Compte Rendu – Audiences devant le JLD – Septembre 2025

Au tribunal judiciaire de Toulouse, tous les matins, tous les jours sans exception, se tiennent les audiences « droit des étrangers » des personnes enfermées au Centre de Rétention Administratif (CRA) de Cornebarrieu Toulouse devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD). Il s’agit de décider si les personnes doivent être maintenues au CRA ou libérées. Les personnes enfermées en CRA repassent devant le juge au bout de 4 jours, 30 jours, 60 jours, et 75 jours d’enfermement – soit potentiellement quatre fois durant la durée de leur détention. 

Les personnes peuvent être enfermées jusqu’à 90 jours. La libération du CRA ne lève pas les interdictions de territoire ou les obligations de le quitter : l’arrestation peut toujours survenir à tout moment et ramener au CRA. Ainsi de nombreuses personnes se retrouvent en circuit quasi fermé entre CRA et prison notamment en raison des mesures d’expulsion qui donnent aux préfectures et à la justice de nombreuses possibilités d’enfermer et d’expulser.

Nous publions un compte rendu brut – issu de notes prises lors d’un JLD fin septembre 2025 – retranscrivant ce qui a été dit, selon les termes utilisés lors des audiences. Le vocabulaire est donc celui de la juge, de la préfecture et des avocat·es, qui parlent de « retenus » pour désigner les prisonniers, de « rétention » pour les enfermements, et d’« éloignement » pour les déportations. Le choix de publier un compte rendu brut a pour objectif d’exposer la violence raciste institutionnelle et systémique à laquelle les détenus sont confrontés notamment au travers du caractère brutal, répétitif et mécanique des audiences.

Les détenus sont emmenés par la PAF (Police Aux Frontières) depuis le CRA jusqu’au tribunal en minibus. Ils sont escortés par la police, menottés dans le dos. Ils sont appelés tour à tour à la barre pour une audience très courte – ce jour-là en 1h20, sept personnes défilent devant la juge soit à peine plus de 11 min par audience. Ils n’ont quasiment pas la parole, sont méprisés par la juge, violentés physiquement et verbalement par la police, accusés par la préfecture, et dépendants de la défense que leur avocat·e commis d’office voudra bien leur accorder – bien que peu importe si la défense s’applique ou non à mettre en lumière les contradictions de l’enfermement, les décisions de justice varient très peu. Trois avocat·es différent·es plaident, avec plus ou moins d’implication. Une interprète est présente pour les personnes qui le souhaitent.

Première audience – B.A.

La juge commence à introduire le dossier avant de se rendre compte, confuse, qu’elle s’est trompée et qu’elle est en train de donner les détails d’un dossier qui n’est pas le bon – apparemment il y deux personnes qui comparaissent avec le même nom de famille aujourd’hui. Elle explique que B.A. est un ressortissant tunisien, qu’il a eu plusieurs OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), dont la dernière en octobre. Il a eu un refus de titre de séjour en février dernier. Il a été incarcéré à plusieurs reprises.

B.A. prend la parole et explique que sa copine et son grand-père sont en France – d’ailleurs, iels sont présent·es dans la salle. Il souhaite partir par ses propres moyens, en Suisse ou en Italie.

Le représentant de la préfecture prend la parole – il parle de lui en disant l' »individu ». Il affirme qu’il est connu sous quatre identités différentes et qu’il a été incarcéré à Seysses pour une histoire de stupéfiants. La préfecture demande le maintien en rétention.

L’avocate corrige l’énoncé qui a été fait du dossier en soutenant qu’il n’y a eu qu’une seule OQTF, qui date de 2022, et qu’il y a eu donc une seule mesure d’éloignement. Elle expose un problème de diligences1: la préfecture n’a pas fait les mesures nécessaires pour l’éloignement. Elle cite les différents mails qui ont été adressés au consulat de Tunisie, dans lesquels les photos ont été envoyées, mais pas d’empreintes – alors que l’accord franco-tunisien précise qu’il est nécessaire d’envoyer les empreintes. L’impératif de diligence n’est donc pas rempli, la préfecture n’a pas tout fait pour éloigner au plus vite la personne, la détention est donc illégale.

B.A. a de nouveau la parole, il explique qu’il n’arrive pas à manger ni à dormir, que c’est très compliqué, qu’il est prêt à partir et que c’est très très dur.

Deuxième audience – M.B.

La juge introduit le dossier : M.B est un ressortissant algérien. C’est la seconde demande de prolongation de son enfermement, il est donc au CRA depuis 1 mois. Il a eu plusieurs OQTF et une ITF (Interdiction de Territoire Français) de trois ans en 2023.

L’avocate soulève une atteinte aux droits. La juge parait agacée. L’avocate explique que le 11 septembre, M.B. a été sorti du centre pour un déferrement pour la mise à exécution d’une peine. Elle explique que ça a été une journée très longue, qu’il n’a pas pu manger, qu’il a été tenu dans l’ignorance et qu’il s’agit d’un incident dans la rétention, qui doit figurer dans le registre. Ensuite, et la défense semble reposer principalement sur cet argument, elle fait remarquer qu’au vu de la « crise diplomatique franco-algérienne »2, et de l’absence de laissez-passer pour l’Algérie, il n’y a pas de perspective raisonnable d’éloignement vers l’Algérie. Elle cite une jurisprudence récente qui date de septembre 2025 – du tribunal de Toulouse – qui a donné lieu à la remise en liberté des retenus au vu de cette absence de perspective raisonnable d’éloignement – au regard de la « crise diplomatique franco-algérienne ».

La préfecture avance en réponse qu’on ne peut pas affirmer qu’il ne sera pas éloigné car on ne peut pas prévoir le contexte géopolitique, et que l’individu est une menace à l’ordre public3. La préfecture demande le maintien en rétention.

M.B. prend la parole. Il dit que c’est sa troisième fois en CRA, et qu’à chaque fois il a fait trois mois. Il dit que c’est très, très dur, qu’il a déjà été en prison et qu’il a été libéré.
La juge lui rétorque « euh oui, mais vous êtes resté en France après, monsieur ». Il répond qu’il est resté car on l’a mis dans un foyer pour le soigner, qu’il sait très bien qu’il n’a pas le droit de rester en France et qu’il compte partir pendant trois ans.

Troisième audience – M.V.

La juge introduit le dossier : M.V. est un ressortissant algérien. Il est sorti de détention en prison en août, et il a une interdiction de retour de trois ans.

M.V. prend la parole, dit qu’il veut partir en Autriche. Il a un cousin là-bas et a fait une demande d’asile. Il explique qu’il est malade.

