« Ça fait 28 jours que je suis ici, y’a pas de laissez-passer pour l’Algérie en ce moment, pourquoi je reste ici ? »

Les ressortissant·es Algérien·nes sont maintenus enfermé·es alors que l’expulsion n’est pas possible : le consulat d’Algérie ne délivre pas de laissez-passer en ce moment, de plus l’Algérie a refusé l’entrée d’algérien·nes expulsé·es même avec un passeport.
K., prisonnier au centre de rétention de Toulouse a été arrêté suite à un contrôle, tabassé par les flics qui au final ont porté plainte contre lui pour violences, procédé habituel. Le juge l’a condamné à un an de prison ferme. A sa sortie de prison, il a été placé en CRA avec une interdiction de territoire français (ITF). En CRA Les violences physiques et psychologiques des flics de la PAF sont quotidiennes, et les placements au mitard ou en prison fréquents. Témoignage.
 Juillet 2024.

« Ça fait 28 jours que je suis ici, y’a pas de laissez-passer pour l’Algérie en ce moment, pourquoi je reste ici ? L’Algérie ne répond pas depuis le 4 juin. Ils m’ont arrêté à Portet, je travaille dans une pizzeria. Je sors du carrefour, les gendarmes m’ont dit « contrôle, vous avez une OQTF » (obligation de quitter le territoire français) « on va t’envoyer à Seysses » (maison d’arrêt), j’ai eu peur je voulais me sauver, je suis parti en courant, ils m’ont attrapé, ils m’ont mis par terre, ils m’ont frappé, ils ont mis un genoux sur mon cou. J’ai donné un coup avec mon bras au policier pour me sauver, ils ont porté plainte contre moi pour blessures, le policier a eu 8 jours de maladie, il a fait exprès pour m’envoyer à Seysses.

Le juge m’a mis un an et j’ai fait 6 mois à Seysses. Y’a beaucoup de hogra dans la prison, y’a des problèmes dans les cellules. Ici aussi, les gens rentrent dans les chambres dans la nuit pour fouiller tes affaires.

Ici y’a des policiers nickels mais ya des groupes méchants avec nous. Ils ont frappé quelqu’un qui a pris du pain pour le manger dans sa chambre. On mange à 19h et jusqu’à minuit on n’a rien, on a faim. Le policier lui a dit « vous êtes des animaux ». Les policiers sont pas contents quand on rigole entre nous, quand on fait des jeux. Ils ont mis un copain au mitard pendant 8 jours. Il est fort et quand il est ressorti il avait perdu plusieurs kilos.

ça fait 6 mois que je n’ai pas parlé avec ma famille, c’est la honte pour la famille la prison, j’ai le coeur brisé. Je n’ai pas de visites depuis 7 mois.

Je prends 4 médicaments par jour ici et en prison pour dormir, le stress, l’angoisse. Dehors je prenais rien, pas d’alcool, pas de zetla, pas de médicaments.

J’ai traversé la mer pour venir ici, zerma l’Europe c’est bien pour travailler… Je suis ingénieur en urbanisme, j’ai un Master 2, je suis en train de perdre tout ce que j’ai appris. Je voulais m’inscrire à la fac de Paris VIII ou à Bordeaux. »

Mise à jour  : K. est passé devant le JLD (Juge des libertés et de la détention) le 08 juillet. ça faisait 30 jours qu’il était déjà enfermé et n’avait toujours pas de laissez-passer de l’Algérie qui permettrait son expulsion. Le représentant de la prefecture dit à l’audience du JLD que le Consul algérien est venu voir K. au CRA pour une reconnaissance mais K. n’a vu personne. Le juge ne tient pas compte de sa réponse. C’est sa parole contre celle de la prefecture car aucune preuve n’est donnée aux prisonniers quand les représentant.es des consulats viennent les voir. L’appel du JLD a eu lieu le 9 juillet et le juge a confirmé la prolongation de K. de 30 jours sachant qu’ils ne pourraient pas le déporter. On le rappelle, l’enfermement a un double objectif, expulser les personnes sans papiers mais aussi les punir, leur faire subir la violence de l’enfermement et les décourager ainsi à rester sur le territoire français.

Mise à jour août 2024 : K. a été libéré du CRA mais mis en assignation à résidence (AAR) à Toulouse alors qu’il ny réside pas, 45 jours renouvelables 2 fois et une signature au comissariat 2 fois par semaine. Là encore cette mesure de privation de liberté relève de l’acharnement puisqu’il n’est pas expulsable, tout comme l’attribution d’une Interdiction de territoire français (ITF) aux personnes ayant fait de la prison. C’est la double peine judiciaire.

« Ici c’est la hoggra sans pitié »

Nous relayons les propos de prisonniers du centre de rétention (CRA) de Toulouse. Ils racontent les violences médicales et psychologiques ainsi que le déni de soin que subissent quotidiennement les personnes enfermées dans les centres de rétention. Nous rappelons que ces comportements et ces pratiques nuisibles et dégradantes ne sont pas le fait de quelques individus mais qu’ils sont quotidiens, systémiques dans toutes les prisons pour sans papiers. Mais comme toujours, cela se passe en toute impunité et dans le silence.

M : « Quand j’étais en prison pendant 3 et demi j’étais suivi par une psychologue. D’abord à la prison de Fresnes après ils m’ont transféré à Metz. Ici au centre j’ai pris rdv avec la psychologue mais ils m’appellent pas, ils me disent tu n’es pas sur la liste. Mais moi j’ai parlé avec la dame c’est elle qui m’a proposé. La police veut pas me laisser la voir. 2 collègues sont allés la voir. Pour l’audience de l’appel, ils m’ont pas appelé, c’est la hogra sans pitié ici j’te jure. Je leur ai pas parlé mal, j’étais gentil. J’ai une grand broche dans le dos à cause d’un accident grave, dans ma tête aussi. Je leur ai dit je suis malade, j’ai des problèmes à la tête tout est dans mon dossier médical, en prison, ils m’ont soigné. Le médecin ici il me croit pas. L’autre fois il a jeté le stylo, il s’est énervé. J’ai expliqué l’accident que j’ai eu. Quand il voit mon dossier il doit comprendre normalement. J’ai demandé qu’il me donne du Prégabaline, le docteur ici veut pas me le donner, il m’a donné Tramadol à sa place mais ça va pas. Le Tramadol ça sert à rien pour moi. Il y en a ici qui prennent du Tramadol ils sont même pas malades, pourquoi je vais prendre ça ? Je vais pas me rendre dingue avec ça pour rien. Depuis 2019 je prends Prégabaline en prison, j’ai eu de la kiné, il m’ont donné de la pommade pour que je masse mon dos, c’est pas comme ici, ici c’est la hoggra sans pitié.

