Offensive coloniale à Mayotte

L’opération « Wuambushu » à Mayotte prévue en avril après le ramadan a pour objectif la déportation de milliers de comorien.nes en 2 mois. Près d’un millier de gendarmes mobiles, de policiers et de CRS 8 vont débarquer en renfort pour détruire 10% des cases et vont expulser plus de 250 personnes par jour vers les autres îles de l’archipel des Comores.
Les structures de soins doivent se tenir prêtes à soigner en urgence, les écoles prêtent à voir disparaitre des enfants, et en parallèle, le conseil départemental de Mayotte a voté l’interdiction de l’accès à la Protection maternelle et infantile (PMI) aux personnes étrangères non couvertes par la sécurité sociale.

Domination coloniale et françafrique
Mayotte est restée illégalement territoire français à l’indépendance des îles des Comores en 1974. L’ONU considère comme nul et non avenu le referendum de 1976, condamne la présence de la France à Mayotte et demande son retrait. Au fil des ans, une vingtaine de résolutions de l’ONU ont suivi dans ce sens. En parallèle, l’ingérence de la France après l’indépendance des Comores, avec notamment l’intervention du mercenaire Bob Denard (assassinats de présidents, coups d’État…) va être à l’origine de la déstabilisation et de la paupérisation des Comores qui pousseront les comorien.nes au fil des ans à émigrer (1).

Le visa Balladur responsable de milliers de morts
Seulement 75 km séparent Mayotte de l’île de Ndzouani aux Comores.
Depuis 1995, la France a instauré un visa obligatoire pour les Comorien.nes qui veulent rejoindre Mayotte. C’est la fin de la libre circulation au sein de l’archipel, c’est la création d’une immigration dite « irrégulière ». Avant qu’il soit instauré, les familles étaient éparpillées dans l’archipel et le cabotage d’une île à l’autre était quotidien.
Depuis l’instauration de ce visa plus de 20 000 personnes sont décédées en tentant la traversée. Les personnes se rendent à Mayotte dans des embarcations de fortune, les kwassa. 15 à 20% des étrangers à Mayotte seraient en situation dite irrégulière, situation créée par la fermeture des frontières en 1995. Près de la moitié de la population de Mayotte ne possède pas la nationalité française, mais un tiers des étrangers sont nés à Mayotte et 95% des étrangers sont comoriens.

A Mayotte l’expulsion est toujours industrielle
En dehors de l’opération « Wuambushu » , l’État fixe à la préfecture des objectifs d’expulsion de 30 000 personnes par an, c’est à dire près de 10% de la population de Mayotte (280 000 habitants officiellement). Ces expulsions de masse s’apparentent à des transferts forcés de population qui constituent un crime contre l’humanité, selon le code pénal.
Mayotte, représente la moitié des expulsions et enfermements dans les CRA du territoire français. Et celles qui ne sont pas expulsées constituent une main d’œuvre exploitée.

Plus de 2000 enfants ont été enfermés au CRA de Mayotte en 2020 (plus de 3000 en 2019), c’est à dire plus de 15 fois plus que dans l’hexagone, sans compter les enfants enfermés en locaux de rétention administratif (LRA), dont les chiffres ne sont pas communiqués.

Il n’y a qu’une seule préfecture (Mamoudzou) qui traite l’ensemble des demandes de titre de séjour, et des demandes d’asile. Les délais de traitement sont très longs pour les demandes de titre, entre 18 mois et 2 ans.

Omniprésence de la police et des contrôles
A Mayotte, les agents interpellateurs de la police aux frontières (PAF) sont partout, les arrestations sont massives. La pression exercée par la police est telle que des mineurs n’osent plus aller à l’école, des personnes ne vont pas se faire soigner à cause des contrôles à proximité de l’hôpital, etc. Pour faire des vérifications d’identité, les flics s’assoient sur les lois, rentrent dans les maisons sans autorisation, sortent les personnes à moitié nues, etc.