Le représentant de la préfecture répond, en ce qui concerne le côté médical, que puisqu’il est allé en hôpital psychiatrique tout est réglé, il a été traité, donc il n’y a plus de problème : son état n’est pas incompatible avec l’enfermement. Il ajoute qu’il est coupable de violences sur conjoint. La préfecture demande le maintien en rétention.

L’avocate entame la défense en évoquant la demande d’asile attestée, qui a été faite en Autriche par le retenu. Elle dit que M.V. est une personne dublinée4 qui doit être reconduite vers le pays de l’asile. Comme sa consœur plus tôt, elle fait remarquer l’insuffisance des diligences. Il n’y a pas de perspective raisonnable d’éloignement – sachant que par raisonnable on entend que l’éloignement pourrait être envisagé dans le délai de la rétention et que, au vu de la crise diplomatique qui perdure ce n’est pas le cas. Elle dit : « la rétention n’est pas une sanction, c’est un moyen pour permettre l’éloignement ». Elle cite également la jurisprudence récente de septembre 2025, du tribunal de Toulouse évoquée plus tôt, expliquant que les jurisprudences commencent à noter qu’il existe une crise diplomatique. Elle dénonce les saisines absurdes de la préfecture qui tente de contourner le problème et prolonger la durée de rétention en entamant des démarches auprès du consulat du Maroc alors que rien n’aurait pu indiquer une nationalité marocaine. Elle ajoute que le retenu présente une particulière vulnérabilité, qu’il a subi des faits en détention – dont elle ne donnera pas le détail – qui l’ont fragilisé et qu’il a déposé plainte en raison de ces faits, ce qui selon ses mots « demande beaucoup de courage ».

L’un des policiers présents perturbe l’audience avec le son au volume très élevé de son téléphone. L’avocate lui jette un regard rapide, agacée.

Le représentant de la préfecture reprend la parole, avance qu’il y a beaucoup de choses qui ont été dites et qu’il n’est pas possible de répondre à tout, mais qu’il tient à souligner que c’est toujours la même chose qui est dit à propos de l’Algérie, et que ça n’a pas de sens.

Quatrième audience – A.A.

La juge introduit le dossier : A.A. est un ressortissant tunisien. Il est né en 2006 (il a donc 19 ans). C’est la première demande de prolongation de son enfermement (4 jours après son incarcération au CRA).

L’avocate entame la défense en faisant remarquer que le retenu doit être informé de ses droits, et notamment du droit d’entrer en contact avec son consulat. Or, les coordonnées du consulat n’ont pas été communiquées au retenu par la préfecture, ce qui constitue un grief.
Elle soulève également un vice de procédure en ce qui concerne les pièces justificatives : l’audition n’a pas été communiquée. L’audition est pourtant nécessaire pour vérifier la situation personnelle de l’accusé. L’absence d’une retranscription de l’audition rend la requête irrecevable, puisqu’il n’est pas possible d’apprécier son parcours administratif, la proportionnalité de la requête ni de vérifier que les déclarations de la préfecture sont conformes avec les propos de l’accusé. Le principe du contradictoire n’a pas été respecté. Elle dit : « à aucun moment on a invité la personne à se prononcer ni à s’exprimer sur une mesure prise à son encontre ».
Elle poursuit en introduisant son propos sur la vulnérabilité du retenu avec un : « alors là, c’est fort de café ». Elle démontre qu’il n’y a pas eu le temps d’avoir un examen de vulnérabilité, le compte rendu de l’examen indiquant qu’il a commencé à 9:47 et la décision que le retenu n’était pas en situation de vulnérabilité étant déjà rédigée à 9:50. On a donc rédigé la décision avant d’examiner son état de vulnérabilité : la décision était déjà prise. Elle dit: « On se moque de qui? Visiblement de Monsieur A. ». Elle ajoute que le retenu a été pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance en tant que mineur non accompagné par le passé, et qu’il a bénéficié d’un contrat jeune majeur – alors, selon ses ses mots « qu’on sait à quel point c’est dur de bénéficier de ce contrat, même pour des français ». Il a également eu un contrat d’engagement dans un centre de formation, il a été apprenti. Il a des bulletins de paie. Son employeur, au sein de la boulangerie où il était apprenti, était satisfait. Il a sollicité un droit au séjour – que le préfet a refusé car il a considéré que c’était une menace à l’ordre public à cause d’un rappel à la loi. Pourtant il justifiait d’une résidence, de démarches, de preuves d’intégration. L’avocate remarque qu’il aurait pu être assigné à résidence. Elle dit: « si monsieur n’a pas des garanties de représentation, personne n’en a ». Elle estime que le placement en rétention est disproportionné. Par ailleurs, les diligences, ici aussi sont insuffisantes. Le protocole franco-tunisien exige que soient envoyées au consulat les photos et les empreintes par voie postale, en version originale – et non par mail, comme l’a fait la préfecture.

Le représentant de la préfecture répond que « ce n’est pas indiqué qu’on doit lui communiquer le numéro de la préfecture, il doit le connaître – en tant que ressortissant ». Il ne se donne pas la peine de répondre au reste car « il y a trop de choses qui ont été dites ». Il ajoute simplement que l’individu représente une menace à l’ordre public, il a commis des faits de violences conjugales. Il conclut d’un ton ironique « on voit bien que l’intéressé s’intègre parfaitement ». La préfecture demande le maintien en rétention.

A.A. a la parole, et dit : « Pour les violences, je suis désolé, je regrette ce que j’ai fait ».

Cinquième audience – M.B.

La juge introduit le dossier : M.B. est un ressortissant algérien. C’est la première demande de prolongation de son enfermement, il a été placé en septembre au CRA. Il a eu une OQTF en avril 2024.

Le représentant de la préfecture prend la parole et anticipant les arguments de la défense, assure que la préfecture a bien fait les diligences. Il affirme que le retenu est marié et qu’il a trois enfants, que sa femme et ses enfants sont en Algérie (à ce moment-là le détenu fait « non » de la tête) et qu’il est donc « incompréhensible » qu’il soit présent en France. Il ajoute qu’il a fait de la prison pour un refus d’obtempérer, pour de la conduite sans permis, pour arnaque et pour vol et qu’on voit qu’il y a « un parcours de délinquance », que c’est une menace à l’ordre public. La préfecture demande le maintien en rétention.

L’avocat soulève un défaut de contradictoire et un défaut de diligence. Il explique que sa famille n’est pas en Algérie, mais en Espagne et que le risque de fuite n’est pas justifié. En ce qui concerne la menace à l’ordre public, il argue qu’il ne s’agit pas de faits récents et que sa peine a déjà été purgée en prison.