L’avocat a dit que je suis malade, fracture dans ma tête, vis dans le dos mais le juge s’en fout.
Il y a u policier qui est mauvais ici, il m’a pris la tête, j’ai dit je parle pas avec vous monsieur, je sais après qu’il va m’emmener devant le juge, les policiers ils nous prennent pour des animaux, je vous dis la vérité. Y’en a c’est des chefs ils te parlent bien. J’espère que ça va bien se passer ici avec eux. J’ai peur.
J’ai ma femme qui m’attend ici, je suis père de famille, j’ai une maison. Ils m’ont envoyé ici pour rien du tout, j’ai pas volé, pas bagarré rien. Ils m’ont contrôlé, j’étais en train d’acheter des affaires pour l’Aïd, ils m’ont arrêté à la porte. ça faisait 20 jours que j’étais sorti de prison.
Je suis partie voir la Cimade, j’ai parlé avec la dame, pourquoi les policiers m’ont pas prévenu pour aller à l’audience de l’appel et aussi pour le psychologue. Elle m’a dit je sais pas, je peux rein faire pour ça. On est des êtres humains nous, on n’est pas des animaux. Dieu punit ceux qui font du mal. »

S : « Je veux rentrer en Algérie, y’a pas de problème, mais ramenez-moi mes médicaments, j’ai jamais rien fait de mal, j’ai toujours travaillé, j’ai fait mécanicien. J’ai besoin de ce médicament je ne peux pas manger, ça fait une semaine qu’ils me le donnent pas, le Pylera avec l’Oméprazone car j’ai une bactérie. Quand j’ai demandé au médecin pourquoi je n’ai pas mon médicament, le policier à côté m’a dit ferme ta gueule. Ils nous laissent pas aller en promenade le matin, que l’après-midi et souvent c’est fermé aussi.
J’étais aux Pays Bas, j’ai demandé l’asile là-bas, après je suis venu ici en France, on m’a dit qu’il y a du travail. Ils nous supportent pas nous les algériens. Maintenant, les expulsions c’est avec le 2eme avion et l’escorte ».

« Je suis sorti de prison, je les ai trouvés en train de m’attendre pour me ramener ici »

Le CRA de Toulouse est plein comme d’habitude et en ce moment beaucoup de personnes sortant de prison sont enfermées au CRA pour subir la double peine, c’est à dire l’enfermement et l’expulsion en plus de la peine de prison. Pour en savoir plus sur la double peine et la collaboration entre l’administration pénitentiaire et le ministère de l’intérieur, cliquez ici

Les appels sur les cabines des différents secteurs du CRA de Toulouse ne sont plus possibles depuis plusieurs semaines. L’administration a décidé de mettre fin au contrat avec le prestataire de service et donne à présent des téléphones sans caméra aux prisonnier.es. On ne peut donc plus contacter les personnes sur les cabines, cela contribue à les isoler d’avantage à rendre plus difficile le soutien qu’on peut leur apporter ainsi que la diffusion de leurs témoignages.

Par ailleurs, une nouvelle organisation a été mise en place au Palais de justice de Toulouse pour les audiences « droit des étrangers » du juge des libertés et de la détention (JLD). Les prisonnier·ères ne restent plus dans la salle pendant le délibéré. Les personnes sont ramenées au CRA puis reviennent dans l’après-midi pour entendre la décision du juge. Les flics font faire aux personnes deux allers-retours dans la journée, menottées dans le dos. Cette nouvelle organisation enlève également une occasion pour les prisonnier·ères d’échanger un peu avec les personnes en soutiens qui se rendent aux audiences.

Tout cela va dans le sens de la nouvelle loi « Asile et immigration », énième loi raciste et l’une des plus répressives du code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui prévoit d’ici 2025/2026 la généralisation des visio conférences des audiences et également l’externalisation des salles d’audiences. Il est question de construire des petits tribunaux spécifiques aux personnes étrangères, tout près des CRA, loin des regards, rendant ainsi plus difficile la publicité des débats. Les CRA sont souvent accolés aux aéroports ou dans des zones isolées.

Témoignages recueillis ces dernières semaines

D. est au CRA de Toulouse depuis 40 jours :
« Je suis sorti de prison, je les ai trouvés en train de m’attendre pour me ramener ici, ça fait 7 ans que je suis en France, je n’ai jamais eu ça. Ils m’ont mis une OQTF (obligation de quitter le territoire français) et une IRTF (interdiction de retour sur le territoire français).
Les policiers font chier, y’a des gentils et des méchants, les méchants veulent montrer qu’ils sont méchants, ils provoquent, ils disent « retourne chez toi » et si tu réponds tu es dans la merde »

B. est au CRA de Toulouse depuis 60 jours :
« J’ai 19 ans, je suis venu en France à 11 ans avec mon père. Je suis sorti de Seysses, j’ai fait  5 mois pour une bagarre, il ya des vidéos qui prouvent que je suis en train de séparer un ami qui se bagarre avec un autre, moi j’ai rien fait.
J’ai fait 4 gardes à vue quand j’étais mineur, je suis pas un mec qui cherche les histoires. J’étais au Havre, ils m’ont envoyé à Toulouse en 2021. Je me suis retrouvé seul à Toulouse.
Si je sors mardi, je dois refaire les papiers à l’ASE pour retrouver un appart et un travail. J’étais pendant 4 ans en appartement autonome avec l’ASE, contrat jeune majeur. 7 mois de ma vie perdue avec la prison et ici, j’ai perdu beaucoup.
Avant de rentrer en prison, j’avais ma demande pour les papiers à la préfecture.
La bouffe est dégueulasse ici, la police provoque pour qu’on les frappe et ensuite ils nous emmènent en prison, ils disent « va apprendre le français avant de venir ici », « retourne dans ton pays ».

F. est au CRA de Toulouse depuis 40 jours :
« J’ai 24 ans, je suis en France depuis mes 9 ans, avec l’ASE. Ils m’ont pas donné les papiers après. J’étais deux fois à Fleury et 3 fois dans ce centre à Toulouse.
Après, 9 mois à Seysses, quand je suis sorti, ils m’ont ramené ici. ça fat 40 jours que je suis là. Ils font tout pour qu’on reste enfermé, la prison et les centres.
Les repas c’est dégueulasse et pas halal, il fait froid, ils mettent pas de chauffage ici et la police c’est la hogra « 

 

Cet acharnement contre les personnes étrangères ne doit pas rester caché, ne laissons pas les prisonnier·ères isolé·es, soutenons leurs luttes !
À bas le racisme d’État ! Ni CRA, ni prison, ni expulsions !

« Ici je pense tous les jours où je vais mettre un drap pour me pendre »

Le témoignage de B. illustre les violences médicales et psychologiques ainsi que le déni de soin que subissent quotidiennement les personnes enfermées dans les centres de rétention. Ce n’est pas le premier témoignage de refus de soin et de maintien d’une personne enceinte en rétention à Toulouse, lire ici le récit de V enfermée malgré l’incompatibilité de son état avec l’enfermement. Il s’ajoute à une longue liste de témoignages de détresses psychologiques, d’usage de psychotropes distribués par le médecin du centre pour assommer les personnes ou d’absence de soins dans des cas de blessures graves.  Les tentatives de suicide sont nombreuses. Ici le récit concernant une personne qui s’est suicidée à  Bordeaux suite à l’absorption  d’anxiolytiques et de somnifères distribués par le médecin.