Le CRA de Pamandzi
Il n’y a pas de statistiques détaillées qui proviendraient des associations à l’intérieur des CRA comme c’est le cas ailleurs en France. Pour Mayotte, on ne dispose que des chiffres transmis par la PAF.  L’enfermement au CRA à Mayotte représente à lui seul la moitié de l’enferment dans les CRA en France. Par exemple en 2019, il y a eu près de 27 000 enfermements à Mayotte sur 53 000 au total.
En 2021 : 26485 pour Mayotte uniquement. Cela signifie que 62,5 % des placements en rétention décidés par l’administration française en 2021 l’ont été pour Mayotte par la mise en place de l’opération Shikandra de lutte contre l’immigration clandestine depuis 2019.

Les procédures d’expulsions se font le jour même de l’interpellation L’immense majorité des personnes étrangères est expulsée dans la journée, la durée moyenne de rétention est de 17 heures, ne laissant ni le temps ni la possibilité d’exercer ses droits. D’ailleurs, parmi la petite minorité qui est vue par l’association qui traite les dossiers juridiques dans le CRA, (1600 personnes sur 14000 en 2020, 3500 sur 27000 en 2019) et qui ont donc le temps d’exercer leurs droits, les deux-tiers sont libérés par les juges administratifs et judiciaires, où par la préfecture elle-même.

Régime dérogatoire et pratiques illégales
Il y a 3 niveaux de discriminations pour Mayotte : le droit d’exception qui est régi par le CESEDA (code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) comme pour l’ensemble de la France, le régime dérogatoire qui est propre à Mayotte qui diminuent les droits des étranger·es et des Mahorais .e.s (régime dérogatoire article 73 de la constitution) et viennent se rajouter les pratiques illégales de l’administration

Pratiques illégales ordinaires de l’administration
La loi interdit l’enfermement administratif des mineurs non accompagnés et leur expulsion.
– Tous les jours, des mineurs non-accompagnés sont placés au CRA comme majeurs après que l’administration leur attribue une date fictive de naissance et considère les actes de naissance des comoriens comme faux ou falsifiés.
– Toutes les semaines, d’autres mineurs sont rattachés arbitrairement à un tiers lors des interpellations maritimes et terrestres, pour permettre leur rétention et leur expulsion.
– De plus en plus de femmes sortant de la maternité sont enfermées au CRA avec leur nourrisson. En 2020 un nourrisson a été enlevé à sa mère qui venait d’être arrêtée et donné à une passante qui l’a finalement déposé devant le CRA (rapport rétention Cimade).
– Régulièrement des mineurs français en possession d’une preuve de leur nationalité, sont placés en rétention pour les expulser illégalement avec leur parent étranger.
– La préfecture n’applique pas l’effet suspensif des référés liberté, pourtant inscrit dans la loi (qui bloquent normalement l’expulsion jusqu’à décision du juge)
– La préfecture ne respecte pas les injonctions au retour du juge des référés (quand il enjoint l’État à ramener sur le territoire des personnes expulsées illégalement) et préfère payer les amendes qui en découlent, ce qui rend les expulsions expéditives sans aucun recours effectif.
– Le greffe du CRA expulse des personnes malgré les mises en attente de la préfecture ou les décisions du TA. Un retard de 5 ans accumulé par la préfecture dans les dossiers qui met les personnes en situations irrégulières. Il arrive donc fréquemment que des personnes françaises ou ayant un titre de séjour ou des demandeurs d’asile se retrouvent au CRA

