Violences policières au CRA de Cornebarrieu Toulouse

Témoignage d’un prisonnier du secteur A, le 29 décembre 2020

« Hier soir, après le repas, on rentrait du repas, il y a un monsieur qui est noir de peau, il était en train de trainer un peu sur le chemin avec un café à la main, il y a un policier qui l’a poussé, le café s’est renversé par terre, ils se sont énervés, ils l’ont pris dans une chambre, ils lui ont enlevé ses vêtements, une chambre froide d’après ce qu’il a dit lui, ils l’ont frappé vite fait.
Après ils l’ont ramené chez nous au secteur, il était en train de pleurer, ça nous a fait de la peine, on a commencé à faire une petite démonstration on va dire, on a jeté tous nos matelas dans le couloir. Les policiers ont pris tous les matelas et ils sont venus pour faire du chantage on va dire. Ils ont pris un autre noir parce qu’il a réclamé pour son copain, ils l’ont pris, on sait pas où ils sont les 2, jusqu’à maintenant.
Ils ont pris les matelas vers 1h du matin et ils les ont remis vers 6h30 du matin avant que le deuxième groupe vient, comme ça le deuxième groupe remarque rien, mais nous on a insisté qu’il y a les caméras qui ont tout filmé et pour que justice soit rendue, c’est pas normal de faire ça, c’est interdit c’est contre la loi. Franchement on dirait des animaux à l’intérieur, Ils nous prennent pour des animaux, des animaux vraiment. »

Retour sur le rassemblement de samedi 19 décembre devant le CRA de Cornebarrieu Toulouse

Notre collectif Toulouse Anti CRA appelait à un rassemblement samedi 19 décembre devant le centre de rétention de Cornebarrieu, afin de manifester notre soutien aux prisonnier·e·s, d’appeler à l’abolition des CRA et de dénoncer les violences policières et le racisme d’État.

On était plusieurs dizaines à venir manifester mais à notre arrivée, on était attendu·e·s avec un dispositif complètement démesuré : la route passant devant le CRA était fermée des deux côtés 400 mètres avant l’entrée, des plots au sol empêchaient d’avancer, la circulation était déviée, 10 camions de gendarmes prêts à intervenir bloquaient tout accès. Impossible de s’approcher, on n’a donc pas pu ni manifester, ni communiquer avec les prisonnier·e·s.

Pendant ce temps, la violence s’est déployée sur les prisonnier·e·s.

Dès le matin, les flics de la PAF sont venus leur parler de la manifestation:

« Ils nous ont parlé de la manifestation, ils nous ont dit vous restez gentils sinon on trouvera quelque chose contre vous, vous restez dans les chambres.

On n’est pas d’accord, alors au secteur A, on a tous refusé le repas à midi, sauf ceux qui sont malades qui doivent prendre des médicaments. C’est l’humiliation ici tout le temps…

Des policiers sont rentrés, ils étaient 25 alors qu’on est 18 au secteur A. Ils sont rentrés avec des casques, des matraques, des lacrimos et des extincteurs. Ils sont allés dans les chambres, partout dans le secteur.

On est sortis dans la cour, on n’est pas rentrés dans les chambres, on a dit on reste dans la cour, on fait rien de mal, ils nous ont parlé de la manifestation. »

Depuis la cour du secteur A qui borde la route, il est possible d’entendre les manifestant.e.s, de faire un parloir sauvage.

« Ils ont dit c’est interdit la promenade, on a négocié et on est restés dans la cour. J’ai parlé avec un chef, je lui ai dit, « tu n’as pas le droit de nous dire de rentrer dans les chambres, si vous voyez un problème vous pouvez nous dire de rentrer mais là on n’a rien fait, on connait la législation, ça se fait pas de venir nous voir avec la lacrimo. »

« Les gens ici n’ont rien, ils ont pas le moral, ils faut venir les voir aux parloirs, faites quelque chose pour eux, ils sont pas bien, y’a pas de respect, on mange pas bien, on peut pas étudier, y’a pas de téléphone, pas de sport, pas de jeux, rien, venez ici et vous verrez c’est quoi le racisme. »

Lors des rassemblements précédents en septembre et en octobre, où le collectif était présent avec de nombreuses associations, on avait réussi à se rassembler devant le CRA, à faire des parloirs sauvages, à exprimer notre soutien aux prisonnier·e·s. Cette fois, rien de tout ça n’était possible.