B. mentionne aussi son interdiction de territoire français (ITF) à vie et son enfermement en CRA alors qu’elle n’est pas expulsable. Cela répond à la même logique selon laquelle les Algérien·nes continuent d’être enfermé·es  en ce moment alors que l’Algérie ne délivre explicitement aucun laisser-passer. Le CRA n’est pas qu’un rouage de la logique de déportation des étranger·es, mais c’est aussi un outil de répression envers celleux qui ne peuvent pas être expulsée·es. Il s’agit de les obliger à s’invisibiliser, à se soumettre aux conditions de travail les plus pourries, voire à partir sans faire de bruit lorsque les patrons refusent de payer les personnes embauchées au black.

Mais partout les prisonnier·es se mutinent et résistent malgré tout ! Récemment, il y a eu des évasions (à Sète et à Oissel), des grèves de la faim à Holsbeek en Belgique, de la résistance collective à Toulouse… Partout dans le monde, à bas les frontières, feu aux CRA et crève la taule !

« Je suis Rrom avec une carte « gens du voyage », je suis en France depuis que je suis petite, depuis que j’ai 4 ans, ils veulent m’expulser en Bosnie mais je ne connais personne là-bas. Le seul pays que je connais c’est la France. Je suis sortie de prison de Marseille, ils m’ont mise ici, c’était ma phobie de venir ici, c’est pire que la prison.

On devient fous ici, quand on sort d’ici on peut exploser dehors et faire n’importe quoi tellement ça rend fou ici. Ils m’ont mis une interdiction à vie (Interdiction de Territoire Français – ITF). Pourquoi à vie ? Même les gens qui tuent on leur donne pas une interdiction à vie. Ils m’enferment ici pour me punir en plus de la prison. Il restait 3 mois en prison que j’ai pas fait, ils veulent me les faire payer ici. Ils m’ont enlevé mes enfants, y’en a un en foyer et 2 dans des familles d’accueil, je ne peux même pas leur parler. C’est compliqué, je ne sais pas comment faire, je n’ai pas eu d’aides pour tout ça.

Je suis ici depuis presque un mois, il y a une fille de 21 ans, elle ne parle pas français, elle est enceinte de 5 mois, elle est malade, elle vomit, elle saigne, je peux pas la laisser comme ça, ça me fait de la peine. J’ai appelé la sage-femme de l’hopital pour qu’elle appelle le médecin du CRA. Je ne sais pas ce qu’il a fait.
Ils l’ont emmené à l’hopital parce qu’elle avait un RDV d’avant, ils ont dit qu’elle a le diabète, ils l’ont ramenée au centre, ils vont l’expulser le 12 avil. C’est pas possible de laisser une femme enceinte dans ce centre.
C’est invivable ici, j’ai demandé de voir un psychologue, je me sens pas bien, il va pas venir, je sais pas pourquoi, ils font n’importe quoi avec les gens.

J’ai peur la nuit ici, il y a du bruit. Ils veulent que les gens se suicident, depuis que je suis ici j’ai des idées noires tous les jours, ils vont me rendre folle. J’ai passé 24 mois en prison, j’avais des idées noires quand je pensais à mes enfants, à ma mère mais ici c’est tous les jours les idées noires, je pense tous les jours où je vais mettre un drap pour me pendre. »

« J’avais une carte de 10 ans. J’ai obtenu le statut de réfugié en 2012. Ils l’ont enlevée il y a un mois »

Nous relayons ici le récit de K., soudanais qui avait le statut de réfugié depuis 2012 et qui a été enfermé au centre de rétention (CRA) de Bordeaux en août dernier. Pendant qu’il effectuait une peine de prison, la préfecture a décidé de lui infliger la double peine en lui retirant son titre de séjour et donc son statut de réfugié afin de l’expulser vers le Soudan. A sa sortie, il a  été directement enfermé au CRA. Là, il s’est fait tabasser par les flics qui au final ont porté plainte contre lui, le procédé habituel qui sert à les couvrir, à obtenir des primes et à dissuader celleux qui oseraient résister à leurs provocations et leurs humiliations.

Contrairement à ce qu’a laissé entendre G. Darmanin en affirmant rétablir une forme de “double peine”, par une loi qui lèverait les réserves législatives, la double peine n’a jamais été supprimée. Bien au contraire, les liens entre les CRA et la prison se renforcent ces dernières années à cause de la collaboration croissante des préfectures et de l’administration pénitentiaire (AP) qui favorise la multiplication des passages entre ces lieux d’enfermement. Depuis 2017, le nombre de personnes enfermées dans les centres de rétention à leur sortie de prison a presque doublé. En 2019, sur l’ensemble du territoire, 14,5 % des personnes enfermées en CRA sortaient de prison et cette part montait à 25 % pour le CRA de Toulouse par exemple.

Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, le ministère de l’intérieur rappelle régulièrement aux préfectures de renforcer les protocoles d’expulsion des « étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public ». Ainsi, pour les « catégories protégées » (parents d’un enfant français, etc), les préfectures utilisent cette notion particulièrement floue de « menace grave pour l’ordre public », même pour les petits délits, vols, conduite sans permis…

Le récit de K. :
« Ils m’ont vraiment violenté, j’ai jamais vu ça auparavant, je suis choqué. On est très très mal traités, pire que des animaux. Il y a des détenus qui retiennent leur colère mais moi au bout d’un moment je peux plus. Il ya une équipe de policiers qui provoquent tout le monde. Y’en a qui ne prennent pas leur repas pour pas les voir. Ils sont à bout les détenus, je vois sur leurs visages.

Ils m’ont frappé parce qu’ils provoquent. Il y a une équipe, c’est des fachos ou je sais pas quoi. Au petit déjeuner, la policière s’est mise volontairement sur mon passage et je lui ai dit « bougez, bouge », elle attendait ça. Ensuite je me suis installé avec mon plateau de repas, je voulais pas rentrer dans son délire, elle vient derrière moi elle me provoque encore et comme quoi je lui ai dit ferme ta gueule, j’ai jamais dit ça. Elle a mis sa main sur mon épaule et a elle a serré, je lui ai dit « arrêtez avec votre main et parlez avec votre bouche, ne me touchez pas, vous me faites mal ».
Son collègue intervient et m’attrape par le coup devant tout le monde et devant la caméra aussi. Il m’a dit « ferme ta gueule et prend ton petit déjeuner ». Ensuite il m’a pris par le bras avec son collègue ils ont commencé à m’étrangler dans le couloir, à me donner des coups, ils m’ont trainé, ils ont fermé la porte et m’ont dit « ferme ta gueule bâtard », des coups partout sauf le visage, Ils m’ont tapé sur les mollets, sur le torse, ça m’a coupé la respiration.
Je leur ai « vous voulez quoi ? Me menotter ? », j’ai donné mes mains, Il prend mon bras, il a failli me déboiter l’épaule, ils me tapent dans tous les sens, contre les murs, y’avait du sang partout. Ils ont serré les menottes. Au final ils m’ont ramené à l’accueil. Ils m’ont encore mis des coups devant les caméras, ils disaient « assieds-toi bâtard ».
Ils m’ont traité comme une bête. Liberté fraternité égalité ça nous concerne pas, ça ne s’applique pas à moi.