Droit dérogatoire
Le CESEDA, code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile est déjà un code d’exception. Le droit des étrangers pour Mayotte est dérogatoire de ce droit général des étrangers : il y a des spécificités pour Mayotte qui diminuent les droits des étrangers et donc des comoriens.
Ce régime dérogatoire est un héritage de la colonisation : la constitution de 1958.
– Il réduit  le droit du sol, le droit à la régularisation, le droit d’asile et le droit à l’obtention du DCEM, Document de Circulation pour Étranger Mineur.
– Il n’y a pas d’Aide Médicale de l’État (AME) à Mayotte ni  d’accès aux soins pour les sans-papiers.
– Concernant les LRA, le CESEDA stipule un certain nombre d’équipements mais pas pour Mayotte. Le CRA ne suffisant pas en capacité à l’enfermement, création de LRA. en 2020 et 2021, les arrêtés de création de LRA sont quotidiens ou quasi quotidiens, et transforment en LRA pour une journée un local, une salle. Les personnes enfermées en LRA sont privées d’accès à leur droit : accès impossible à une association, un conseil voire un téléphone. Beaucoup de parents d’enfants français ont été expulsés illégalement depuis des LRA.

Inégalités des droits
Le régime dérogatoire permet l’inégalité des mahorais français par rapport aux français de métropole. Les droits sociaux des mahorais sont très inférieurs à ceux des habitants de la métropole ou des autres colonies.
– Le SMIC et le RSA sont bien inférieurs (actuellement 7,91€ au lieu de 10,48€ en métropole et autres DOM) (actuellement de 282€ au lieu de 565€ en métropole, inférieur de 50%)
– Il n’y a pas de Complémentaire santé solidarité à Mayotte

Inégalités et pauvreté
Plus de 90% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, sur une île où les prix sont plus élevés : le coût de la vie est élevé car la plupart des produits sont importés. Il y a surtout des inégalités de revenus en fonction de la couleur de la peau :  en moyenne les revenus sont de 200€ mensuels pour les étrangers, 300€ pour les français originaires de Mayotte, 1400€ pour les français non originaires de Mayotte. C’est typiquement une structure sociale inégalitaire issue de l’histoire coloniale. La grande majorité de la population vit dans des logements précaires ou insalubres, il s’agit souvent d’abris de fortune, sans accès à l’eau, à l’énergie et sans assainissement.
Les étranger.es, les comorien.nes essentiellement, sont pointés comme la source de tous les problèmes par l’État français et les élites mahoraises.

La chasse aux étrangers s’organise
Des milliers d’habitations sont détruites chaque année laissant les personnes à la rue. Depuis 2016, des collectifs se sont organisés pour déloger et agresser leurs voisins qui sont des étrangers avec ou sans papiers et qui habitent un terrain qu’ils louent. Ces collectifs ont été escortés par les flics. Depuis l’État a pris le relai de ces meutes xénophobes en démantelant lui-même les quartiers pauvres. Les personnes construisent des bangas sur des terrains et ensuite la préfecture décide que tout un quartier est insalubre et vient le détruire sans respecter évidemment la Loi Elan qui veut qu’on reloge les personnes.

Pourquoi l’État français tient tant à conserver Mayotte ?
Il s’agit d’enjeux économiques et géostratégiques : Mayotte est sur la route du Cap par laquelle est acheminée le pétrole du moyen orient vers les pays occidentaux, le canal du Mozambique. Des découvertes d’importantes réserves de pétrole et de gaz dans le canal du Mozambique, c’est à dire entre le Mozambique et Madagascar, conserver Mayotte permet également à la France d’agrandir sa zone économique exclusive en mer (1)

(1) : L’œuvre négative du colonialisme français à Mayotte : Un îlot de pauvreté dans un océan de misère

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi 18 mars contre les violences d’Etat, le racisme sytémique et les frontières

Beaucoup de monde mobilisé ce jour à Toulouse, contre les violences d’Etat, le racisme systémique, les frontières et notamment contre le projet de loi Darmanin anti-immigration

L’organisation a été portée par des collectifs féministes, anticolonialistes, antifascistes, antiracistes, des réseaux de soutien aux personnes sans-papiers, des collectifs en lutte contre les violences et crimes d’État et contre les frontières.

