidiennes, en témoignent deux prisonniers.

Témoignage de R, 24 octobre 2024, enfermé depuis 30 jours et prolongé pour 30 jours
« J’ai perdu 10 kg en 3 semaines, ils nous traitent comme des animaux, ils donnent n’importe quoi à manger, tu manges ou tu manges pas tu fermes ta gueule. J’étais en prison à Chateaudun 16 mois ferme et 2 mois en semi-liberté à Poitiers. Ils m’ont donné une IRTF. Ils ont gardé mon passeport, ils ont pas voulu me le rendre. A Poitiers j’ai fait une demande de titre de séjour. Ils m’ont ramené au CRA, le jour de ma sortie, je savais pas. La préfecture de Poitiers m’a fait amener ici à Toulouse loin de ma famille qui est à Chinon. J’ai pas compris pourquoi ils m’ont éloigné de ma famille.

J’ai fait 16 mois enfermé mais jamais j’ai passé un mois comme ça, ici c’est le plus long. Y’a pas quelqu’un ici qui n’a pas dit la prison c’est mieux que le centre.

Le parloir est vitré ici, depuis 2 semaines, je peux pas être en contact avec mes enfants. Si ma famille vient, elle doit prendre une chambre d’hôtel, 12h aller-retour pour 30 mn de parloir. J’ai payé avec la prison, maintenant c’est mes enfants et ma femme qui doivent payer en plus.

Les policiers ont des caméras sur leur veste, c’est nouveau, en 2022 au CRA de Rennes, ils avaient pas de caméras.
Ils provoquent les gens juste comme ça, si on parle, obligé ils ramènent des gens au mitard, les gens esquivent, on ferme notre gueule pour que ça passe avec eux. C’est la faute de notre pays, dans notre pays en Tunisie, n’importe quel étranger on le considère bien, il a du pouvoir. En France n’importe quel citoyen français, il a la loi pour lui mais nous non, nous on reste des étrangers.

Y’a 2 semaines suis parti au docteur, j’ai annulé le rdv pour pas péter un plomb avec lui. Il me dit « de quel origine vous êtes ? Pourquoi vous rentrez pas dans votre pays c’est mieux qu’ici, votre président est d’accord avec la loi européenne*. »

*R fait ici référence aux accords dits « bilatéraux » entre la Tunisie et l’UE, celle-ci octroyant des aides à la Tunisie dans le but d’endiguer les départs des migrant·es vers l’Europe.

Témoignage de C, 02 octobre 2024, enfermé depuis 37 jours

“J’ai souffert ici je connais personne”, je ne me sens pas bien.
Tous les jours les alarmes incendie, pour rien tout le temps, c’est de la torture morale j’te jure, c’est un système pour te prendre la tête, te rendre fou »

C. souffre des dents depuis avant son arrivée au CRA, il s’en plaint à chaque visite médicale mais depuis son premier jour les médecins lui donnent un rdv pour arracher ses dents qu’ils repoussent toutes les semaines.
« Le médecin m’a donné du Tramadol. C’est mieux pour mes dents. Ici, ils me donnent du Dafalgan, ça me fait rien. Ils me disent faut attendre 3 semaines, même si j’ai mal, la visite du médecin c’est que le vendredi. Faut attendre le prochain vendredi. »

« La douche est froide, on a rien. Pas d’oreiller, j’ai demandé des vêtements, ils m’ont dit : C’est trop tard, fallait demander le premier jour. »

« La police insultent et frappent les jeunes, surtout ceux qui sortent de prison, ils les provoquent  »

« On a faim. La nourriture est dégueulasse, il faut se boucher le nez pour manger. Ils te donnent du pain, mais un tout petit peu. La nourriture n’est pas chaude. La viande n’est pas halal, on la mange pas. Et le lendemain pareil, ils ramènent encore de la viande.
Ils nous laissent pas rentrer du pain dans les chambres. On mange à 18h, 19h,  on a faim, jusqu’au lendemain matin. »

Prise de parole lors de la commémoration du 17 octobre 1961

Commémorer le massacre d’État du 17 octobre 1961 doit être l’occasion de nous rappeler que la  France est toujours un état colonial qui continue d’exercer une violence économique, politique et militaire en Afrique et dans les territoires ultra marins. Cette domination de la France sur ses anciennes colonies s’exerce aussi par la fermeture de ses frontières, et la militarisation des frontières de l’Europe.