J’ai demandé qu’ils me desserrent les menottes. Ils ont serré encore plus fort. J’avais très mal. Celle qui m’a provoqué a fait croire à ses collègues qui sont dans le bureau que je lui ai fait un doigt d’honneur.

Après j’ai été auditionné par d’autres flics au 3ème étage*, ils m’ont posé des questions. Finalement ils m’ont pas présenté devant le juge, j’avais des bleus partout, mon poignée était déchiré. J’ai une plaie sur le cou. Les flics ont porté plainte contre moi c’est pour ça qu’ils m’ont auditionné, c’est ignoble.

La dame de la Cimade m’a dit « vous n’êtes pas le premier ». Y’a d’autres policiers, ça va, ils font juste leur travail pas comme les autres qui m’ont torturé. Les deux filles, elles provoquent, elles se mettent en face de nous quand on mange, elles nous regardent droit dans les yeux. On voit la haine sur leur visage.

J’ai subi la même chose en prison avec les matons, c’est eux qui m’ont mis cette étiquette de radicalisé. C’est pour ça qu’ils m’ont retiré mon titre de séjour.

Même le directeur de prison me l’a dit « je vais te pourrir la vie ». C’était à la maison d’arrêt de Rochefort avant mon transfert car ça s’est mal passé là-bas. Il m’a mis cette étiquette comme quoi j’ai la haine contre la France, je suis un terroriste. Ils veulent pourrir la vie des gens. Je suis pas contre les français. Je mets pas la faute sur toute la France, sur tout le peuple.

Même mon avocate m’a dit « la juge vous a très mal parlé vous trouvez pas ? Elle s’est mal comportée avec vous. Elle a attendu que vous vous énervez pour vous mettre en prison ». Je suis impulsif, je dis ce que je ressens, je peux pas garder les choses. Ils se sont basés sur rien pour dire que je suis radicalisé, c’est dans mon dossier.

J’avais une carte de 10 ans. J’ai obtenu l’asile en 2012, statut de réfugié. Ils l’ont enlevée il y a un mois.

Ma famille est dans un camp de réfugiés entre le Soudan et le Tchad à la frontière. J’ai réussi à venir ici. Je me suis échappé du soudan du nord du Darfour. Mon frère s’est fait tué devant mes yeux. J’ai pris aussi des coups de machette et c’est mon grand frère qui m’a sauvé. On était pas loin de la maison, tout le monde court dans tous les sens. On est allé en Lybie. Mon frère a été emprisonné là-bas et moi je suis parti avec une équipe, j’avais 13, 14 ans, j’ai suivi des gens. D’abord en Égypte après un an en Turquie, deux ans en Grèce et après l’Italie 6 mois et en France en 2010.

Depuis que je suis en France, je suis pas un fouteur de merde, j’ai tout fait pour réussir, j’ai fait de la prison, j’ai fait une erreur, c’est tout.

Ça sert à rien que je reste ici, on peut lutter mais on est ciblé, les arabes, les renois, les musulmans.

J’aimerais bien parler de ça, ils savent même ce que c’est l’islam. Le mot islam ça veut dire la paix. Ils savent rien ici. Un verset dit qu’on est tous égaux. Les gens qui ont du racisme dans leur cœur pour moi ils sont vraiment malades et ils pourrissent la vie de tout le monde.

Ils vont m’expulser, ils ont pris rdv avec mon consulat. Je veux pas les voir, c’est mes ennemis. Le consulat m’a reconnu, c’est un laisser-passer. Ils m’ont demandé le nom de mon père. J’ai dit ok, j’ai un minimum de fierté, je vais pas rester ici, je vais rentrer chez moi. L’avocate ne sais pas ce qu’il va se passer, la Cimade non plus. »

 

* Le centre de rétention administrative de Bordeaux est situé au sous-sol du commissariat. Il est confiné, très exigu avec pour seule source de lumière naturelle un puit de jour au cœur de la courette grillagée de 20m².

« il a sauté de 10 mètres pour s’évader du tribunal de Montpellier »

Vous relayons le témoignage d’un prisonnier du centre de rétention (CRA) de Sète. Il raconte les violences notamment psychologiques des policiers. Nous tenons à rappeler que ces comportements et ces pratiques nuisibles et dégradantes ne sont pas le fait de quelques individus dangereux mais qu’ils sont quotidiens, systémiques dans toutes les prisons pour sans papiers et les autres ainsi que dans la police. Mais comme toujours, cela se passe en toute impunité et dans le silence.
Pour soutenir les prisonniers du CRA de Sète, il est possible des les appeler sur les cabines téléphoniques : 04 67 53 61 60 et 04 67 53 61 41
Il est également possible de leur rendre visite tous les jours entre 9h30 – 11h30 et 14h – 17h.

Les CRA sont une prison ou l’on déshumanise d’autant plus les personnes qu’elles sont étrangères, ne les laissons pas isolées, soutenons-les  !

« Je voudrais témoigner, je suis au CRA de Sète depuis un mois et demi, en essayant d’être le plus neutre possible car pour moi c’est un départ volontaire vers le Maghreb.
Mon ressenti ici pour un individu qui a grandi en France, depuis l’âge de 4 ans, c’est choquant car on est à moitié en prison et à moitié en psychiatrie. C’est le même système que la psychiatrie mais en pire, on n’a même pas le droit d’avoir un stylo dans la chambre, tout est fixé, tout est scellé sur les murs, sur le sol. J’ai vu des choses que je pensais pas voir en France dans les pires endroits.

Il y a encore la trace de draps pendus sur les plafonds. Une personne venait de se pendre quelques jours avant que j’arrive. Je n’ai jamais compris comment ils ont pu le laisser se pendre avec toutes les caméras de surveillance qu’il y a ici. Heureusement que les draps ont craqué.
Si c’était une évasion, ils auraient été plus rapides. Un tunisien a refusé le deuxième test PCR, il s’est fait taser car il a commencé à avaler des lames pour se suicider, il est tombé sur la tête, le crâne explosé, du sang partout et ils nous ont demandé à nous de nettoyer son sang quand-même ! J’ai trouvé la réaction des officiers vraiment impitoyable, bref.

