Témoignages de prisonniers du centre de rétention de Cornebarrieu Toulouse dans différents secteurs : conditions de vie indignes, humiliations, provocations et violences de la part des flics si les personnes se rebiffent.
M. « Je suis au CRA depuis un mois parce que je suis resté plus de trois mois en France alors que j’ai des papiers en Italie et ils sont toujours valables. Je suis repassé au JLD et le juge m’a encore donné 30 jours de plus…
Il veulent me renvoyer dans mon pays mais moi je veux repartir en Italie, j’ai les bons papiers et je peux travailler là-bas…Ici, au CRA, c’est pire qu’en prison : y a rien à faire de la journée : pas de sport, pas d’activité, pas de travail…Alors pour tenir je dors la journée et je regarde la télé la nuit. Les repas c’est vraiment pas bon, ça donne pas envie de manger, je mange un peu pour tenir…La semaine dernière j’avais pas le moral, encore moins envie de manger, et le policier m’a dit : « tu vas manger ou tu vas au cachot ! », alors j’ai dit « si c’est comme ça : mettez-moi au cachot ! », il ne l’a pas fait, ok mais c’est pour dire l’ambiance !… Toujours des intimidations comme : ici, c’est qui qui commande ? Dis-moi ! je réponds pas, je me tais, sinon ça va à l’embrouille ! Ils nous prennent pour des ignorants, ils nous menacent, nous traitent comme des moins que rien, même pas comme leur propre chien !
K. : « Suis au CRA depuis presque un mois, je dois passer au JLD la semaine prochaine. L’OFPRA a fait un rejet de ma demande d’asile politique, après j’ai eu le rejet de la CNDA, puis l’OQTF… J’ai été contrôlé et je me suis retrouvé ici ! Après le rejet CNDA, j’ai voulu faire une demande de Réexamen à l’OFPRA mais c‘est pas possible pour moi. Je suis parti parce que j’étais recherché et je risquais ma vie en restant au pays. Ma famille et mes amis sont eux-mêmes en danger s’ils disent qu’ils savent que je suis en France. Alors si en plus ils font des recherches pour obtenir des nouvelles preuves des menaces contre moi, c’est encore plus dangereux pour eux, c’est les condamner deux fois, je peux pas leur demander ça ! Alors j’attends ici, au CRA…
Je pensais pas qu’un endroit pareil existe en France ! C’est tendu, très tendu… La semaine dernière y a eu un désaccord entre un retenu et un policier, le policier lui dit attends, on va dans un endroit où y a pas de caméra pour régler ça, et je vais tout te faire !… », ça a s’est ensuite mal passé…on n’y était pas mais au résultat le retenu a été mis en garde à vue, le flic avait porté plainte contre lui ! J’y crois pas ! Faut voir comment ils nous parlent. Heureusement, la plainte n’a pas été retenue et le retenu est revenu au CRA…C’est pour dire que c’est vraiment tendu !… En plus, y a vraiment rien à faire ici, on peut même pas sortir dans la cour à cause des travaux, il n’y a que la télé, pas de journaux, pas d’internet même limité, pas d’informations qu’on peut choisir, c’est pire qu’une prison, rien d’autre !
Y a bien la CIMADE dans le CRA mais elle fait rien pour ça, elle respecte le protocole, elle est pas un organe de lutte, elle nous assiste un minimum pour les dossiers, pour un minimum de dignité juridique, mais c’est tout… A cause du cluster covid qu’il y a eu au CRA de Bordeaux, les policiers nous ont dit qu’on allait être tous testés, on a tous refusé ! J’ai dit aux policiers que je voulais m’entretenir avec mon médecin traitant pour en discuter avec lui, c’est un droit, c’est lui qui coordonne tous mes soins, je ne suis pas en prison ! Ils n’ont pas insisté. Je suis tombé du ciel ou quoi ?!
Ici tu perds toute ta dignité ! J’avais entendu parler des CRA mais jamais je pouvais imaginer que c’était comme ça à l’intérieur, en entrant au CRA, tu passes d’un coup d’une zone de droit à une zone de non droit… »