Ce dispositif, à l’extérieur comme à l’intérieur, cherche à intimider et mater les prisonnier·e·s un peu plus, pour les décourager de lutter. Il a aussi pour but de décourager les militant·e·s qui dénoncent les violences policières et le racisme d’État, et qui relaient la parole des personnes enfermées.

À l’intérieur du CRA, dispositif exceptionnel ou pas, le système est rodé, tou·te·s les prisonnier·e·s le rapportent, les humiliations sont quotidiennes, les flics provoquent et si les personnes se rebiffent elles peuvent se faire tabasser et se retrouver au mitard plusieurs jours, voire partir en garde à vue puis en prison.

Tous ces témoignages, qui relatent la maltraitance et le racisme institutionnels, sont sur ce blog.

Ces intimidations ne nous empêcherons pas de continuer à lutter, à nous organiser, à témoigner notre solidarité aux prisonnier·e·s par tous les moyens ! Contre les CRA et les prisons ! À bas les frontières !

Rassemblement samedi 19 décembre à 14h devant le CRA de Cornebarrieu Toulouse

POUR L’ABOLITION DES PRISONS POUR ÉTRANGER.E.S !

Le 18 décembre, pour la Journée internationale des migrantEs, nous rejoignons les collectifs de sans-papiers et tous leurs soutiens pour un acte 4 : continuer la lutte pour la régularisation de toutEs les sans-papiers, la fermeture des centres de rétention administrative (CRA) et le logement pour toutEs.

Les images du démantèlement du camp à Saint-Denis et de la répression policière lors de la manifestation des exiléEs place de la République à Paris donnent à voir comment l’État traite les personnes vulnérables, sans abri. Mais loin des caméras, la répression est le quotidien des exiléEs, notamment à Calais.

Cette violence policière et ce racisme d’État s’exercent sur les sans-papiers partout, tout le temps : dans les rues, les camps, les squats, et dans les CRA. Les CRA sont des prisons pour étrangerEs, où les personnes y sont humiliées, déshumanisées et violentées par l’État.

Cette violence policière et ce racisme d’État s’exercent depuis des décennies sur les populations précaires et racisées. Appliquant une doctrine coloniale du maintien de l’ordre dans les quartiers populaires, la police harcèle, insulte, humilie, frappe, mutile et tue.

Il s’agit ainsi de soumettre les populations : de les invisibiliser, de les maintenir à la marge et dans la précarité, de permettre leur exploitation. Les CRA ont une fonction comparable, ils ne servent pas qu’à expulser et punir les sans-papiers, mais aussi à les faire vivre sous la menace permanente de l’enfermement et de l’expulsion, afin de les maintenir corvéables et invisibles, d’en faire une main d’œuvre délocalisée à l’intérieur du territoire.

La fuite en avant autoritaire et fascisante de l’État s’accentue avec la loi de « sécurité globale », tandis que la « loi confortant les principes républicains » (ex-loi contre le « séparatisme ») affiche une islamophobie d’État totalement décomplexée. Ces lois alimentent l’imaginaire d’un ennemi de l’intérieur qui est à contrôler, enfermer, expulser, à la suite des lois sécuritaires et racistes qui ont précédé et se sont empilées au fil des ans.

Sous le prétexte d’une « lutte anti-terroriste », l’État s’attaque depuis des années à toutes les personnes musulmanes ou supposées telles. Avec la décision récente de dissoudre le CCIF sur la base d’accusations fallacieuses, il cherche aussi à désarmer les luttes contre l’islamophobie, la résistance et l’auto-organisation de celles et ceux qui subissent le racisme d’État.

Contre cet État raciste, contre sa police, nous opposons une auto-organisation émancipatrice, décoloniale, anti-impérialiste et antiraciste, nous nous joignons aux collectifs de personnes concernées qui organisent la défense et la riposte.

Nous soutenons les luttes que les personnes enfermées mènent à l’intérieur des CRA, elles exigent leur libération et la fermeture de tous les CRA en France.