Ce contrôle représente un marché en plein essor pour l’industrie militaire et sécuritaire, qui construit les murs, les camps et les systèmes de surveillance de plus en plus sophistiqués, qui  enferment et tuent les personnes exilées.
La France avec l’Europe a mis en place des partenariats à coup de milliards d’euros avec des pays de transit pour externaliser ses frontières, organiser et déléguer la barbarie de l’enfermement, des violences et des refoulements en mer et dans le Sahara ; l’Europe s’en lave ainsi les mains !

Le nombre de personnes qui meurent en Méditerranée, dans la Manche, au large des îles Canaries,  dans le Sahara, entre Mayotte et Les Comores ne cessent d’augmenter. La France et les autres états  européens son responsables de ces morts de masse ! Mais il y a des morts qui ne comptent pas. Il y a des vies qui ne valent pas d’autres vies.

En France, le CESEDA, le Code d’entrée et de séjour des étrangers, qui régit le droit des personnes étrangères, est un droit d’exception, raciste et sexiste, hérité du Code de l’indigénat, qui organisait le contrôle des dits « indigènes » en Algérie et dans les autres colonies. Le CESEDA, comme le code de  l’indigénat, met en place la limitation de circulation, l’enfermement administratif et les déportations des personnes étrangères.

Un an après l’indépendance de l’Algérie, en 1963, alors que les accords d’Évian prévoyaient la liberté de circulation pour les Algériens, la préfecture des Bouches-du-Rhône, en accord avec le ministère de l’Intérieur, crée une prison clandestine à Marseille dans le hangar d’Arenc destinée à parquer et déporter les Algériens. Cette prison clandestine est l’ancêtre des centres de rétention administrative, en effet depuis 1981 l’enfermement des personnes sans papiers a été légalisé.

Aujourd’hui, il y a 28 CRA sur tout le territoire et 11 projets de construction. Près de 45000 personnes par an y sont enfermées dont plus de la moitié à Mayotte, territoire colonial où ont lieu de véritables transferts forcés de population. Tout cela est rendu possible par la déshumanisation des personnes non-blanches, héritée des colonisations et perpétuée depuis. Cette racialisation justifie des traitements violents dans les lieux d’enfermement, mais aussi à Calais ou à la frontière franco-italienne, où les personnes exilées sont traquées comme des animaux. Par ailleurs, elle permet l’exploitation sans limite des travailleurs sanspapiers et la persécution dans l’espace public des personnes racisées.

C’est pourquoi, plus que jamais, nous avons besoin de nous mobiliser et de nous organiser contre ses politiques racistes meurtrières ici en France, en soutien aux personnes sans papiers mais aussi contre le colonialisme et l’impérialisme, car ces luttes sont indissociables !

A bas le colonialisme et l’impérialisme ! A bas les frontières ! Solidarité avec tous les immigrés et les peuples en lutte pour leur indépendance !

« Ça fait 28 jours que je suis ici, y’a pas de laissez-passer pour l’Algérie en ce moment, pourquoi je reste ici ? »

Les ressortissant·es Algérien·nes sont maintenus enfermé·es alors que l’expulsion n’est pas possible : le consulat d’Algérie ne délivre pas de laissez-passer en ce moment, de plus l’Algérie a refusé l’entrée d’algérien·nes expulsé·es même avec un passeport.
K., prisonnier au centre de rétention de Toulouse a été arrêté suite à un contrôle, tabassé par les flics qui au final ont porté plainte contre lui pour violences, procédé habituel. Le juge l’a condamné à un an de prison ferme. A sa sortie de prison, il a été placé en CRA avec une interdiction de territoire français (ITF). En CRA Les violences physiques et psychologiques des flics de la PAF sont quotidiennes, et les placements au mitard ou en prison fréquents. Témoignage.
 Juillet 2024.