 

Prise de parole du collectif Toulouse Anti CRA :

Il y a les violences d’État que subissent les personnes étrangères. Elles sont traquées partout : aux frontières, au travail, dans la rue. Elles doivent quotidiennement se confronter à la police et aux politiques racistes mises en place depuis des années contre les immigrées. Ces violences d’État sont héritées des pratiques coloniales et du code de l’indigénat : la limitation de circulation, l’enfermement administratif et les déportations.

Les personnes sans papiers peuvent être arrêtés et se retrouver en centres de rétention administrative, les CRA. Le CRA de Toulouse Cornebarrieu est situé au bord des pistes de l’aéroport et 126 personnes peuvent y être enfermées. Dans ces prisons pour étrangers et étrangères, les personnes sont enfermées jusqu’à 3 mois en vue d’être expulsées. Mais toutes les personnes ne sont pas expulsables, et l’enfermement poursuit aussi un autre objectif qui est de punir et soumettre une partie de la population, de mater les personnes afin qu’elles s’invisibilisent et qu’elles ne se rebellent pas face aux patrons qui les exploitent.

Il y a près de 50 000 personnes enfermées par an sur l’ensemble du territoire, dont plus de la moitié à Mayotte, territoire colonial et lointain où la violence d’État se déchaîne.

À l’intérieur des CRA, les personnes ont faim, elles subissent quotidiennement des provocations, des humiliations, des insultes racistes, des refus de soin, et des violences policières. Des personnes se suicident, les CRA tuent. En septembre 2018, Karim, 31 ans, s’est pendu dans sa chambre au CRA de Toulouse suite à la prolongation de son enfermement par le juge.

Les prisonnières et prisonniers des CRA luttent quotidiennement contre l’enfermement et contre l’expulsion, que ce soit par des évasions, des incendies, des grèves de la faim et des refus de vol. Les personnes qui se rebellent et luttent sont régulièrement envoyés à la maison d’arrêt de Seysses après un passage au commissariat. Les allers-retours entre CRA et prison sont en augmentation. À Toulouse, de nombreuses personnes se retrouvent en circuit fermé entre le CRA et Seysses.

Depuis plusieurs années, l’État renforce la double peine, où il s’agit d’expulser un maximum de personnes qui ont été condamné à de la prison. Les personnes étrangères, plus contrôlées, plus judiciarisées et condamnées à des peines plus sévères représentent 25% des prisonnières et prisonniers. Cette justice de classe et de race qui enferme les pauvres, les personnes racisées et les personnes étrangères s’appuie sur un arsenal juridique de plus en plus répressif et une augmentation des lieux d’enfermement.

L’État est en train de construire de nouveaux CRA partout sur le territoire, en 2027 le nombre de places aura triplé en 10 ans. Il construit aussi partout de nouvelles prisons, avec 15 000 nouvelles places d’ici 2027. Il y a à Toulouse le projet d’une nouvelle maison d’arrêt, à Muret, en plus de celle de Seysses.

Ces violences d’État s’exercent aussi aux frontières. La France et l’Europe sont responsables de milliers de morts chaque année en Méditerranée, dans la manche, au large de Mayotte. C’est l’occasion d’un business juteux pour les multinationales du militaire et du sécuritaire. L’Europe renforce en ce moment ses dispositifs anti-migratoires.

En France, le projet de loi raciste de Darmanin sur l’immigration est discuté au parlement. L’objectif est de durcir la condition des immigré·es, de renforcer l’exploitation des travailleurs et travailleuses avec des titres de séjour précaires. Cette loi permettra de réprimer et de criminaliser davantage celles et ceux qui ne seront plus utiles aux patrons, qui ne se soumettront pas aux « valeurs de la République » ou qui représenteront une « menace à l’ordre public » selon les préfectures. Au final, cette loi permettra d’enfermer davantage en CRA et d’expulser encore plus facilement. Mais Il s’agit de la 30e loi anti-immigration en 40 ans et ce n’est pas seulement contre elle mais contre toute la politique migratoire de l’État qu’il faut lutter.