En solidarité avec les personnes sans-papiers emprisonnées au CRA, venez le samedi 19 décembre à 14h ! Notre collectif organise un covoiturage, n’hésitez pas à nous contacter au 07 51 37 96 57.

Papiers pour toutEs ou pour personne, ni prison, ni CRA, ni expulsion. À bas le racisme d’État ! À bas les frontières !

 

Au CRA de Cornebarrieu Toulouse, les prisonniers du secteur A ont été violemment réveillés pour une fouille. LA PAF a emmené 2 personnes en garde à vue.

Mardi 8 décembre, la PAF a violemment réveillé les prisonniers du secteur A, du centre de rétention de Cornebarrieu en banlieue toulousaine. Ils les ont sorti de leur chambre et ont fouillé leurs affaires. Un des retenus raconte : « Ils nous ont fouillés comme des animaux. Ils ont cassé des téléphones et ont tout balancé par terre… On a été privés de sortie [du secteur à l’intérieur du CRA]. On ne peut pas aller chercher des cigarettes ni aller voir la Cimade ».

La police prétexte une tentative d’évasion alors que personne n’a été retrouvé dehors. Ils ont sorti du secteur deux personnes (dont un qui est parti « en short » sans qu’on lui laisse le temps de s’habiller)

« La porte était grande ouverte, personne n’est sorti. L’équipe de nuit a mis une heure ou même une heure et demie à venir voir la porte et à constater qu’il ne manquait personne. Ils ont relevé les empreintes sur la porte : ça n’a pas de sens vu que tout le monde la touche. Ils vont trouver leurs propres empreintes. »

Tout au long de la journée la présence policière a été massive au secteur A et aux abords du CRA. La PAF patrouille même sur les pistes de l’aéroport qu’on voit derrière le grillage depuis le secteur A. «D’habitude c’est pas autant ». «On aurait dit qu’on avait fait un braquage, un attentat».

« On est juste enfermés parce qu’on est en situation irrégulière. T’es la, t’as rien fait. On a pas commis un délit : même si on s’était vraiment évades ce serait trop »

Finalement, les retenus ont obtenu qu’on les laisse sortir du secteur au moins pour aller voir la Cimade (qui leur fait du conseil juridique) en insistant auprès de la police. « Ils ont cédé parce qu’on leur a fait un boucan ».

On a appris que les deux personnes embarquées ont été gardées à vue dans un commissariat voisin, puis déférées, mais on n’en sait pas plus sur leur éventuel procès, transfert…

Tout ceci s’ajoute aux conditions de détention déjà difficiles en temps normal et qui ont empiré dernièrement :

Depuis deux semaines le secteur A n’arrive pas à accéder a l’OFII, ou ils peuvent acheter des cigarettes, des recharges téléphoniques… Ils sortent les avant-derniers en promenade, juste avant les prisonnières du secteur B, et ils leur disent que c’est trop tard pour acheter.

Lundi ils leur ont coupé l’eau a 21h. Le lendemain matin elle a été rétablie mais elle était froide. « C’est comme si c’était une punition ».

« On a rien fait, déjà moi je suis pas d’accord qu’on soit ici, mais en plus on est dans de mauvaises conditions »

Les CRA sont une prison ou l’on déshumanise d’autant plus les prisonniers qu’ils sont étrangers, à bas les frontières et à bas l’enfermement !

Témoignage de l’intérieur du CRA de Cornebarrieu Toulouse

« Suite à notre passage par le CRA de Cornebarrieu début novembre nous voulons partager des infos, maintenant qu’on est dehors.

Comme beaucoup d’autres nous avons été transférés depuis la prison. Les flics ont passé nos affaires au peigne fin. Ils en ont jeté beaucoup et ils en ont gardé d’autres dans la fouille.

Les médecins refusent des soins et traitent avec mépris des enfermées, surtout quand iels parlent pas français. Une personne a mangé du papier pour protester et le médecin a dit « il a qu’à digérer ». Une personne enceinte n’a eu aucun suivi malgré ses demandes.

Le kit arrivant est ridicule : du savon et du dentifrice pour quelques jours alors que la plupart des gens restent deux ou trois mois. En plus, dans le secteur « femmes » il n’y a pas de serviettes hygiéniques.