M.B. prend la parole et dit « Je ne suis jamais allé en prison avant. Je ne suis pas un délinquant. » Il dit qu’il est arrivé en France à 37 ans et qu’il est vétérinaire.
A ce moment-là, la juge l’interrompt : « Ah oui, j’ai vu que vous étiez vétérinaire !? Vous pouvez m’en dire plus ?  » d’un air très surpris. Il explique qu’il a fait des études, qu’au vu de la corruption dans son pays, au bout de 10 ans, il n’y arrivait pas, il s’est dit qu’il fallait qu’il tente sa chance ailleurs et qu’il est allé en France, en Espagne, en Belgique, puis est retourné en France.

Sixième audience – A.F.

La juge introduit le dossier : A.F. est un ressortissant algérien. C’est la troisième demande de prolongation de son enfermement.

A.F. prend la parole : « Je suis là pour rien. Ça fait deux mois que je suis au centre. J’ai ma vie ici, en France, je travaille. Ça fait quinze ans que je suis en France. On m’a fait rentrer au centre après un contrôle d’identité. J’ai jamais eu de problème. J’ai une attestation d’hébergement et de travail. »

Le représentant de la préfecture indique à nouveau que sa famille est en Algérie. Il déclare ironiquement : « Il dit ne pas comprendre pourquoi il est là ? Eh bien, écoutez… Il n’a pas de papiers, il le sait, et il n’a pas fait de démarches. »
Il ajoute que le retenu déclare être suivi par un psychiatre, mais n’apporte aucun élément de preuve pour soutenir cette déclaration. La préfecture demande le maintien en rétention.

L’avocat répond qu’il a fait des démarches et est inséré socialement. Il dit : « La vérité c’est que parfois, la préfecture, elle s’obstine. On peut justifier de tous les éléments, et pourtant, ce n’est pas facile. Il a tous les éléments pour être régularisé sans aucune difficulté s’il sort demain ».

Septième audience – N.B.

La juge introduit le dossier : N.B. est algérien. C’est la seconde demande de prolongation de son enfermement. Il est arrivé en France en 2022. Sa demande d’asile a été rejetée. En mai 2025, il a eu une OQTF.

N.B. dit qu’il veut repartir en Espagne.

La préfecture assure avoir bien fait les diligences, avoir relancé le consulat algérien. Il dit: « l’intéressé est connu sous plusieurs alias », qu’il « n’a pas de ressources licites », et qu’il « est célibataire sans enfant ». Il dit qu’il représente une menace pour l’ordre public et que la préfecture demande le maintien en rétention. Comme pour tous les autres.

L’avocat prend à peine la peine de plaider.

N.B. reprend la parole et dit qu’il est malade, qu’il a besoin de son médecin en Espagne. La juge lui demande: « Vous souffrez de quoi? », d’un air impatient. Il explique – et montre – qu’il a des problèmes de dos, et de jambes. La juge lui dit: « Vous savez que vous pouvez rencontrer aussi un médecin au CRA? ». N.B. explique qu’il a déjà vu le médecin du CRA, qui ne donne que des dolipranes.

Sur les 7 personnes présentes ce jour-là, 7 demandes de maintien en rétention sont demandées. 5 des détenus sont algériens, 2 sont tunisiens. D’après le rapport annuel de la CIMADE sur les centres et locaux de rétention administratives de 2024, 31,9% des personnes enfermées en France hexagonale sont de nationalité algérienne (ce qui constitue la nationalité la plus représentée), et 12,1% sont de nationalité tunisienne (2e nationalité la plus représentée)2.

Pour plus d’infos sur les étapes et les procédures d’enfermement voir notre brochure : https://toulouseanticra.noblogs.org/files/2025/02/brochure-enfermement-au-cra-A5.pdf

1 Les diligences correspondent à toutes les démarches que la préfecture doit effectuer pour justifier qu’elle cherche à expulser la personne (demandes de laissez-passer consulaires, demandes de vols…) et donc justifier le maintien en détention. 

2 L’ Algérie ne délivre plus de laissez-passer consulaire depuis plusieurs mois. Les laissez-passer sont indispensables pour expulser les personnes si celles-ci n’ont pas de titre de voyage valide. Malgré cela les préfectures continuent de séquestrer les personnes Algériennes. Au CRA de Toulouse la majorité des prisonniers sont Algériens et peuvent être enfermés jusqu’à 90 jours notamment en mettant une « menace à l’ordre public » dans leur dossier.

3 La menace à l’ordre public est devenue centrale dans la loi de 2024. La préfecture ou le ministère de l’intérieur indique qu’il y a menace à l’ordre public dans la décision d’expulsion. Il n’existe aucune définition juridique de la menace à l’ordre public, c’est laissé à l’appréciation de l’administration qui l’utilise très largement, de façon arbitraire notamment pour des délits mineurs, comme le vol.

4 L’adjectif « dubliné » désigne une personne « demandeur·se d’asile » en Europe selon le règlement européen « Dublin » du 26 juin 2013. Une personne « demandeur·se d’asile » est généralement désignée comme « dublinée » lorsque ses empreintes ont été enregistrées dans un pays (et placées dans la base de données européenne Eurodac) mais qu’elle dépose une demande d’asile dans un autre pays européen.

Prise de parole du collectif Toulouse Anti CRA lors de la mobilisation nationale du 18 septembre 2025

La journée de mobilisation nationale du 18 septembre 2025 a rassemblé près de 40 000 personnes à Toulouse. Le collectif Toulouse Anti CRA était présent dans un grand cortège anti raciste, anti impérialiste et antisioniste, auprès du comité Vérité et Justice pour Bilal, d’AutonoMIE, de la Caselle, de l’AFA Tolosa, de la CREA Tolosa, de Secours Rouge, du Comité Soutien Palestine 31, de l’AG du Social, des grévistes de l’UCRM, et de RETSER31.

Depuis plus de quarante ans, l’État français durcit sa politique contre les personnes étrangères. Les lois racistes s’enchaînent et renforcent la répression et la criminalisation des immigré·es. Ces lois, accompagnées de discours racistes, sécuritaires et islamophobes, alimentent la haine et la suspicion envers les immigré·es, qui sont désigné·es comme des menaces potentielles. 

La dernière loi Asile et Immigration de 2024 a multiplié les obstacles à tous les niveaux : l’accès à la procédure d’asile a été durci, tout comme les conditions pour le renouvellement et l’obtention des titres de séjour. 

Par exemple, il faut désormais, en plus de justifier d’un bon niveau de français, souscrire un « contrat d’engagement au respect des principes de la République », un concept aux contours suffisamment flous qui renforce le pouvoir discrétionnaire des préfectures. De la même manière, la notion de « menace à l’ordre public » n’a aucune définition juridique : elle est laissée à l’appréciation de l’administration qui l’utilise très largement, et de façon totalement arbitraire, même pour des délits mineurs. Elle permet de placer les personnes en CRA avec ce motif. 