Il y a eu aussi la personne qui a sauté du tribunal de Montpellier, il y a 3 semaines. C’était choquant car c’est quelqu’un que j’ai côtoyé. le jour de son JLD, j’entend qu’il a sauté de 10 mètres pour s’évader du tribunal de Montpellier. Ils en ont parlé dans les médias. Ils ont rajouté des barreaux au tribunal, j’entends les échos des officiers ici. .. Je crois qu’il a été libéré.
La réaction du policier m’a choqué, il a dit « les racailles s’en sortent toujours bien, il a un tassement des vertèbres ». Quand il a dit ça, ça m’a blessé. Il y a des policiers gentils, car ils voient bien que le seul tort des personnes ici c’est de ne pas avoir de papiers. Ils voient bien que les gens n’ont plus rien à perdre, et le soir ils sont seuls avec eux ici, les flics ils se disent il vaut mieux que je sois bien avec eux. Il y a des flics qui se forcent à être gentils parce qu’ils savent qu’ils peuvent pas gagner face à quelqu’un qui est prêt à mourir.

C’est quelque chose de choquant, il faut qu’ils se fassent du mal pour qu’ils sortent. J’entends les gens, ils se souhaitent du mal pour sortir d’ici. Je vois des jeunes qui se taillent les veines, qui prennent pour la première fois des cachetons, je suis dans un autre monde pourtant quand je regarde par la fenêtre, je suis toujours en France.

Je suis arrivé en France à l’âge de 4 ans et on m’a pas renouvelé mes papiers quand j’étais en prison, ça arrive à beaucoup de personnes qui ont grandi ici. En prison, il joue avec « la menace à l’ordre public ».

Quand les personnes n’ont personne ici ou ne connaissent rien au droit, on les bloque à la préfecture tout en leur disant on va vous faire un suivi, on va préparer votre sortie de prison mais vous ne pouvez pas avoir de suivi si vous n’avez pas de papiers, c’est incompréhensible. À Béziers Il n’y a que la Cimade qui est là une après-midi par semaine qui peut vous aider à faire vos papiers. Elle vous dit c’est bloqué au niveau de la préfecture mais vous avez un suivi et si vous ratez votre suivi, vous retournez en prison.

Au moment de sortir de prison, on vient de partout, on vous donne des documents et on vous dit vous allez être expulsé, vous ne comprenez rien. 3 personnes de la PAF viennent vous voir et vous disent Monsieur, on va vous mettre dans un centre de rétention.
On me ramène à Sète, pourquoi je suis là. J’ai lu la loi, une personne qui est en France avant l’âge de 13 ans qui a fait sa scolarité jusqu’à 18 ans est inexpulsable sauf pour « menace à l’ordre public » et pour polygamie ou des trucs comme ça.
Et quand je suis arrivé ici, je me suis rendu compte que c’est la préfecture qui décide qui est une « menace à l’ordre public ».

Ils jouent sur le moral des gens ici, ça les arrange pas quand ça se passe trop bien. Les plus âgés, on essaie de mettre une bonne ambiance, de régler les conflits et ça ils aiment pas. Ils veulent créer des divisons entre algériens, marocains etc,. On est entre nous, y’a pas d’algériens ou de marocains. On rigole entre nous. Ils aiment pas. Ici ils veulent que tu ne sois pas bien pour que de toi-même tu as envie de partir et ça a marché. Il y a beaucoup de personnes qui voient les suicides et tout ce qu’il ce passe veulent repartir, quitte à revenir. »

 

« Ils profitent des richesses de l’Afrique, ils sont en train de voler toute l’Afrique et nous quand on vient ici on est traité comme des chiens »

L’administration pénitentiaire et le ministère de l’Intérieur collaborent pour que les personnes emprisonnées ne puissent pas renouveler leur titre de séjour et soient expulsées. Une double, voire triple peine : après celui la prison, les étranger.e.s doivent aussi subir l’enfermement en CRA puis l’expulsion quelque soit leur situation. Le témoignage d’un prisonnier du CRA de Toulouse.

« J’ai mes papiers depuis 2007. Quand je suis allé en prison ma carte de séjour s’est terminée. Ils n’ont pas voulu me laisser renouveller ma carte et quand je suis sorti de prison, ils m’ont dit tu vas quitter la France. Ils m’ont arreté à 6 heures du matin quand je partais travailler, je travaillais dans une ferme à Limoges, j’ai mes fiches de paie, les chèques… Je conduisais sans permis, il faut bien que j’aille travailler, j’ai fait 8 mois de prison pour ça, parce que je suis noir, c’est des racistes ! J’avais des cours pour le permis à payer et je devais travailler pour ça ! Et de Limoges, ils m’ont ramené au centre de Toulouse, je ne comprends pas pourquoi. Pour passer le permis il faut de l’argent et je travaillais.

Depuis 1997 je travaille, je travaille… Je suis un danger pour la France pour qu’on me mette ici et qu’on me renvoie dans un pays en guerre ?
J’ai une petite fille qui a 8 ans, elle est française, ma femme est française. Alors s’ils veulent que je partent au Congo, qu’il me laisse partir avec ma fille ! Le Congo c’est un pays en état de siège, c’est un pays en guerre, ça fait 20 ans que je suis parti. Au Congo je suis militaire, j’ai fui le Congo en 1997 pour venir en France pour demander l’asile. Ils m’ont donné la carte de l’immigration. Ils n’ont pas voulu me donner 10 ans, ils me donnaient un an, puis 6 mois.

 Je suis un opposant de la politique du Congo. Je préfère qu’on me tue ici. Ma fille a 8 ans, elle va chercher son père. Mon père était rebelle, ils l’ont tué, ma mère aussi, je n’ai plus de famille au Congo, je vais aller chez qui au Congo ? Et si je pars, c’est ma mort, ils vont me considérer comme un déserteur.
Quand je suis sorti de prison j’ai vu un papier sauf-conduit dans mon dossier, j’ai demandé c’est quoi ça. Comment le consulat vous a donné ça ? Je n’étais pas au courant ! Ils peuvent faire ça sans me dire ? Le consulat connait ma vie ? Je ne suis pas allé au consulat, comment ils peuvent savoir. Je suis passé au tribunal, ils m’ont mis 28 jours. Comment le Congo peut bien collaborer avec la France ? Ils veulent qu’on retourne là-bas ? C’est des malades ! Mon cousin était médecin, prix nobel de la paix, il arrange les corps des femmes car ils violent les femmes, les enfants, les personnes âgées. Le Congo c’est pas un pays, c’est un calvaire.

Les dictateurs sont accueillis ici en France, les français foutent la merde au Congo, ils sont dans les guerres… Ils profitent des richesses de l’Afrique, ils sont en train de voler toute l’Afrique et nous quand on vient ici on est traité comme des chiens. Ils respectent rien, ils détruisent la nature, ils cherchent le pétrole. Mais ça va pas durer, un jour ou l’autre il faudra que la France paye, ça fait 100 ans la colonisation, on est toujours exploité, qu’est-ce qu’on va faire avec toute cette jeunesse ? ça va pas durer !