Dans certains secteurs plus que d’autres les cellules sont insalubres : froid, moisissure, eau stagnante, cafards… En plus, les enfermées ne peuvent pas nettoyer (pas de produit de ménage, pas de balai…) et les agents de ménage ne font que les sols. Des secteurs sont pleins (une trentaine de personnes) tandis que d’autres sont presque vides. Il y a eu une coupure d’élec d’au moins 2 heures, ce qui entraîne la coupure de l’eau, l’annulation des promenades, et le maintien dans un bâtiment très sombre.

La gestion du covid est absurde. On n’a accès au gel hydroalcoolique qu’avant les parloirs. Quand un enfermé en a réclamé dans son secteur il lui a été répondu « il n’y en a même pas pour nous, on va pas vous en donner ». #paroledeflic Les enfermées sont séparées dans 5 secteurs avec des cours et des horaires de sorties et de repas différents. Les flics les empêchent de se croiser alors qu’ils nettoient pas les tables entre chaque service. Souvent les flics ne portent pas de masque. On nous oblige à mettre le masque pour sortir du secteur alors que dedans nous sommes en totale promiscuité. En gros, c’est au bon vouloir du flic.

L’organisation habituelle de l’accès aux colis (1 fois par jour) est suspendu dès qu’il y a des « urgences ». Or, en « période covid » cet état d’urgence est permanent, amenant des situations telles que : des personnes n’ont pas pu téléphoner à leurs familles pour les prévenir de leur enfermement pendant plus de trois jours. On nous dit qu’il n’y a pas de parloirs alors qu’ils restent autorisés. Des personnes à l’extérieur se sont pris des amendes pour « motif de déplacement irrecevable » alors qu’elles amenaient un colis, et n’ont pas pu voir les personnes qu’iels venaient voir. Cependant, grâce à la pression le lendemain il y a pu avoir des colis déposés et des visites.

Bref, le covid sert d’excuse pour faire chier les enfermées.

L’ambiance est différente selon les secteurs. Le secteur B est le secteur « femmes ». À l’infantilisation due à la langue et à l’origine s’ajoute celle liée au genre et à l’âge perçus. Les flics se moquent des fringues, disent de pas rire fort, exigent de pas parler aux « garçons », ils méprisent des personnes enceintes ou avec des enfants. Comme si les pauvres en situation irrégulière ne devaient pas avoir d’enfants. Début novembre 2020 le secteur A était plein (une trentaine de personnes). Les gens dansent, gueulent même quand il y a les flics, bref, les flics font moins la morale que dans d’autres secteurs. Malgré des vols dus à l’enfermement et à la pauvreté, en général les enfermées s’entraident : partage des portables, de la bouffe, soutien émotionnel, ceux qui parlent mieux français aident les autres avec les demandes et les papiers, notamment en parlant aux flics. Les gens résistent aux flics et ne se laissent pas faire.

N’en déplaise aux conneries des flics, qui disent « vous n’êtes pas en prison », les CRA sont bel et bien une prison. »

A bas les CRA !

« Le policier lui dit, attends, on va dans un endroit où y a pas de caméra pour régler ça, et je vais tout te faire ! »

Témoignages de prisonniers du centre de rétention de Cornebarrieu Toulouse dans différents secteurs : conditions de vie indignes, humiliations, provocations et violences de la part des flics si les personnes se rebiffent.

M. « Je suis au CRA depuis un mois parce que je suis resté plus de trois mois en France alors que j’ai des papiers en Italie et ils sont toujours valables. Je suis repassé au JLD et le juge m’a encore donné 30 jours de plus
Il veulent me renvoyer dans mon pays mais moi je veux repartir en Italie, j’ai les bons papiers et je peux travailler là-bas…Ici, au CRA, c’est pire qu’en prison : y a rien à faire de la journée : pas de sport, pas d’activité, pas de travail…Alors pour tenir je dors la journée et je regarde la télé la nuit. Les repas c’est vraiment pas bon, ça donne pas envie de manger, je mange un peu pour tenir…La semaine dernière j’avais pas le moral, encore moins envie de manger, et le policier m’a dit : « tu vas manger ou tu vas au cachot ! », alors j’ai dit « si c’est comme ça : mettez-moi au cachot ! », il ne l’a pas fait, ok mais c’est pour dire l’ambiance !… Toujours des intimidations comme : ici, c’est qui qui commande ? Dis-moi !  je réponds pas, je me tais, sinon ça va à l’embrouille ! Ils nous prennent pour des ignorants, ils nous menacent, nous traitent comme des moins que rien, même pas comme leur propre chien !