« Ça fait 28 jours que je suis ici, y’a pas de laissez-passer pour l’Algérie en ce moment, pourquoi je reste ici ? L’Algérie ne répond pas depuis le 4 juin. Ils m’ont arrêté à Portet, je travaille dans une pizzeria. Je sors du carrefour, les gendarmes m’ont dit « contrôle, vous avez une OQTF » (obligation de quitter le territoire français) « on va t’envoyer à Seysses » (maison d’arrêt), j’ai eu peur je voulais me sauver, je suis parti en courant, ils m’ont attrapé, ils m’ont mis par terre, ils m’ont frappé, ils ont mis un genoux sur mon cou. J’ai donné un coup avec mon bras au policier pour me sauver, ils ont porté plainte contre moi pour blessures, le policier a eu 8 jours de maladie, il a fait exprès pour m’envoyer à Seysses.

Le juge m’a mis un an et j’ai fait 6 mois à Seysses. Y’a beaucoup de hogra dans la prison, y’a des problèmes dans les cellules. Ici aussi, les gens rentrent dans les chambres dans la nuit pour fouiller tes affaires.

Ici y’a des policiers nickels mais ya des groupes méchants avec nous. Ils ont frappé quelqu’un qui a pris du pain pour le manger dans sa chambre. On mange à 19h et jusqu’à minuit on n’a rien, on a faim. Le policier lui a dit « vous êtes des animaux ». Les policiers sont pas contents quand on rigole entre nous, quand on fait des jeux. Ils ont mis un copain au mitard pendant 8 jours. Il est fort et quand il est ressorti il avait perdu plusieurs kilos.

ça fait 6 mois que je n’ai pas parlé avec ma famille, c’est la honte pour la famille la prison, j’ai le coeur brisé. Je n’ai pas de visites depuis 7 mois.

Je prends 4 médicaments par jour ici et en prison pour dormir, le stress, l’angoisse. Dehors je prenais rien, pas d’alcool, pas de zetla, pas de médicaments.

J’ai traversé la mer pour venir ici, zerma l’Europe c’est bien pour travailler… Je suis ingénieur en urbanisme, j’ai un Master 2, je suis en train de perdre tout ce que j’ai appris. Je voulais m’inscrire à la fac de Paris VIII ou à Bordeaux. »

Mise à jour  : K. est passé devant le JLD (Juge des libertés et de la détention) le 08 juillet. ça faisait 30 jours qu’il était déjà enfermé et n’avait toujours pas de laissez-passer de l’Algérie qui permettrait son expulsion. Le représentant de la prefecture dit à l’audience du JLD que le Consul algérien est venu voir K. au CRA pour une reconnaissance mais K. n’a vu personne. Le juge ne tient pas compte de sa réponse. C’est sa parole contre celle de la prefecture car aucune preuve n’est donnée aux prisonniers quand les représentant.es des consulats viennent les voir. L’appel du JLD a eu lieu le 9 juillet et le juge a confirmé la prolongation de K. de 30 jours sachant qu’ils ne pourraient pas le déporter. On le rappelle, l’enfermement a un double objectif, expulser les personnes sans papiers mais aussi les punir, leur faire subir la violence de l’enfermement et les décourager ainsi à rester sur le territoire français.

Mise à jour août 2024 : K. a été libéré du CRA mais mis en assignation à résidence (AAR) à Toulouse alors qu’il ny réside pas, 45 jours renouvelables 2 fois et une signature au comissariat 2 fois par semaine. Là encore cette mesure de privation de liberté relève de l’acharnement puisqu’il n’est pas expulsable, tout comme l’attribution d’une Interdiction de territoire français (ITF) aux personnes ayant fait de la prison. C’est la double peine judiciaire.

« Ici c’est la hoggra sans pitié »

Nous relayons les propos de prisonniers du centre de rétention (CRA) de Toulouse. Ils racontent les violences médicales et psychologiques ainsi que le déni de soin que subissent quotidiennement les personnes enfermées dans les centres de rétention. Nous rappelons que ces comportements et ces pratiques nuisibles et dégradantes ne sont pas le fait de quelques individus mais qu’ils sont quotidiens, systémiques dans toutes les prisons pour sans papiers. Mais comme toujours, cela se passe en toute impunité et dans le silence.

