« On m’a traumatisé pendant 7 mois pour une journée en Belgique ! »

Témoignage d’une personne qui habite Lille et qui a été enfermée 7 mois dans le centre fermé pour femmes de Holsbeek en Belgique

Les centres fermés en Belgique sont l’équivalent des CRA en France. « L’inconnue issue de la détention : la durée de détention ne peut en principe excéder 2 mois, prolongeables une fois à certaines conditions, puis à nouveau et ce jusqu’à 18 mois maximum. En pratique cependant, ces délais légaux, déjà très longs, ne sont pas respectés : une spécialité de l’administration belge: « remettre les compteurs à zéro », et donc le renouvellement du titre de détention, s’il y a demande d’asile ou en cas de tentative d’expulsion échouée. Par conséquent, pas de limite dans le temps ! Plus qu’une zone de non droit, c’est un régime d’exception qui s’exerce dans les centres fermés où tout semble possible pour qui les contrôle, où toute procédure ne convenant pas à l’Office peut être détournée, modifiée ou utilisée pour servir les intérêts de politiques migratoires toujours plus sécuritaires. »
Lire la suite sur le site du collectif Getting The Voice Out qui lutte contre les centres fermés en Belgique.

Le témoignage de D.
« J’avais un appartement ici à Lille mais avec le confinement, je l’ai laissé et un ami m’a dit il y a du boulot en Belgique, tu peux être nourrie, logée, j’ai 2 enfants à nourrir.
La police m’a arrêtée le premier jour en Belgique et m’a enfermée dans le centre fermé de Holsbeek. J’ai passé 7 mois là-bas. Il y avait une femme qui est restée enfemée 10 mois.

On est 2 par chambres avec des heures pour manger comme la prison, on va dire. On a 30 mn d’internet par jour, c’était très très dur… On te met quelqu’un dans la chambre qui est alcolique ou drogué, des gens malades qui n’ont pas toute leur tête, je dormais que d’un œil tous les soirs. On a juste un bout de terrain pour sortir, ça s’appelle le jardin du centre, c’est petit, c’était la misère. Comme des vraies prisonnières, comme si on avait fait quelque chose de mal.

On nous regardait comme des chiens parce qu’on est sans papiers, ce regard là je l’ai jamais oublié. C’est là où je me suis dit j’avais mes papiers, comment j’ai pu en arriver là.

Quand tu es malade là-bas, y’a que de l’aspirine, pour n’importe quelle maladie. Je suis malade, j’ai un seul poumon. Même le médecin avait pitié de moi, il a dit pourquoi on vous a enfermé ici, c’est pas ta place ici mais le médecin travaille pour le centre, il m’a dit je peux rien pour toi. On a appelé un médecin de dehors, elle a écrit pour qu’on me libère mais ça n’a rien changé. Quand le médecin me consultait je lui disais faut changer mes heures de médicaments car j’ai besoin de manger après et il n’y a rien à manger à 22h. On mange à 17h30, j’avais faim toute la nuit. Quand tu vis pas ça, tu n’y crois pas mais c’est réel.

La France n’a pas donné son accord pour me laisser sortir. Ils pensaient qu’ils allaient pourvoir m’expulser mais ils ont vu qu’ils pouvaient pas me renvoyer dans mon pays d’origine. J’ai demandé un 9Ter (titre pour étrangers malades) car je suis malade et c’est pour ça qu’ils m’ont libéré au bout de 7 mois, on m’a traumatisé pendant 7 mois pour une journée en Belgique ! Ya des filles qui sont encore là-bas.

Pour gagner du crédit  on nettoie les toilettes, ya 12 toilettes à nettoyer pour 6€ ça rempli la carte de crédit, tu dois travailler 2 jours pour avoir du crédit et appeler ta famille, pour avoir de l’eau, du café, ça coute 4€…

La sécurité qui surveille le centre, on les appelle comme ça. Ya des sécurité à qui je parle et d’autres non. Ils nous disent vous avez tout ce que vous voulez ici. Comment un être humain peut dire ça, lui tous les soirs il rentre chez lui et c’est grâce à nous qu’il a son salaire et ils sont pas capables de nous respecter. »

juillet 2023