K. : « Suis au CRA depuis presque un mois, je dois passer au JLD la semaine prochaine. L’OFPRA a fait un rejet de ma demande d’asile politique, après j’ai eu le rejet de la CNDA, puis l’OQTF… J’ai été contrôlé et je me suis retrouvé ici ! Après le rejet CNDA, j’ai voulu faire une demande de Réexamen à l’OFPRA mais c‘est pas possible pour moi. Je suis parti parce que j’étais recherché et je risquais ma vie en restant au pays. Ma famille et mes amis sont eux-mêmes en danger s’ils disent qu’ils savent que je suis en France. Alors si en plus ils font des recherches pour obtenir des nouvelles preuves des menaces contre moi, c’est encore plus dangereux pour eux, c’est les condamner deux fois, je peux pas leur demander ça ! Alors j’attends ici, au CRA…
Je pensais pas qu’un endroit pareil existe en France ! C’est tendu, très tendu… La semaine dernière y a eu un désaccord entre un retenu et un policier, le policier lui dit attends, on va dans un endroit où y a pas de caméra pour régler ça, et je vais tout te faire !… », ça a s’est ensuite mal passé…on n’y était pas mais au résultat le retenu a été mis en garde à vue, le flic avait porté plainte contre lui ! J’y crois pas ! Faut voir comment ils nous parlent. Heureusement, la plainte n’a pas été retenue et le retenu est revenu au CRA…C’est pour dire que c’est vraiment tendu !… En plus, y a vraiment rien à faire ici, on peut même pas sortir dans la cour à cause des travaux, il n’y a que la télé, pas de journaux, pas d’internet même limité, pas d’informations qu’on peut choisir, c’est pire qu’une prison, rien d’autre !
Y a bien la CIMADE dans le CRA mais elle fait rien pour ça, elle respecte le protocole, elle est pas un organe de lutte, elle nous assiste un minimum pour les dossiers, pour un minimum de dignité juridique, mais c’est tout… A cause du cluster covid qu’il y a eu au CRA de Bordeaux, les policiers nous ont dit qu’on allait être tous testés, on a tous refusé ! J’ai dit aux policiers que je voulais m’entretenir avec mon médecin traitant pour en discuter avec lui, c’est un droit, c’est lui qui coordonne tous mes soins, je ne suis pas en prison ! Ils n’ont pas insisté. Je suis tombé du ciel ou quoi ?!
Ici tu perds toute ta dignité ! J’avais entendu parler des CRA mais jamais je pouvais imaginer que c’était comme ça à l’intérieur, en entrant au CRA, tu passes d’un coup d’une zone de droit à une zone de non droit… »

Pour un féminisme décolonial, anti-impérialiste, antiraciste et anticarcéral

Appel à participer à la riposte féministe le 25 novembre 18h au Capitole

Notre collectif milite pour l’abolition des prisons pour étranger·e·s appelées centres de rétention administrative, CRA.
Nous sommes solidaires des personnes sans papiers et des prisonnier·e·s, nous soutenons leurs luttes.
Notre lutte s’inscrit dans une démarche décoloniale, anti-impérialiste, antiraciste et anticarcérale.
Ce texte a été écrit en non mixité femmes.

Depuis des mois, nous recueillons la parole des personnes qui sont enfermées au prétexte qu’elles n’ont pas les bons papiers. Un enfermement qui peut aller jusqu’à 3 mois. Des dizaines de témoignages nous rapportent les conditions atroces d’enfermement notamment celles des femmes qui subissent le sexisme et le racisme de la police aux frontières (PAF) qui gère ces prisons. Elles sont insultées, humiliées, harcelées. Des refus de soin sont régulièrement rapportés par les prisonnières.