La circulaire Retailleau d’octobre 2024 appelle les préfectures à retirer les titres de séjour ou à ne pas les renouveler pour les personnes qui ont commis une infraction, peu importe le niveau de gravité, en utilisant la «menace pour l’ordre public».

Toutes ces mesures racistes permettent de créer une main d’œuvre jetable et expulsable. Les personnes sans papiers sont poussées à s’invisibiliser, à accepter n’importe quelles conditions de travail, à vivre dans la peur et sans droit.

Les centres de rétention administrative sont au cœur de la politique répressive contre les personnes sans papiers. Chaque année, entre 40 000 et 50 000 personnes sont séquestrées dans les centres de rétention dont plus de la moitié dans le département colonial de Mayotte. Rappelons que les CRA, dans leur forme actuelle, sont un héritage direct de la colonisation. Dans ces prisons, les personnes sans papiers subissent des violences et des conditions dégradantes, qui relèvent de la torture. Ce sont des lieux d’enfermement où les personnes peuvent mourir par privation de soin ou poussées au suicide.

La France et l’Europe ont mis en place des accords impérialistes avec les pays d’origine et de transit pour bloquer l’immigration et opèrent un chantage économique et aux visas avec ces États. Les laissez-passer constituent alors le nerf de la guerre pour procéder aux expulsions. Par exemple, en ce moment l’Algérie ne délivre plus de laissez-passer aux préfectures et malgré cela les personnes algériennes sont quand même traquées et gardées enfermées.

Pour finir, on peut rappeler que les luttes contre les politiques anti-migratoires sont indissociables des luttes anti-impérialistes. Le renforcement de la France en Kanaky, les discriminations à Mayotte et dans ses colonies en général, et la complicité de la France dans la colonisation de la Palestine par l’État sioniste, sont l’application de la politique coloniale française. 

Cette politique va de pair avec les violences faites aux immigrés, la fermeture des frontières et le business généré. La déshumanisation des personnes musulmanes, arabes, noires, est un continuum colonial raciste et islamophobe qui autorise le génocide des Palestiniens et les milliers de migrants qui sont tués en mer, à la rue et dans les prisons.

Il est urgent de nous mobiliser massivement contre ces politiques, pour la régularisation de tous les sans-papiers, pour les droits des mineurs isolés, pour l’abolition des centres de rétention et contre l’impérialisme.

Solidarité avec tous les immigrés, à bas le racisme d’État et l’impérialisme !

« Je comprends pas à la télé, BFM disent que l’Algérie ne veut pas prendre ses ressortissants mais y’a des avions pour l’Algérie. »

Au CRA de Toulouse, il n’y a plus de secteurs femmes et famille, toutes les cellules sont maintenant destinées aux hommes. L’objectif de l’Etat est d’enfermer systématiquement les sortants de prison et d’appliquer la double peine. Pour rappel, cela consiste à enfermer au CRA puis à expulser les personnes qui ont commis un crime ou un délit, alors qu’elles ont purgé leur peine de prison. Pour autant, les femmes et les familles ne sont pas épargnées, et si elles ne sont pas enfermées au CRA de Toulouse, elles sont assignées à résidence (AAR). La durée des AAR a augmenté avec la dernière loi Asile et Immigration de 2024, passant à 45 jours renouvelables deux fois, pour une durée totale pouvant aller jusqu’à 135 jours. Par ailleurs, l’AAR est de plus en plus utilisée par les préfectures quand l’expulsion n’a pas pu avoir lieu au terme de la durée maximale d’enfermement. Cette pratique permet de continuer à punir et torturer les personnes : n’ayant pas de titre de voyage valide ou de laissez-passer consulaire, elles restent inexpulsables.

Si les préfectures et l’administration pénitentiaire collaborent depuis longtemps pour expulser les sortants de prison, la loi de janvier 2024 et la circulaire Retailleau d’octobre 2024 généralisent la double peine, facilitée notamment par « la menace pour l’ordre public ». La circulaire Retailleau appelle les préfectures à retirer les titres de séjour des personnes qui représentent une « menace » et à distribuer des arrêtés d’expulsion et des OQTF. Il n’existe aucune définition de la « menace pour l’ordre public », c’est laissé à l’appréciation de l’administration qui l’utilise très largement, par exemple pour des délits mineurs, comme le vol ou la mendicité. « La menace grave pour l’ordre public » permet, elle, de supprimer toutes les protections contre l’expulsion hormis le fait d’être mineur. Ainsi, les personnes ayant des enfants ou étant en France depuis l’enfance peuvent être expulsées si la préfecture a décidé de façon totalement arbitraire que ces personnes représentent une menace pour la société française.  

Par ailleurs, le Sénat vient d’adopter deux projets de lois. Sous réserve d’un vote favorable à l’Assemblée Nationale, la loi allongera la durée de la rétention administrative à 210 jours. Elle s’appliquera aux personnes condamnées à une interdiction de territoire français (ITF) pour un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement ou dont le comportement « constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public« . L’autre loi concerne « la préférence nationale », en limitant l’accès des étranger·es aux prestations sociales.

En parallèle, l’Union Européenne renforce ses frontières et la répression des personnes étrangères. Elle a adopté deux mesures, l’une concernant l’allongement de la rétention administrative de 18 à 24 mois et l’autre autorisant les États membres à externaliser des camps d’enfermement dans des pays hors UE, appelés « centres de retour » où seront séquestrés les demandeurs d’asile avant leur déportation.
Le témoignage de S. ci-dessous rappelle que l’Italie a déjà construit d’immenses camps en Albanie où la police italienne transfère les personnes étranger·es et les trie avant de les déporter.

Pour finir, dans un autre témoignage K. s’étonne d’entendre les médias français relayer la propagande colonialiste de Retailleau et des nostalgiques de l’Algérie française, en faisant croire que l’Algérie ne délivre aucun laissez-passer consulaire alors que des avions décollent avec des algériens expulsés depuis le CRA.

TÉMOIGNAGES

S : « Au secteur C, y’a quelqu’un qui a tout cassé, les vitres, les télés, les caméras, il a cassé toutes les cellules, on est que 4 maintenant dans le secteur C. Y’a que 2 cellules maintenant. Il a pété un plomb. Il était seul, pas de visite, rien. Il a dit qu’il ne veut pas rester ici, il veut aller en prison, c’est un peu fou. Il s’est blessé avec la vitre. Il a dit heureusement je casse des trucs comme ça, c’est mieux que de casser des bouches.

C’est fini la France, c’est la troisième fois je me retrouve au centre. Deuxième fois à Toulouse. Il y a 7 mois, je suis sorti du CRA de Toulouse, je suis restée 2 semaines à la Reynerie, ils m’ont arrêté, ils m’ont mis en prison à cause de l’interdiction définitive et quand je suis sortie de Seysses, ils m’ont ramené encore ici au CRA de Toulouse. J’ai fait 6 mois de prison pour l’interdiction définitive. Et là ils viennent de me donner un mois encore au CRA.