Solidarité avec toutes les personnes immigrées ! Solidarités avec les prisonniers et prisonnières en lutte dans toutes les prisons !

Rassemblement devant le CRA de Toulouse

Dans le cadre des mobilisations nationales contre la loi raciste de Darmanin, qui prévoit d’exploiter d’avantage les travailleur·euses sans papiers, d’enfermer et d’expulser plus les étranger·es, des manifestations contre les CRA se sont déroulées dans plusieurs villes, le week-end du 18 février : Lyon, Paris, Marseille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg.

A Toulouse, une trentaine de personnes se sont rassemblées devant le CRA de Cornebarrieu pour faire entendre leur solidarité avec les personnes qui y sont enfermées et qui subissent le racisme et les violences d’État. Elles ont passé de la musique et échangé par dessus les murs avec les prisonniers de plusieurs secteurs avant l’arrivée des gendarmes.

A l’intérieur, quand les prisonniers sont sortis dans les cours de promenade pour crier avec les manifestant·es et danser sur la musique, les flics sont ensuite venus équipés de matraques et de gaz pour les empêcher de communiquer avec l’extérieur et les faire entrer dans le bâtiment.

Solidarité avec les prisonnier·es en lutte !
Solidarité avec toustes les immigré·es !
A bas les CRA et les frontières !

Si je meurs devant eux, ils s’en foutent

Les flics répriment violemment les prisonniers au CRA de Toulouse

Les prisonniers et prisonnières du CRA de Toulouse se révoltent régulièrement contre la condition qui leur est faite, mais leurs résistances comme la répression qu’ils subissent sont invisibilisées. Récemment, tous les prisonniers d’un bâtiment ont foutu le bordel pour exiger la prise en charge à l’hôpital de l’un des leurs, sans succès. Quelques jours auparavant, suite à un refus collectif de plateau dans un des secteurs du CRA de Toulouse, des prisonniers ont été désignés comme meneurs par les flics puis placés au mitard et frappés. Les policiers ont ensuite porté plainte contre l’un deux, heureusement sans suite pour cette fois. Mais les violences physiques et psychologiques des flics de la PAF sont quotidiennes, et les placements au mitard ou en taule fréquents.

On était à la cantine, au diner. On a dit aux policiers : « on mange pas, c’est de la mauvaise nourriture. On a faim. Pourquoi on ne peut pas prendre du pain et des yaourts dans les chambres pour manger la nuit quand on a faim ? Y’a qu’ici que c’est comme ça, c’est bizarre. » On a tous crié pour dire qu’on était pas bien et un policier m’a demandé à moi : « pourquoi tu parles toi, à cause de toi, tout le monde crie. » Et alors ils nous ont mis à quatre au mitard. Ils ont tapé deux collègues. Y’en a un qui a eu des traces sur le corps. Ils lui ont mis des coups de poings et des coups de pieds à la tête dans le couloir.

Même si on mange pas, ou si on fait la grève de la faim, ils s’en battent les couilles. Ils savent qu’on a pas de papiers, donc on compte pas. Si je meurs devant eux, ils s’en foutent. Le centre de Toulouse c’est le pire. On a des boutons, on se gratte, on leur a dit. Normalement si quelqu’un a des boutons, tu le laisses pas avec les autres, n’importe qui peut attrapper ça après. J’ai dit au policier qu’ils avaient pas le droit de laisser les gens avec les boutons et qui se grattent. Lui il m’a répondu que non, c’est rien. Ils savent qu’on peut rien faire. Ils savent qu’à la fin c’est eux qui gagnent.