Au CRA de Toulouse les femmes se sont mises en grève de la faim le 30 octobre pour demander leur libération et dénoncer les conditions d’enfermement. L’une d’elles était enceinte de 5 mois, elle avait des douleurs, elle perdait du sang et a dû attendre plus de 24h avant que le médecin n’accepte de l’hospitaliser. Elle n’est pas libérée pour autant et elle est ramenée au CRA. (1)

Au CRA du Mesnil-Amelot en région parisienne aussi, les prisonnières dénoncent les multiples insultes et harcèlements par les flics. Alors que l’une d’elles est tombée malade suite à une infection causée par le rationnement des serviettes hygiéniques, les prisonnières ont dû lutter pour faire intervenir les pompiers, les flics ne voulant pas les appeler. Elles ont été traitées de « putes » et ont été forcées à chanter « joyeux anniversaire » au chef du centre sous peine de ne pas manger. Leurs témoignages dénoncent aussi la nourriture périmée qui leur est donnée et le froid dans lequel elles vivent. (2)

Nous dénonçons ces maltraitances et toutes les oppressions subies par les femmes et les minorités de genre, c’est à dire le patriarcat mais aussi le racisme d’État, l’islamophobie, les violences policières. Nous dénonçons également la militarisation accélérée de la société et l’enfermement massif des personnes issues des classes populaires et des personnes racisées. Les effets de cet enfermement sur les femmes sont invisibilisés.

Nous revendiquons un féminisme décolonial qui combat le racisme, le capitalisme et l’impérialisme, il est l’héritier des luttes des femmes du sud global. Nous nous opposons au féminisme universaliste qui accapare les débats politico-médiatiques et contribue à la perpétuation d’une domination de classe, de genre et de race.

Nous condamnons l’hypocrisie de l’État qui instrumentalise le féminisme pour mettre en place des lois racistes. Il récupère des revendications féministes pour pénaliser, enfermer et expulser davantage. Ce fémonationalisme est inacceptable. Le renforcement de la double peine pour les étrangers s’aligne sur le projet de l’extrême droite.

l’État précarise et violente les femmes même s’il se targue de les défendre. Il est fondé sur le capitalisme, le racisme et le patriarcat. Les femmes sans-papiers et les femmes racisées sont exploitées et discriminées. Elles occupent des postes parmi les plus dévalorisés de la société alors même qu’ils sont indispensables à son fonctionnement.
L’État refuse de régulariser les femmes sans papiers afin de les maintenir dans la précarité et de les garder corvéables, avec la menace constante d’être expulsées.

Cette violence s’exerce aussi quand l’État stigmatise les femmes musulmanes et les enjoint à se dévoiler, faisant écho aux pratiques coloniales et aux séances de dévoilement organisées en Algérie par l’armée française.
Nous gardons en mémoire comment, pendant la colonisation, la France a organisé la prostitution, la pornographie et le viol comme arme de domination et de guerre dans ses colonies ou encore comment elle a fait avorter et stériliser des milliers de femmes non blanches en Outre-mer pour appliquer sa politique antinataliste.​​​​​​​

L’État et ses prisons ne nous sauveront pas du patriarcat. Notre combat antipatriarcal et antiraciste ne pourra se faire qu’en toute indépendance de l’État et de ses institutions.

A bas les frontières, la police, les CRA et les prisons !

(1) https://toulouseanticra.noblogs.org/greve-de-la-faim-au-centre-de-retention-de-toulouse-dans-plusieurs-secteurs-suite-a-lannonce-du-confinement/
(2) https://abaslescra.noblogs.org/tu-chantes-pas-tu-manges-pas-temoignage-des-prisonnieres-du-cra-du-mesnil-amelot/

Témoignage collectif de la situation au CRA de Toulouse

05 mars 2020

Plusieurs personnes ont voulu témoigner collectivement de ce qu’elles subissent. On a d’abord eu Y qui sera déporté dimanche suite à un visa périmé. Il a besoin de vêtements pour arriver correctement habillé chez lui. « Ils m’ont contrôlé, mon visa est périmé, ils m’ont mis au CRA 8 jours. C’est la première fois qu’on me met des menottes, je comprends pas pourquoi ils les mettent dans le dos. Je suis enfermé pour un visa !« .

Puis B a pris la parole, il est enfermé depuis le 22 février. Il est sorti de Seysses et a été placé au CRA.