M : « Quand j’étais en prison pendant 3 et demi j’étais suivi par une psychologue. D’abord à la prison de Fresnes après ils m’ont transféré à Metz. Ici au centre j’ai pris rdv avec la psychologue mais ils m’appellent pas, ils me disent tu n’es pas sur la liste. Mais moi j’ai parlé avec la dame c’est elle qui m’a proposé. La police veut pas me laisser la voir. 2 collègues sont allés la voir. Pour l’audience de l’appel, ils m’ont pas appelé, c’est la hogra sans pitié ici j’te jure. Je leur ai pas parlé mal, j’étais gentil. J’ai une grand broche dans le dos à cause d’un accident grave, dans ma tête aussi. Je leur ai dit je suis malade, j’ai des problèmes à la tête tout est dans mon dossier médical, en prison, ils m’ont soigné. Le médecin ici il me croit pas. L’autre fois il a jeté le stylo, il s’est énervé. J’ai expliqué l’accident que j’ai eu. Quand il voit mon dossier il doit comprendre normalement. J’ai demandé qu’il me donne du Prégabaline, le docteur ici veut pas me le donner, il m’a donné Tramadol à sa place mais ça va pas. Le Tramadol ça sert à rien pour moi. Il y en a ici qui prennent du Tramadol ils sont même pas malades, pourquoi je vais prendre ça ? Je vais pas me rendre dingue avec ça pour rien. Depuis 2019 je prends Prégabaline en prison, j’ai eu de la kiné, il m’ont donné de la pommade pour que je masse mon dos, c’est pas comme ici, ici c’est la hoggra sans pitié.

L’avocat a dit que je suis malade, fracture dans ma tête, vis dans le dos mais le juge s’en fout.
Il y a u policier qui est mauvais ici, il m’a pris la tête, j’ai dit je parle pas avec vous monsieur, je sais après qu’il va m’emmener devant le juge, les policiers ils nous prennent pour des animaux, je vous dis la vérité. Y’en a c’est des chefs ils te parlent bien. J’espère que ça va bien se passer ici avec eux. J’ai peur.
J’ai ma femme qui m’attend ici, je suis père de famille, j’ai une maison. Ils m’ont envoyé ici pour rien du tout, j’ai pas volé, pas bagarré rien. Ils m’ont contrôlé, j’étais en train d’acheter des affaires pour l’Aïd, ils m’ont arrêté à la porte. ça faisait 20 jours que j’étais sorti de prison.
Je suis partie voir la Cimade, j’ai parlé avec la dame, pourquoi les policiers m’ont pas prévenu pour aller à l’audience de l’appel et aussi pour le psychologue. Elle m’a dit je sais pas, je peux rein faire pour ça. On est des êtres humains nous, on n’est pas des animaux. Dieu punit ceux qui font du mal. »

S : « Je veux rentrer en Algérie, y’a pas de problème, mais ramenez-moi mes médicaments, j’ai jamais rien fait de mal, j’ai toujours travaillé, j’ai fait mécanicien. J’ai besoin de ce médicament je ne peux pas manger, ça fait une semaine qu’ils me le donnent pas, le Pylera avec l’Oméprazone car j’ai une bactérie. Quand j’ai demandé au médecin pourquoi je n’ai pas mon médicament, le policier à côté m’a dit ferme ta gueule. Ils nous laissent pas aller en promenade le matin, que l’après-midi et souvent c’est fermé aussi.
J’étais aux Pays Bas, j’ai demandé l’asile là-bas, après je suis venu ici en France, on m’a dit qu’il y a du travail. Ils nous supportent pas nous les algériens. Maintenant, les expulsions c’est avec le 2eme avion et l’escorte ».

Retour sur la manifestation contre les violences d’État, le racisme systémique et les frontières, prise de parole de TAC

A l’appel du Réseau d’Entraide Vérité et Justice plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Toulouse samedi 16 mars 2024 contre les violences d’État, policières, judiciaires, pénitentiaires – le racisme systémique, contre les frontières et le génocide à Gaza.

Beaucoup de monde dans les cortèges de collectifs de personnes migrantes, LGBTI+, de mineur•es isolé•es et de lutte contre les frontières et contre les centres de rétention.

Prise de parole du collectif Toulouse Anti CRA

Les personnes étrangères sont traquées partout : aux frontières, au travail, dans la rue. Elles doivent quotidiennement se confronter à la police et aux politiques racistes mises en place année après année contre les immigrées. Ces violences d’État sont héritées des pratiques coloniales et notamment du code de l’indigénat avec la limitation de circulation, l’enfermement administratif et les déportations.