Les copains ils ont pas porté plainte. Moi ils m’ont mis au mitard et ensuite en garde à vue. Les policiers ont porté plainte contre moi, comme quoi j’ai insulté les policiers et comme quoi j’ai dit aux autres on fait ça et ça, genre c’est moi le responsable. L’avocate leur a dit que c’était pas normal de me mettre au mitard et en garde à vue. Et le procureur a dû me laisser repartir, j’ai rien eu.

Les policiers dans leur tête ils vont m’envoyer en prison. Comme un collègue, il a rien fait, il a juste parlé, il a pris 6 mois ! J’étais choqué, il a rien fait ! Le pauvre il s’est embrouillé avec une policière qui travaille là. Lui genre il a pas parlé avec elle au début. Il parlait avec nous et il a dit genre un gros mot. Elle est venue et, comment dire, ici ils provoquent les gens pour que tu parles et tout. Elle l’a insulté, des insultes de fou. Elle a fait un dossier et les autres policiers sont venus avec elle. Elle a pris le visage de notre collègue dans ses mains
avec ses ongles, elle l’a griffé sur son visage. Après ils l’ont emmené au mitard. Ensuite il nous a appelé sur la cabine pour nous dire qu’ils lui avaient mis 6 mois de prison.

Ici tu parles avec les policiers et ça y est, ils veulent t’envoyer en prison. Tu peux rien faire, rien dire, ils disent « ici c’est moi qui décide ». On a pas de droits.

 

Mobilisons-nous contre le projet de loi Darmanin, une nouvelle loi raciste pour expulser davantage les immigré·es !

Les lois migratoires répressives se suivent et s’empilent, c’est la 30ème loi en 40 ans, son projet est de renforcer l’exploitation, la soumission et la répression des étranger·es.

Cette loi vient alimenter le Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, code d’exception, raciste et sexiste, hérité de l’idéologie coloniale et des codes d’exception, comme le Code de l’Indigénat, qui organisait le contrôle des « indigènes » dans les colonies avec entre autres la limitation de circulation, l’enfermement administratif et la déportation.

Comme d’habitude, le gouvernement se revendique d’un équilibre humaniste. En réalité, cet équilibre signifie renforcer l’exploitation des travailleur·euses immigré·es pour donner des gages aux patrons d’une part, et de l’autre réprimer et criminaliser davantage celles et ceux qui ne rentrent pas dans les bonnes cases, pour contenter l’extrême droite. Les nouveaux titres de travail encore plus précaires que les précédents vont de pair avec l’augmentation du nombre de place en centres de rétention administrative (CRA). Le renforcement de la répression accentue la pression sur les personnes sans papier, contraintes d’être exploitées sous peine d’être arrêtées, enfermées et expulsées.

Pour favoriser l’exploitation des personnes sans papier, le gouvernement annonce la création d’une carte de séjour temporaire « métiers en tension », les personnes déjà employées dans ces métiers depuis plusieurs mois pourront être régularisées automatiquement et pour une durée d’un an. Mais ce titre implique non seulement de conserver le même emploi, mais peut aussi ne plus être renouvelé si le métier en question sort de la liste « en tension ». Et les personnes seront alors susceptibles d’être expulsées. Il s’agit donc d’organiser le contrôle d’étranger·es corvéables puis expulsables, asservis aux besoins en main-d’œuvre du patronat.

Cette réforme fait partie de la guerre aux pauvres que le gouvernement mène depuis des mois – réforme du chômage, loi anti-squat, réforme des retraites … et maintenant loi anti-migrant. Les métiers « en tension » sont en effet sans surprise les secteurs qui peinent à recruter car les conditions de travail et les salaires y sont pourris. Ce sont donc des emplois en bas de l’échelle sociale, non qualifiés, et qui ne donnent accès qu’à des titres de séjour précaires.
Dans le même temps, des personnes qualifiées peuvent obtenir des titres de séjour pluriannuels sous certaines conditions, mais dans les deux cas, on est bien dans un système impérialiste de pillage de la main d’oeuvre de pays plus pauvres, en fonction des besoins du moment.