  • Il nous fait part d’un problème avec un policier en particulier qui pose problème : il touche les nouveaux arrivants au CRA, il s’agit d’agressions sexuelles selon les explications. « Il provoque pour nous envoyer en prison et on peut rien faire ». « Le policier fait ça devant tout le monde pour que tout le monde voit. » Ils vont essayer de relever son matricule.
  • La nourriture n’est pas halal, ils ne peuvent pas prendre de nourriture dans les chambres alors que le dîner est à 19h30, ils ont faim la nuit. Ils mangent des sandwichs à la mayonnaise. Ils sont nombreux à ne rien manger. Un des retenus a été opéré, il a un certificat médical de son opération, mais il ne mange rien non plus.
  • Il fait froid, il n’y a pas de chauffage, pas de shampoing.
  • Hier matin vers 8h, le visage d’un des camarades a gonflé « comme un ballon de foot », ils ne l’ont pas emmené à l’hôpital, ils ne sont venus qu’à 11h, ils lui ont donné du Dafalgan (paracétamol) et de l’Augmentin, un antibiotique pour ce qui semble être une grosse allergie (?) « Le médecin ne donne que du Doliprane et du Valium, il ne soigne pas, on a peur de mourir ici, on a peur qu’il nous arrive quelque chose. Voilà ce qu’on a à dire, on s’est mis d’accord pour vous dire ça »

Au CRA de Toulouse : « Si tu veux pas partir, ils mettent un casque sur la tête et du scotch sur tout le corps et tout le monde te voit. »

09 février 2020

D. a grandi dans un orphelinat à Alep, il a quitté la Syrie à l’âge de 13 ans et a vécu et travaillé dans différents pays, notamment l’Égypte. Pour atteindre l’Europe il est passé par la Libye puis le Maroc, l’Espagne et enfin la France. Il a vécu à Toulouse, Nice et Marseille. Il travaillait sur des marchés à Toulouse. Il s’est fait arrêter à Bellefontaine. Il a été enfermé au CRA de Toulouse après sa levée d’écrou. Il a passé 4 mois à Seysses. Il évoque les violences de matons à l’intérieur de la prison.

« Oui, ici au CRA, il y a des violences, j’ai entendu des gens qui crient, les policiers ils nous insultent tous les jours, ils boivent de l’alcool, on voit leur table avec les bouteilles et ils mettent de la musique, ils prennent de la coke, je reconnais quand quelqu’un prend de la coke, ça se voit.

Oui, il y a des gens au mitard en ce moment mais je sais pas qui c’est.

On mange rien, c’est dégueulasse, c’est froid, il y a des plats périmés. Il y a 6 personnes au secteur D qui veulent pas manger, ils prennent un café le matin, c’est tout, ils mangent rien.

Je prends pas de médicaments pour dormir, ici, ils en donnent beaucoup mais après quand tu sors comment tu fais si tu n’as pas ces médicaments…

À côté du bureau de la Cimade, il y a une feuille pour les expulsions mais on on ne sait pas quand on est expulsé, ils préviennent pas, on peut pas prendre nos affaires… Si tu veux pas partir, ils mettent un casque sur la tête et du scotch sur tout le corps et tout le monde te voit. »

Au CRA de Toulouse, « les policiers nous insultent, ils nous poussent pour qu’on s’énerve »

01 février 2020

R. est enfermé depuis plus de 50 jours :

« C’est pire que tout, ici c’est des fous, c’est la hogra, les policiers nous insultent, ils nous poussent pour qu’on s’énerve, même devant les caméras, ils veulent qu’on s’énerve pour nous emmener à Seysses. Ils nous détestent nous les algériens. Ils font la fête entre eux, ils mettent de la musique dans les haut-parleurs, il y en a qui sont en couple, ça se voit, ils boivent de l’alcool.

Même en prison on peut avoir la nourriture dans la chambre, ici ils veulent pas. La bouffe est dégueulasse, pas halal, les gens maigrissent beaucoup. C’est très très sale, ça pue, ils font pas le ménage. Je me lave sans shampoing, ils en donnent pas. »

Il n’a pas voulu prendre les psychotropes que voulait donner le médecin.

R. est allé voir la Cimade pour se plaindre du comportement de la police mais il ne s’est rien passé. Il avait vécu 2 ans en Allemagne, il a essayé la France mais pour lui c’est pire. Il va essayer de partir en Espagne et pourquoi pas en Algérie.