Les personnes sans papiers peuvent être arrêtés et se retrouver en centres de rétention administrative, les CRA. Le CRA de Toulouse Cornebarrieu est situé au bord des pistes de l’aéroport. Dans ces prisons les personnes sont enfermées jusqu’à 3 mois en vue d’être expulsées. Mais toutes les personnes ne sont pas expulsables, et l’enfermement poursuit aussi un autre objectif qui est de punir et soumettre une partie de la population, de mater les personnes afin qu’elles s’invisibilisent et qu’elles ne se rebellent pas face aux patrons qui les exploitent.

Il y a près de 50 000 personnes enfermées par an sur l’ensemble du territoire, dont plus de la moitié à Mayotte, territoire colonial avec ses lois d’exception et où la violence d’État se déchaîne.

À l’intérieur des CRA, les personnes enfermées témoignent quotidiennement du manque de nourriture, des provocations, des humiliations, des insultes racistes, des refus de soin et des violences policières. Les CRA tuent. Des personnes se suicident notamment avec les psychotropes distribués pas les médecins du CRA ou décèdent dans des circonstances inexpliquées. En septembre 2018, Karim, 31 ans, s’est pendu dans sa cellule au CRA de Toulouse suite à la prolongation de son enfermement par le juge alors qu’il était gravement malade, le médecin du CRA n’a rien fait.

Les prisonnières et prisonniers des CRA luttent quotidiennement contre l’enfermement et contre l’expulsion, que ce soit par des évasions, des incendies, des grèves de la faim, des auto-mutilations et des refus de vol. Les allers-retours entre CRA et prison sont en augmentation. Les personnes qui se rebellent et luttent sont régulièrement envoyées à la maison d’arrêt de Seysses. À Toulouse, de nombreuses personnes se retrouvent en circuit fermé entre le CRA et Seysses.

Depuis plusieurs années, l’État renforce la double peine. Il s’agit d’expulser un maximum de personnes qui ont été condamnées à de la prison. Les personnes étrangères sont plus contrôlées, plus judiciarisées et condamnées à des peines plus sévères et elles représentent 25% des prisonniers. Cette justice de race et de classe, qui enferme en masse des personnes racisées et des personnes étrangères, s’appuie sur un arsenal juridique et législatif de plus en plus répressif, et sur une augmentation des lieux d’enfermement.

L’État est en train de construire de nouveaux CRA partout sur le territoire. En 2027, le nombre de places aura triplé en 10 ans. L’Etat construit aussi partout de nouvelles prisons, avec 15 000 nouvelles places d’ici 2027. Il y a à Toulouse le projet d’une nouvelle maison d’arrêt, à Muret, en plus de celle de Seysses.

Ces violences d’État s’exercent aussi aux frontières, notamment via les dispositifs anti-migratoires. La France et l’Europe sont responsables de milliers de morts chaque année en Méditerranée, dans la Manche, au large de Mayotte. C’est le business juteux des Etats et des multinationales de la sécurité. L’Europe votera ce printemps le pacte « asile et migration » pour renforcer sa politique impérialiste, raciste et sécuritaire qui passe par la fermeture, la militarisation et l’externalisation de ses frontières.

La loi Darmanin votée en février est l’une des plus repressives, c’est la 30e loi anti-immigration en 40 ans et ce n’est pas seulement contre elle mais contre toute la politique migratoire qu’il faut lutter, et, plus largement, contre toutes les structures, institutions et pratiques raciales et coloniales de l’État.

Cette loi assimilationniste réprime et criminalise davantage les personnes sans papiers qui prétendumment ne se plieraient pas aux « valeurs de la République » ou qui représenteraient une « menace à l’ordre public ». Cette répression est soumise à l’arbitraire du pouvoir des préfectures, qui est à présent renforcé. Au final, l’Etat va enfermer davantage entre CRA et prison et expulser encore plus facilement les personnes qui n’ont pas les bons papiers.

NI CRA, NI PRISON, NI EXPULSIONS ! A BAS LE RACISME D’ÉTAT !
SOLIDARITÉ AVEC TOUTES LES PERSONNES IMMIGRÉES !