Je sais plus quoi dire, j’ai plus les mots. C’est un cauchemard Seysses, trois dans une cellule, force aux hommes là-bas. Ici Toulouse c’est la pire ville. Je suis sorti de la Tunisie, j’ai pas de passeport, j’ai pas de carte d’identité même si je meurs, ils peuvent pas expulser mon corps chez moi. Ils peuvent pas m’expulser, à chaque fois c’est pareil, ils savent, ils ont demandé à la Tunisie, au Maroc à l’Algérie, y’a rien et ils me ramènent encore ici. Ils font ça pour que tu craques. Il faut patienter faire le prière, je sais pas moi.
Au tribunal hier, y’avait un Algérien. Il est à Toulouse depuis qu’il a 13 ans. Il a presque 33 ans. Il a payé un avocat très cher. Il a sa mère et sa soeur ici, pourquoi ils le ramènent au centre ? ça leur ramène toujours du travail, voilà pourquoi. Je trouve plus les mots. J’en ai marre de la prison, ça fait presque 9 ans que j’ai quitté le pays, j’ai pas envie de retourner comme ça. En Italie quand ils savent pas leur origine ils les envoient en Albanie dans un grand centre, y’a des trucs incroyables, c’est pas une vie quand t’as pas de papier en Europe.
On vient chez eux, on est pas au paradis non plus. Hier j’ai bien parlé avec le juge, j’ai dit donnez-moi 24h et je quitte la France, laissez-moi une chance. Le policier m’a dit toi ta chance tu l’as eue déjà, tu es arrivé en France, tu n’as pas le droit d’avoir une deuxième chance. Ils provoquent, faut être fort dans la tête.. Même si vous pouvez pas venir pour une visite, parler avec vous c’est déjà beaucoup, ça fait du bien, tu remontes le moral à la personne. »

K : « J’ai une interdiction de territoire français depuis 2023. J’étais en Espagne, je suis revenu ici pour voir mon frère et ma nièce, je suis restée 3 jours, ils m’ont contrôlé j’étais en scooter, je me suis retrouvé en prison et après ici. Franchement ils ont foutu ma vie en l’air. J’étais en Espagne en train de régler ma situation, j’ai raté plein de RDV. Ok j’ai pas respecté la loi, j’étais sur le territoire français mais je comprends pas pourquoi ils font pas ce travail en prison. Comme ça à la sortie de prison soit ils te relâchent soit ils t’envoient au pays. Ils te mettent là pour galérer en plus. J’étais à la maison d’arrêt de Rodez et pour voir le consule, ils m’ont emmené à Sètes. Ils te posent des questions, ton nom où t’habites, ils prennent tes empreintes, ta photo. En tous cas où tu vas on te prend les empreintes, en garde à vue, quand tu sors de la prison, quand tu rentres ici au CRA, partout…
Je comprends pas à la télé, BFM ils disent que l’Algérie ne veut pas prendre ses ressortissants mais y’a des avions pour l’Algérie, j’ai rien compris.
Et toi t’attends, t’es dans le suspens, t’es stressé. Ça fait un mois que je suis là et ça bouge pas. Les conditions ici pour vivre c’est la catastrophe. C’est sale, y’a des gens fous, vraiment fous, t’arrives même pas à communiquer avec eux, y’a des provocations. La nourriture est dégueulasse, c’est le ramadan, hier j’ai rien mangé. Pour le ramadan, ils donnent pas de viande halal.
Avec la police moi je parle un minimum avec eux pour pas avoir de problèmes. Y’a un groupe ça va et un groupe c’est la catastrophe. Ils ont décidé d’enlever les couvertures, il fait froid la nuit. Un collègue a commencé à réclamer pendant le repas pour avoir les couvertures, on a tous réclamé. Il voulait pas rentrer au secteur, ils l’ont foutu au mitard, ils l’ont frappé de fou. Ils ont ramené ensuite les couvertures. La plupart ont pas de famille ici, les gens sont des fumeurs, ils ont pas de tabac, ils pètent les plombs, ils ont pas de fumette alors les gens craquent. Ils savent bien ça. Y’a rien qui va ici. Y’a des chambres sans eau chaude, les sanitaires ça sent la pisse. »

« Au mitard ils frappent trop, ils te scotchent pour pas que tu bouges. »

« Quand quelqu’un fait quelque chose, ils punissent tout le monde, l’autre jour ils ont interdit de laver son linge, tout le monde a pêté les plombs, a crié, on peut plus aller à la bagagerie, ils arrêtent les visites, ils interdisent tout, comme ça tu craques, tu vas le voir, tu lui dit ‘pourquoi t’as fait ça’ et après ça créé une embrouille ». A propos de personnes qui ont cassé dans le CRA il y a quelques temps : « les 3 ils sont allés en garde à vue, après ils sont revenus… jusqu’à maintenant on est punis, jusqu’à maintenant ! Ils ont passé devant le juge et tout, heureusement ils ont été relaxés »

« Tu serres ici, tu serres, c’est une galère de fou. Ils ont ramené un collègue à moi, il lui ont enlevé ses papiers je sais pas pourquoi, il a 4 enfants ou 3 enfants. Il travaille ici et tout, comme ils disent ‘il est intégré’, mais ils l’ont ramené ici, tu comprend pas les gens ils sont intégrés tu les ramène ici, ils sont pas intégrés tu les ramène ici, ils laissent chance à personne. Ils ont ramené un handicapé, vraiment un handicapé, il a passé 3 jours ici. Soit ils l’ont relâché soit ils l’ont mis dans un centre de santé, il est vraiment handicapé il est resté 3 jours ici, j’ai pas compris pourquoi ils l’ont ramené ici. Il lui faut une aide médicale avec lui, une aide soignante quelque chose comme ça, je comprend pas il est resté, en plus il a dormi sur la chaise, laisse tomber. »

M : « Je veux faire une demande d’apatride, le Montenegro ne me reconnait pas. J’ai 6 enfants de nationalité française. Ça fait 20 ans que je suis en France, j’ai pas de papiers, j’ai pas de passeport. Je suis arrivé le 28 décembre au centre, je suis sorti de prison, les gendarmes m’ont ramené ici. J’ai fait 6 ans et demi de prison à Eysses Villeneuve sur Lot. la Cimade m’a dit, mon pays ne me reconnait pas, dès que je suis arrivé, ils m’ont dit ça, le chef de la prison me l’a dit. Je passe devant le juge le 27 janvier. La Cimade m’a dit c’est pas sûr qu’il te donne la liberté. Tout le monde reçoit un mois de plus. ça se passe mal ici. C’est 10 fois pire que la prison ».