Ici au centre, c’est l’enfer, le bruit des avions et la police crie toute la journée dans les micros, j’ai des problèmes de dos, je dors sur le sol, les matelas sont pourris, les toilettes sont dégueulasses, tout est dégueulasse ici. J’ai été opéré. J’ai vu le médecin du centre, c’est un raciste, il se fout de notre gueule, il me parle comme si j’étais un enfant. Les infirmiers c’est pareil, des racistes. Quand je demande à la Cimade, ils savent rien, je comprends pas ce qu’ils font là. Il y a beaucoup de jeunes ici, comment on peut enfermer un jeune de 18 ans, il s’en souviendra toute sa vie, c’est traumatisant »

Il est interdit de chanter au réfectoire au risque de se faire tabasser par la PAF

Nous relayons les témoignages de prisonniers du CRA de Toulouse. Une personne a été tabassée par la PAF.  Le secteur E a été isolé suite à un cas de Covid, les parloirs ont été interrompus 15 jours. Un prisonnier testé positif au Covid est resté enfermé 6 jours sans pouvoir sortir du mitard. Les expulsions reprennent peu à peu vers l’Algérie via Paris.

K : « Les policiers m’ont frappé quand je sortais de la salle pour manger, pour rien. J’ai chanté après j’ai tapé le plateau vide contre le mur et pour ça ils m’ont sorti dehors et ils m’ont dit pourquoi tu chantes. Ils m’ont poussé aux épaules, ils m’ont frappé, ils m’ont mis contre le mur, ils m’ont mis des coups de poing. Ils m’ont insulté, « pourquoi t’es là pourquoi t’es pas dans ton pays », ils disent ça tout le temps. Y’avait un policier marocain, il m’a dégagé, il a dit « il est jeune, laissez-le ».

Après ils voulaient pas que je dépose plainte. J’ai dit je dépose plainte.
On est allé voir la Cimade avec les autres copains pour porter plainte. La Cimade a appelé la police et je suis parti avec eux à l’aéroport, c’est d’autres policiers, pas ceux du centre. Je leur ai dit vous pouvez voir sur les caméras ce qu’il s’est passé, ils m’ont montré ce qui les intéressait. Ils m’ont dit c’est interdit de chanter et c’est interdit de s’énerver avec le plateau. J’ai dis ça fait 2 mois que je suis ici, je chante à cause du stress et j’ai touché personne avec le plateau. D’accord c’est interdit mais pourquoi vous me frappez. Ils sont racistes, c’est tout.

Ils m’ont pas emmené à l’hôpital, je suis blessé, le médecin est venu au bout d’une semaine seulement.
ça fait 2 mois que je suis ici, le consulat a donné le laisser-passer mais la Cimade a dit y’a pas d’avion pour le Maroc.  Je suis arrivé ici jeune, j’ai personne au Maroc.
La Cimade elle fait rien pour nous, le docteur il est avec la police, la Cimade elle est avec eux.
Les policiers ils boivent le soir et ils font des trucs entre eux dans les bureaux.
J’habite à Paris j’ai un travail, je suis allé voir une copine à Narbonne, ils m’ont arrêté quand on sortait de chez elle. Les policiers m’ont demandé les papiers, j’ai dit j’en ai pas, ils m’ont emmené à la garde à vue pendant 3 heures. Après la préfecture a dit de m’emmener au centre ici. J’ai pas d’affaires ici , ni téléphone, ni argent. »

H :
 » ça fait 15 jours, ils nous ont fait le test du Covid, y’avait un tunisien âgé qui avait le Covid dans le secteur E mais moi j’ai pas de symptômes. Ils m’ont mis ici au mitard parce que j’ai le Covid. Je suis bloqué dans la chambre sans sortir depuis 6 jours, y’a pas de fenêtre, y’a un grand miroir près du lit, c’est sûrement pour nous surveiller.
Quand j’appelle l’interphone, ils disent « ouais on a autre chose à faire », ils en ont rien à foutre, ils mettent 3 heures à venir. La nuit ils rentrent direct dans la chambre en donnant des coups dans la porte. J’ai demandé le médecin il est pas venu, après plusieurs jours c’est un infirmier qui est venu pour rien.

Je voulais pas aller devant le juge, ils m’ont fait du chantage, si t’y vas pas on te met au mitard, pire que celui-là. Je suis passé devant le juge en visioconférence J’étais choqué, j’ai parlé à l’avocat, je lui ai raconté comment ça se passe ici, il m’a dit oui oui, il en a rien à foutre. Ils m’ont mis à l’isolement le jour où j’ai le vol alors que je veux partir en Algérie.

C’est un truc de fou ici, c’est pire que la prison ici, ils sont derrière nous à fond, pourtant on parle gentiment avec eux, ils en ont rien à foutre, ils frappent dans les portes. Je leur ai dit moi j’ai payé mes dettes, j’ai fait 12 ans de prison, y’a des gens dans le gouvernement avec ce qu’ils ont fait ils sont pas allés en prison. Ici ils te voient algérien, allez tu payes. Quand ils nous ont fait la guerre en Algérie ils ont pas payé, ils sont venus humilier et agresser.

Les chiens ils mangent pas la bouffe qu’ils nous donnent ici, c’est incroyable cet endroit. On mange rien, on a faim, j’ai beaucoup maigri. La nuit, les policiers sentent l’alcool, ils sont bourrés.
Ils rigolent de nous, dans la salle à manger, ils nous regardent, on est comme des marionnettes pour eux. Avec les jeunes qui parlent pas français les policiers ils sont pire, ils disent c’est des blédards. Je tiens, je prie, j’ai pas le choix, je reste patient, je peux pas rentrer dans leurs jeux, ils sont graves.

Pour la plainte du copain, les policiers voulaient s’arranger, ils nous ont dit « calmez-vous, lâchez l’affaire de la plainte, on va ouvrir les parloirs, vous allez rentrer de la nourriture » parce que d’habitude on peut rien rentrer, juste un paquet de gâteau et des petites bouteilles de jus.

Y’a 2 semaines, y’en a deux qui se sont évadés. Les policiers les ont attrapés, ils les ont frappé et emmené en garde à vue, on n’a pas de nouvelles. »

« Ils font grandir la haine à l’intérieur des gens »

Des prisonniers du centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse témoignent du racisme d’État, du processus de fabrication des « sans-papiers »,  de l’humiliation et des violences policières auxquels les personnes enfermées font face quotidiennement, et de leurs luttes.

« J’ai demandé la nationalité à 18 ans, mais ils ont refusé, ils disaient que j’avais un titre de séjour et que ça suffit. Pourtant c’est mon droit, j’ai étudié ici, j’ai travaillé ici. Depuis l’âge de 15 ans je travaille, j’ai travaillé gratuitement au moins un an. Mon pays c’est la France maintenant.

Je connaissais même pas les centres comme ça. J’ai refusé le test. Je ne veux pas être renvoyé, de toute façon je ne connais personne, je n’ai plus rien en Guinée. Ma famille est toute en Angleterre, ils y sont allés il y a quelques années. Je risque de me faire torturer, de me faire tuer si je retourne en Guinée ! On a des dettes, on n’a pas fini de payer le passeur.

On m’a pas prévenu. Je suis sorti de prison, et ils m’attendaient au greffe et ils m’ont emmené ici. J’ai même pas eu le temps de contester, de faire les démarches, j’ai pas pu prendre des affaires, rien. Il fait froid, j’ai pas de veste. Ce que j’ai envie de dire, c’est que j’ai pas été notifié.

Il fait froid dans les chambres, il n’y a pas de chauffage. On a une heure par jour pour sortir, 30 minutes le matin et 30 minutes le soir.

On a des fouilles chaque jour. Pour voir si on n’a pas à manger, tout ça. On n’a pas le droit de ramener à manger, genre des yaourts, ils fouillent les chambres aussi.

On n’a pas le droit d’avoir de téléphone avec une caméra, on n’a même pas de stylo, je suis obligé de noter sur un mur en attendant de mettre dans le téléphone. On n’a pas le droit à la bouffe, on n’a pas de chauffage, pas de briquet. On n’a le droit à rien.

Comme je parle bien français, j’aide les autres à lire les papiers, à comprendre. Il n’y a pas de traducteur, pas d’aide sinon. »

Violences policières et mise à l’isolement

« Ils ont des mauvais comportements avec les gens… Il y a tellement de choses à dire, je sais même pas comment commencer. Le lavage est mal fait, les poubelles sont pas ramassées, l’eau est froide, les flics se comportent pas bien, ils profitent que les gens parlent pas bien français. Si tu parles pas bien français, ils t’écoutent pas.

Moi j’étais SDF, mais je travaillais au black. J’ai eu une embrouille avec mon patron. J’allais travailler, j’avais pas mangé, comment tu veux que je travaille comme ça ? C’est comme de l’esclavage. C’est pour ça que je me suis embrouillé avec le patron, et après je suis parti. Je me suis fait arrêter en prenant le train à Narbonne, juste pour un petit joint qu’un gars m’avait filé.

J’ai passé 10 jours à l’isolement, normalement c’est 48h, c’est illégal. Tu peux rien dire. Ils m’ont mis à l’isolement parce que j’étais un peu agressif, parce qu’ils acceptent pas. Alors ils m’ont frappé et mis à terre, puis au cachot. Ils mettent pas les matricules, sauf le chef. Surtout le groupe du soir, ils sont trop agressifs.

Il n’y a rien à l’islolement, ni télévision ni rien, pas de téléphone, je pouvais sortir dans le couloir à côté de la porte pour fumer mais pas dans la cour.

Il y a un gars avec un traitement psy, ils sort dans les couloirs en criant, c’est pas de sa faute mais la pref le laisse pas sortir pour recevoir son traitement. La pref enferme n’importe qui. C’est la deuxième fois que je suis en CRA. Je me suis évadé la première fois.

Avant c’était 45 jours le CRA maintenant c’est 3 mois, tu sors d’ici avec une grande haine. 3 mois tu prends l’habitude de la prison… C’est comme la drogue, tu t’habitues, tu sors de là, tu peux aller où si tu connais personne ? Tu fais un dégât, obligé tu rentres en prison encore, ça devient une habitude, ils font grandir la haine à l’intérieur des gens. »

10 mois d’enfermement entre CRA et prison en circuit fermé*.

« Je suis ici au centre à Toulouse depuis 18 jours. Ça fait un an que je suis enfermé à cause des papiers, depuis janvier 2021. Ils m’ont attrapé à Perpignan quand j’étais au travail, les policiers sont venus, mon patron s’est sauvé. Ils m’ont emmené au CRA de Lyon, je suis resté 88 jours, ils m’ont dit de faire le test pour l’avion, j’ai pas voulu, le juge m’a donné 2 mois de prison. Après encore le CRA pendant 2 mois et demi, j’ai refusé le test encore, le juge m’a encore donné 2 mois de prison. Quand je suis sorti de la prison de Lyon, ils m’ont ramené ici au CRA de Toulouse, ça fait 18 jours.

J’habite en Espagne depuis 5 ans, j’ai ma famille là-bas, j’ai un enfant, je suis venu à Perpignan pour travailler et voilà. La France c’est pire, je veux partir d’ici. »

Tentative de suicide, cas de Covid, secteur D confiné, les audiences du JLD se déroulent en visio

« Le secteur est confiné, un type a le covid, ça fait une semaine. Les audiences sont en visio à cause du covid, tout le monde a fait des tests sauf un, il a refusé, ils l’ont mis au cachot 14 jours. Il avait l’avion le lendemain du test, il a refusé le test.

« Les avions sont suspendus pour 15 jours pour le Maroc à cause du nouveau covid et je sais pas pourquoi il y a des algériens encore ici. Les relations entre l’Algérie et la France ça marche pas. Il n’y a pas d’avion avec l’Algérie et on reste enfermé ici, Teboune les emmerde alors eux ils nous emmerdent ici.

Ils nous traitent comme des chiens ici, c’est la hogra.

Ils sont restés 132 ans en Algérie et ils continuent de nous pourrir la vie.

Il y a que des cris ici. Un policier qui m’a emmené là où il n’y a pas de caméra pour me donner un coup de poing, c’est quoi ça ? Ils nous prennent pour des animaux ou quoi ?

La bouffe ils ne la donnent pas à leurs chiens, on fait 2 repas par jour, on a faim.

Ils m’ont arrêté à Auxerre, sur le chantier, je travaillais et ils m’ont ramené à Toulouse, je connais personne ici. Je peux pas récupérer mon argent, je travaille, je paye des impôts, qu’est-ce qu’on fait là ?

Il y en a un qui a voulu se suicider avec un drap, on l’a trouvé dans le couloir. »

* L’enfermement des étranger·e·s entre prison et CRA est en train de s’intensifier. Pour rappel, une disposition a été votée dans le CESEDA (code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), validée en août 2021 par le Conseil constitutionnel, qui permet de condamner à une peine de 3 ans de prison les étranger.e.s refusant les tests PCR pour résister à leur expulsion, au même titre que le refus d’embarquer dans l’avion.

 

 

 

 

 

 

 

Cellule d’isolement

Ni rafles, ni CRA, ni prison, ni expulsions !
Solidarité avec les prisonnier.e.s et les personnes exilées !

« Ils veulent nous laisser ici, c’est raciste, c’est tout. »

Le centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse est comme toujours bien rempli. Les prisonnier.e.s témoignent depuis les différents secteurs du centre pour faire connaître les conditions d’enfermement et les acharnements racistes de l’État qu’iels subissent.
Des algérien.ne.s sont enfermé.e.s alors qu’il n’y pas d’expulsions vers l’Algérie qui ne délivre pas de laissez-passer depuis la fermeture de ses frontières en raison du Covid.