J :  » Je discute avec les amis dans les autres CRA, l’escorte c’est au bout du 3ème vol, ici ils scotchent pour le 2ème vol. Je veux voir le laissez-passer, sinon je pars pas. J’ai refusé le vol, je l’ai dit aux policiers, j’étais dans la voiture à l’aéroport. Ils ont appelé le pilote pour lui dire, ils ont déchiré mon billet. Y’avait quelqu’un d’autre avec moi qui voulait rentrer en Algérie, il est monté dans l’avion. J’ai demandé aux policiers de me montrer mon laissez-passer, ils m’ont dit c’est interdit. Ils m’ont ramené au centre, je sais pas si je vais avoir un autre vol. Depuis que je suis revenu au centre ils me provoquent pour que je leur réponde et après m’accuser et m’emmener en prison. Je leur ai dit je suis pas un chien. »

R :  « Ça va, mais c’est dur quand même, j’arrive pas à comprendre pourquoi j’avais une résidence de 10 ans ici, ils me l’ont retirée, ma fille est née ici, pourquoi une OQTF ? Ça fait douze ans que je suis en France. » R. explique qu’on l’a accusé d’avoir fait un mariage blanc, qu’on l’a convoqué à la préfecture et qu’on lui a dit que l’obtention de son titre de séjour (qui expirait en 2028 à l’origine) était frauduleuse, et qu’on lui a mis une OQTF. Il explique également qu’il a fait 3 mois de prison suite à une plainte de sa femme qui l’a amené au pénal. A l’origine, il avait un bracelet électronique, il y a eu un problème avec le bracelet, il a été envoyé en prison.

« On m’a donné un somnifère pour dormir avec le stress, c’est pour ça que j’ai des tâches rouges, et j’ai mis de la crème […] ils donnent des médicaments comme ça ‘ils font pas chier, ils vont dormir on est tranquilles’ […] j’ai pas dormi j’étais pensif, je suis perturbé, il reste deux jours avant samedi, ça arrive »

 « Il y a beaucoup d’Algériens, à croire qu’ils ont un problème avec eux »

« C’est pas facile franchement, les repas c’est pas des vrais repas, c’est industriel, parfois je mange pas pendant 2-3 jours, j’y arrive pas. »

A propos de la police : « il y a des groupes très cool et des groupes… c’est des fachos. »

« Je ne peux pas être renvoyé en Algérie, mes parents sont ici, je peux pas les laisser. C’est tranquille, j’y crois, je sais que je vais être libre, même s’ils me renvoient je reviendrai en France par bateau, j’ai pas peur de la mer, je reviendrai avec un visa. »

Soutien matériel aux prisonnier·es du CRA de Toulouse

Afin de soutenir matériellement les prisonnier·es du centre de rétention de Cornebarrieu Toulouse, nous créons cette cagnotte qui servira à acheter ce dont les personnes enfermées ont besoin : nourriture, produits d’hygiènes, vêtements, cigarettes, billets de transport…

►  https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/soutien-materiel-aux-prisonniers-du-cra-de-toulouse-1

Merci pour votre soutien !

« J’ai payé avec la prison, maintenant c’est mes enfants et ma femme qui doivent payer en plus »

Au centre de rétention de Toulouse, des vitres ont été installées début octobre dans tous les parloirs sauf celui des familles, empêchant tout contact physique entre les prisonnier·e·s et les visiteur·ses et rendant toujours plus carcéral l’environnement des détenu·e·s.

Alors que les flics empêchent aux visiteur·ses arbitrairement d’amener des produits secs aux prisonnier·e·s, C. dénonce des méthode de torture dans le CRA : refus d’accès aux soins, alarmes incessantes, manque de nourriture, douches froides…

Et tout ceci alors que comme C, de nombreux·ses ressortissant·e·s algérien·ne·s sont toujours enfermé·e·s au CRA, malgré le refus de l’Algérie de délivrer des laissez-passer !

Derrière les barbelés du CRA, les humiliations et violences physiques et psychologiques des flics de la PAF sont quotidiennes, en témoignent deux prisonniers.

Témoignage de R, 24 octobre 2024, enfermé depuis 30 jours et prolongé pour 30 jours
« J’ai perdu 10 kg en 3 semaines, ils nous traitent comme des animaux, ils donnent n’importe quoi à manger, tu manges ou tu manges pas tu fermes ta gueule. J’étais en prison à Chateaudun 16 mois ferme et 2 mois en semi-liberté à Poitiers. Ils m’ont donné une IRTF. Ils ont gardé mon passeport, ils ont pas voulu me le rendre. A Poitiers j’ai fait une demande de titre de séjour. Ils m’ont ramené au CRA, le jour de ma sortie, je savais pas. La préfecture de Poitiers m’a fait amener ici à Toulouse loin de ma famille qui est à Chinon. J’ai pas compris pourquoi ils m’ont éloigné de ma famille.

J’ai fait 16 mois enfermé mais jamais j’ai passé un mois comme ça, ici c’est le plus long. Y’a pas quelqu’un ici qui n’a pas dit la prison c’est mieux que le centre.

Le parloir est vitré ici, depuis 2 semaines, je peux pas être en contact avec mes enfants. Si ma famille vient, elle doit prendre une chambre d’hôtel, 12h aller-retour pour 30 mn de parloir. J’ai payé avec la prison, maintenant c’est mes enfants et ma femme qui doivent payer en plus.

Les policiers ont des caméras sur leur veste, c’est nouveau, en 2022 au CRA de Rennes, ils avaient pas de caméras.
Ils provoquent les gens juste comme ça, si on parle, obligé ils ramènent des gens au mitard, les gens esquivent, on ferme notre gueule pour que ça passe avec eux. C’est la faute de notre pays, dans notre pays en Tunisie, n’importe quel étranger on le considère bien, il a du pouvoir. En France n’importe quel citoyen français, il a la loi pour lui mais nous non, nous on reste des étrangers.

Y’a 2 semaines suis parti au docteur, j’ai annulé le rdv pour pas péter un plomb avec lui. Il me dit « de quel origine vous êtes ? Pourquoi vous rentrez pas dans votre pays c’est mieux qu’ici, votre président est d’accord avec la loi européenne*. »

*R fait ici référence aux accords dits « bilatéraux » entre la Tunisie et l’UE, celle-ci octroyant des aides à la Tunisie dans le but d’endiguer les départs des migrant·es vers l’Europe.

Témoignage de C, 02 octobre 2024, enfermé depuis 37 jours

“J’ai souffert ici je connais personne”, je ne me sens pas bien.
Tous les jours les alarmes incendie, pour rien tout le temps, c’est de la torture morale j’te jure, c’est un système pour te prendre la tête, te rendre fou »

C. souffre des dents depuis avant son arrivée au CRA, il s’en plaint à chaque visite médicale mais depuis son premier jour les médecins lui donnent un rdv pour arracher ses dents qu’ils repoussent toutes les semaines.
« Le médecin m’a donné du Tramadol. C’est mieux pour mes dents. Ici, ils me donnent du Dafalgan, ça me fait rien. Ils me disent faut attendre 3 semaines, même si j’ai mal, la visite du médecin c’est que le vendredi. Faut attendre le prochain vendredi. »

« La douche est froide, on a rien. Pas d’oreiller, j’ai demandé des vêtements, ils m’ont dit : C’est trop tard, fallait demander le premier jour. »

« La police insultent et frappent les jeunes, surtout ceux qui sortent de prison, ils les provoquent  »

« On a faim. La nourriture est dégueulasse, il faut se boucher le nez pour manger. Ils te donnent du pain, mais un tout petit peu. La nourriture n’est pas chaude. La viande n’est pas halal, on la mange pas. Et le lendemain pareil, ils ramènent encore de la viande.
Ils nous laissent pas rentrer du pain dans les chambres. On mange à 18h, 19h,  on a faim, jusqu’au lendemain matin. »

« Ça fait 28 jours que je suis ici, y’a pas de laissez-passer pour l’Algérie en ce moment, pourquoi je reste ici ? »

Les ressortissant·es Algérien·nes sont maintenus enfermé·es alors que l’expulsion n’est pas possible : le consulat d’Algérie ne délivre pas de laissez-passer en ce moment, de plus l’Algérie a refusé l’entrée d’algérien·nes expulsé·es même avec un passeport.
K., prisonnier au centre de rétention de Toulouse a été arrêté suite à un contrôle, tabassé par les flics qui au final ont porté plainte contre lui pour violences, procédé habituel. Le juge l’a condamné à un an de prison ferme. A sa sortie de prison, il a été placé en CRA avec une interdiction de territoire français (ITF). En CRA Les violences physiques et psychologiques des flics de la PAF sont quotidiennes, et les placements au mitard ou en prison fréquents. Témoignage.
 Juillet 2024.

« Ça fait 28 jours que je suis ici, y’a pas de laissez-passer pour l’Algérie en ce moment, pourquoi je reste ici ? L’Algérie ne répond pas depuis le 4 juin. Ils m’ont arrêté à Portet, je travaille dans une pizzeria. Je sors du carrefour, les gendarmes m’ont dit « contrôle, vous avez une OQTF » (obligation de quitter le territoire français) « on va t’envoyer à Seysses » (maison d’arrêt), j’ai eu peur je voulais me sauver, je suis parti en courant, ils m’ont attrapé, ils m’ont mis par terre, ils m’ont frappé, ils ont mis un genoux sur mon cou. J’ai donné un coup avec mon bras au policier pour me sauver, ils ont porté plainte contre moi pour blessures, le policier a eu 8 jours de maladie, il a fait exprès pour m’envoyer à Seysses.

Le juge m’a mis un an et j’ai fait 6 mois à Seysses. Y’a beaucoup de hogra dans la prison, y’a des problèmes dans les cellules. Ici aussi, les gens rentrent dans les chambres dans la nuit pour fouiller tes affaires.

Ici y’a des policiers nickels mais ya des groupes méchants avec nous. Ils ont frappé quelqu’un qui a pris du pain pour le manger dans sa chambre. On mange à 19h et jusqu’à minuit on n’a rien, on a faim. Le policier lui a dit « vous êtes des animaux ». Les policiers sont pas contents quand on rigole entre nous, quand on fait des jeux. Ils ont mis un copain au mitard pendant 8 jours. Il est fort et quand il est ressorti il avait perdu plusieurs kilos.

ça fait 6 mois que je n’ai pas parlé avec ma famille, c’est la honte pour la famille la prison, j’ai le coeur brisé. Je n’ai pas de visites depuis 7 mois.

Je prends 4 médicaments par jour ici et en prison pour dormir, le stress, l’angoisse. Dehors je prenais rien, pas d’alcool, pas de zetla, pas de médicaments.

J’ai traversé la mer pour venir ici, zerma l’Europe c’est bien pour travailler… Je suis ingénieur en urbanisme, j’ai un Master 2, je suis en train de perdre tout ce que j’ai appris. Je voulais m’inscrire à la fac de Paris VIII ou à Bordeaux. »

Mise à jour  : K. est passé devant le JLD (Juge des libertés et de la détention) le 08 juillet. ça faisait 30 jours qu’il était déjà enfermé et n’avait toujours pas de laissez-passer de l’Algérie qui permettrait son expulsion. Le représentant de la prefecture dit à l’audience du JLD que le Consul algérien est venu voir K. au CRA pour une reconnaissance mais K. n’a vu personne. Le juge ne tient pas compte de sa réponse. C’est sa parole contre celle de la prefecture car aucune preuve n’est donnée aux prisonniers quand les représentant.es des consulats viennent les voir. L’appel du JLD a eu lieu le 9 juillet et le juge a confirmé la prolongation de K. de 30 jours sachant qu’ils ne pourraient pas le déporter. On le rappelle, l’enfermement a un double objectif, expulser les personnes sans papiers mais aussi les punir, leur faire subir la violence de l’enfermement et les décourager ainsi à rester sur le territoire français.

Mise à jour août 2024 : K. a été libéré du CRA mais mis en assignation à résidence (AAR) à Toulouse alors qu’il ny réside pas, 45 jours renouvelables 2 fois et une signature au comissariat 2 fois par semaine. Là encore cette mesure de privation de liberté relève de l’acharnement puisqu’il n’est pas expulsable, tout comme l’attribution d’une Interdiction de territoire français (ITF) aux personnes ayant fait de la prison. C’est la double peine judiciaire.

« Ici c’est la hoggra sans pitié »

Nous relayons les propos de prisonniers du centre de rétention (CRA) de Toulouse. Ils racontent les violences médicales et psychologiques ainsi que le déni de soin que subissent quotidiennement les personnes enfermées dans les centres de rétention. Nous rappelons que ces comportements et ces pratiques nuisibles et dégradantes ne sont pas le fait de quelques individus mais qu’ils sont quotidiens, systémiques dans toutes les prisons pour sans papiers. Mais comme toujours, cela se passe en toute impunité et dans le silence.