 

J : « Y’a pas d’avion pour les algériens et rien que dans ce secteur on est plusieurs, ils ont pris 28 jours et 60 jours, Y’a plein d’algériens dans le centre pour rien… Je suis marié et père d’une fille de 3 ans, elles sont françaises et je suis en France depuis 2016.  Ils veulent nous laisser ici, c’est raciste c’est tout. »

L : « On nous traite comme des chiens ici, les policiers ils font des gestes bizarres, on veut se couper les cheveux, c’est eux qui choisissent qui va se couper les cheveux. Tout est comme ça, le manger est dégueulasse, on mange du pain avec de la mayonnaise, on a faim.

Les gens ici sont loin de leurs enfants, y’a des pères de famille ici, pour les visites avec l’enfant il faut faire une demande, il faut demander à la Cimade. On dort pas de la nuit ici, on a des problèmes dans la tête, après ils viennent rajouter des problèmes, des propos racistes. On a parlé à la cheffe, on verra si ça va changer.
On demande qu’ils arrêtent de nous chauffer la tête, il faut pas fatiguer les gens ici.  Ils nous prennent la tête avec tout. Il faut qu’ils laissent les enfants rentrer.

Y’a des caméras ici vous pouvez demander à voir les caméras pour voir ce qui se passe. Je veux pas en rajouter, je dois régler ma situation. »

Plusieurs personnes d’un même secteur :
« Ici c’est pire que la prison. La liberté, c’est un truc énorme. Ils n’arrivent pas à expulser, mais avec la nouvelle loi maintenant on peut faire 90 jours, c’est pas bien ça. La plupart de nous, on vient de loin, Lyon, Marseille, on peut pas avoir de visites. »

« Nous, les musulmans, on mange végétarien. La dernière fois, ils n’ont pas voulu me donner mon argent pour manger dans la cellule. Mais même un truc sucré, dehors ça coûte 30ct, ici c’est 1€. »

« Ils sont racistes, la police ici ils ne respectent pas »

« Quand je suis venu ici, ils m’ont mis 6 jours au cachot, tu sors pas, enfermé 24h sur 24, tu sors juste pour aller aux toilettes deux fois. »

« Ici c’est dangereux ! Viens ici vérifier, ici c’est dangereux, ici il n’y a pas de liberté. Même le manger, ils donnent de la merde. Il y a des rats, il fait froid. Ils disent non pour la couverture. »

« Ici on est comme des animaux. 60 jours c’est long, on n’a pas de draps, pas de couverture. La dernière fois je voulais une couverture en plus, il m’a dit non. Pas de vêtements, pas d’argent, quand on va voir le juge. Moi j’étais en prison, à Rodez, c’était mieux pour rester. Il n’y a pas de cigarette. »

M : « Je n’ai pas mangé depuis 4 jours, c’est vraiment pas possible de manger, ici c’est pire que la prison. En prison ils te donnent la gamelle c’est mieux que le manger là. Il y a la machine, tu peux prendre du coca, des biscuits ou des chips mais au bout de 3 jours la machine y’a plus, les gens achètent.

Il y a des policiers qui nous cherchent pour tomber dans leur jeu, quand je suis revenue du parloir avec mon frère, la policière me parle mais je comprends pas, je lui dis je comprends pas, elle me dit, me prends pas pour une con. Elle me dit je rigole pas avec toi, je lui dis j’ai rien fait, j’ai fait ce que tu m’as dit. J’ai rien dit après pour qu’elle me laisse tranquille. L’autre fois un flic m’a dit plusieurs fois, toi tu vas partir à Lagos. Je sais pas pourquoi il me dit ça. »

S : « Ici c’est pire que la prison. La liberté, c’est un truc énorme. Ils n’arrivent pas à expulser, mais avec la nouvelle loi maintenant on peut faire 90 jours, c’est pas bien ça ». « Si tu peux, la plupart de nous, on vient de loin, Lyon, Marseille, on peut pas avoir de visites. »

E : « Je suis de Lille, je suis venu travailler dans les vendanges à Montauban. Ils m’ont mis 2 jours en garde à vue et après ici. J’étais venu dans le sud pour travailler un mois. ça fait 11 ans que je suis en France. J’ai vu une femme guinéenne qui a fait 90 jours ici…
ça fait 35 jours que je suis ici, un mois ici c’est comme 6 mois en prison. La bouffe est dégueulasse, le petit-déjeuner à 7h, si tu le rates, tu attends jusqu’à 11h30 et ensuite le diner à 19h, entre temps rien, que des saletés dans les distributeurs, c’est pas de la nourriture ça, on mange des bonbons nous ?

On dépense 10 euros par jour, y’a pas de chauffage. Tu peux pas dormir le soir, tu es toujours en stress y’a pas de droits ici. Y’en a qui crient le soir, les gens deviennent fous.

Y’en a qui ont des cartes de séjour, un a fait 12 ans de prison et ils le ramènent ici, ça suffit pas 12 ans de prison ? Sa vie est ici, il a sa famille, une promesse d’embauche… Avec les élections ça tombe sur nous les étrangers »

A :  « Tout le monde, il prend des cachets pour dormir. Et ça c’est injuste. Quand tu as des problèmes pour dormir, le médecin il donne des trucs, normal, comme ça.
Moi je lui dis, vous êtes généraliste. Dans mon cas il faut des spécialistes. Mais on est tellement enfermés, ils veulent pas. Un des médecins, il m’a dit « on n’est pas là pour ça ».

C : « Je suis arrivé en france mineur à 14 ans, j’étais scolarisé à Montauban, j’ai passé un CAP,  j’ai eu des papiers et le  31 août dernier, ma carte était finie, ils m’ont donné rdv le 14 et le jour où je vais à la préfecture pour le rdv, je suis arrêté à la gare de Montauban, ils m’ont menotté et m’ont emmené au comissariat 3 heures et ensuite ici au centre. Et je découvre que j’ai une OQTF.
Le juge m’a donné 28 jours une première fois puis encore 30 jours.

Mon ambassade a refusé de donner le laissez-passer, la consule ne comprend pas pourquoi je dois être expulsé.

Alors ils ont dit ils vont demander à la Centrafrique, au Sénégal ou à la Côte d’Ivoire de m’accepter. Je leur ai dit vous avez mes papiers guinéens, la photocopie du passeport, l’extrait de décès guinéen de mes parents je vais pas rentrer dans un pays qui n’est pas le mien….

J’ai travaillé à Toulouse, j’ai fait les travaux à l’université Paul Sabatier, j’ai tous les contrats de travail. Je leur ai dit laissez moi partir si vous voulez m’expulser, je vais aller dans un autre pays mais ne me laissez pas enfermé ici.

ça sert à rien que je combatte ici pour rien si dans 5 ans je me retrouve encore comme ça, c’est pas la loi ça.

A Toulouse c’est pas net pour nous les noirs, on donne des certificats, des attestations, des contrats pour rien, ils sont racistes contre les noirs ici. »