M : « Quand j’étais en prison pendant 3 et demi j’étais suivi par une psychologue. D’abord à la prison de Fresnes après ils m’ont transféré à Metz. Ici au centre j’ai pris rdv avec la psychologue mais ils m’appellent pas, ils me disent tu n’es pas sur la liste. Mais moi j’ai parlé avec la dame c’est elle qui m’a proposé. La police veut pas me laisser la voir. 2 collègues sont allés la voir. Pour l’audience de l’appel, ils m’ont pas appelé, c’est la hogra sans pitié ici j’te jure. Je leur ai pas parlé mal, j’étais gentil. J’ai une grand broche dans le dos à cause d’un accident grave, dans ma tête aussi. Je leur ai dit je suis malade, j’ai des problèmes à la tête tout est dans mon dossier médical, en prison, ils m’ont soigné. Le médecin ici il me croit pas. L’autre fois il a jeté le stylo, il s’est énervé. J’ai expliqué l’accident que j’ai eu. Quand il voit mon dossier il doit comprendre normalement. J’ai demandé qu’il me donne du Prégabaline, le docteur ici veut pas me le donner, il m’a donné Tramadol à sa place mais ça va pas. Le Tramadol ça sert à rien pour moi. Il y en a ici qui prennent du Tramadol ils sont même pas malades, pourquoi je vais prendre ça ? Je vais pas me rendre dingue avec ça pour rien. Depuis 2019 je prends Prégabaline en prison, j’ai eu de la kiné, il m’ont donné de la pommade pour que je masse mon dos, c’est pas comme ici, ici c’est la hoggra sans pitié.

L’avocat a dit que je suis malade, fracture dans ma tête, vis dans le dos mais le juge s’en fout.
Il y a u policier qui est mauvais ici, il m’a pris la tête, j’ai dit je parle pas avec vous monsieur, je sais après qu’il va m’emmener devant le juge, les policiers ils nous prennent pour des animaux, je vous dis la vérité. Y’en a c’est des chefs ils te parlent bien. J’espère que ça va bien se passer ici avec eux. J’ai peur.
J’ai ma femme qui m’attend ici, je suis père de famille, j’ai une maison. Ils m’ont envoyé ici pour rien du tout, j’ai pas volé, pas bagarré rien. Ils m’ont contrôlé, j’étais en train d’acheter des affaires pour l’Aïd, ils m’ont arrêté à la porte. ça faisait 20 jours que j’étais sorti de prison.
Je suis partie voir la Cimade, j’ai parlé avec la dame, pourquoi les policiers m’ont pas prévenu pour aller à l’audience de l’appel et aussi pour le psychologue. Elle m’a dit je sais pas, je peux rein faire pour ça. On est des êtres humains nous, on n’est pas des animaux. Dieu punit ceux qui font du mal. »

S : « Je veux rentrer en Algérie, y’a pas de problème, mais ramenez-moi mes médicaments, j’ai jamais rien fait de mal, j’ai toujours travaillé, j’ai fait mécanicien. J’ai besoin de ce médicament je ne peux pas manger, ça fait une semaine qu’ils me le donnent pas, le Pylera avec l’Oméprazone car j’ai une bactérie. Quand j’ai demandé au médecin pourquoi je n’ai pas mon médicament, le policier à côté m’a dit ferme ta gueule. Ils nous laissent pas aller en promenade le matin, que l’après-midi et souvent c’est fermé aussi.
J’étais aux Pays Bas, j’ai demandé l’asile là-bas, après je suis venu ici en France, on m’a dit qu’il y a du travail. Ils nous supportent pas nous les algériens. Maintenant, les expulsions c’est avec le 2eme avion et l’escorte ».

17 octobre 1961 un massacre colonial d’Etat

Manif interdite par la préfecture de Toulouse

Le massacre d’État du 17 octobre 1961 doit être l’occasion de nous rappeler que la France est toujours un état colonial qui continue d’exercer une violence économique, politique et militaire en Afrique et dans les territoires ultra marins. Cette domination de la France sur ses anciennes colonies s’exerce aussi par la fermeture de ses frontières, et la militarisation des frontières de l’Europe. Ce contrôle représente un marché en plein essor pour l’industrie militaire et sécuritaire, qui construit les murs, les camps et les systèmes de surveillance de plus en plus sophistiqués, qui enferment et tuent les personnes exilées. La France avec l’Europe a mis en place des partenariats à coup de milliards d’euros avec des pays de transit pour externaliser ses frontières, organiser et déléguer la barbarie de l’enfermement, des violences et des refoulements en mer et dans le Sahara ; l’Europe s’en lave ainsi les mains !

Le nombre de personnes qui meurent en Méditerranée, dans la Manche, au large des îles Canaries, entre Mayotte et Les Comores ne cessent d’augmenter. La France et les autres états européens sont responsables de ces morts de masse ! Mais il y a des morts qui ne comptent pas. Il y a des vies qui ne valent pas d’autres vies.

En France, le CESEDA, le Code d’entrée et de séjour des étrangers, qui régit le droit des personnes étrangères, est un droit d’exception, raciste et sexiste, hérité du Code de l’indigénat, qui organisait le contrôle des « indigènes » en Algérie et dans les autres colonies. Le CESEDA, comme le code de l’indigénat, met en place la limitation de circulation, l’enfermement administratif et les déportations des personnes étrangères.

L’enfermement administratif en France dans des prisons pour étrangers et étrangères, les CRA, c’est près de 45 000 personnes par an dont plus de la moitié à Mayotte, territoire colonial ou la violence d’État se déchaine et où sont menés de véritables transferts forcés de population.

Tout cela est rendu possible par la déshumanisation et l’infériorisation des personnes non-blanches. Cette racialisation produite pendant les colonisations, et perpétuées depuis, justifie des traitements violents dans les lieux d’enfermement, à Calais ou à la frontière franco-italienne, où les exilés sont pourchassés comme des animaux. Elle permet de désigner l’ennemi intérieur et extérieur, construit comme étant violent, violeur, fraudeur, ne pouvant s’adapter à la société française ; elle autorise une exploitation sans limites des travailleurs sans papiers et une persécution dans l’espace public des personnes racisées.

C’est pourquoi, plus que jamais, nous avons besoin de nous mobiliser et de nous organiser contre ses politiques racistes meurtrières ici en France, en soutien aux personnes sans papiers mais aussi contre le colonialisme et l’impérialisme, ces luttes sont indissociables !

A bas le colonialisme et l’impérialisme ! A bas les frontières, solidarité avec tous les immigrés et les peuples en lutte pour leur indépendance ! Vive la Palestine libre !

Journée de rencontres contre les politiques anti-immigration

A la Chapelle, le dimanche 14 mai, venez participer à la journée contre les politiques anti-immigration pour s’informer et lutter

13h-14h30 réunion publique : états des lieux des politiques et des luttes

15h-16h30 table ronde : la répression coloniale à Mayotte

15h-18h ateliers, tables : LGBTI, santé

17h-18h atelier : droit des étrangers.ères pour les nul.le.s

18h30-20h Assemblée générale : organiser les luttes

20h-22h repas & boum

Bar et grignotage toute la journée !