Dans le domaine du soin, l’intention est de pallier au délabrement du système de santé mais sans avoir à répondre aux revendications des personnels mobilisés depuis trois ans ou au malaise dans les hôpitaux. La loi prévoit une carte de séjour pluriannuelle spécifique aux professionnels de santé, mais qui les maintient comme aujourd’hui dans la précarité : sans reconnaissance des diplômes, pour des salaires moindres et à des postes spécifiques, mobiles sur tout le territoire.
La France profitera cette fois encore d’une main d’œuvre qualifiée, bon marché, formée aux frais des pays d’origine, essentiellement d’Afrique subsaharienne et du Maghreb qui manquent déjà de médecins.

Dans un contexte où les arguments de l’extrême droite sont tranquillement repris par le gouvernement, l’obsession assimilationniste s’intensifie et de nouveaux obstacles à la régularisation apparaissent : il ne faudra plus simplement suivre des cours de français mais justifier de sa maîtrise.
D’autre part, la loi prévoit d’imposer à celles et ceux qui obtiennent un titre de séjour de « respecter les principes de la République et de rendre possible le refus, le retrait, ou le non-renouvellement de certains titres de séjour pour des nouveaux motifs liés à son comportement ». Ce fourre-tout sans contours des principes accroît encore le pouvoir discrétionnaire de la préfecture.
Mais derrière ces formulations vagues, ce sont avant tout les musulman·es qui sont encore ciblé·es par ce projet, cette loi est un pas de plus dans la mise en œuvre d’une islamophobie d’État.

Pour celles et ceux qui ne pourraient bénéficier des nouveaux titres de séjour liés au travail, la répression s’accentue et le gouvernement entend enfermer et expulser davantage les personnes sans papier en faisant sauter les quelques freins légaux existants.
Et il commence par s’attaquer aux quelques catégories protégées par la loi : parent d’enfant français, résident de plus de vingt ans, etc.
Désormais, les préfectures pourront passer outre en invoquant la « menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État », encore des notions suffisamment vagues pour laisser libre cours à l’interprétation.
De plus, cette « menace » permettra également de retirer ou de ne pas renouveller un titre de séjour. Dans le même temps, le nombre de recours pour contester son expulsion sera divisé par trois.

Toujours pour satisfaire l’extrême droite, Darmanin a annoncé partout qu’il remettait en place la double peine (les personnes étrangères sont doublement sanctionnées puisqu’en plus de la peine d’emprisonnement, elles sont expulsées).
Celle-ci n’a en réalité jamais disparu et depuis plusieurs années déjà, l’Etat accentue la pression sur les personnes étrangères emprisonnées pour augmenter leur enfermement au CRA et leur expulsion.
Plus largement, il criminalise les personnes sans papiers visées par une mesure d’expulsion, en projetant de les inscrire systématiquement dans le fichier de police des personnes recherchées.

Dans le même temps, pour pouvoir enfermer toujours plus d’étranger.es, le parlement vient de voter le passage à 3000 places en CRA d’ici 2027, soit un triplement par rapport à 2017. Pour rappel, ce sont près de 50 000 personnes par an qui sont enfermées en France dans ces prisons pour étranger.es.

Des mobilisations contre la loi Darmanin et contre les frontières s’organisent en février et mars sur tout le territoire.
A Toulouse, une date est déjà fixée pour une manifestation le 18 mars, journée nationale de lutte contre les violences d’État. Infos à venir.

Soutien à tous·tes les immigré.es !
Pour en finir avec les frontières et leurs prisons !

Enfermement et soin sont incompatibles. Réponse à la lettre ouverte du médecin du CRA de Lyon Saint Exupéry.

Nous relayons cet article des camarades de Lyon Anti CRA. La maltraitance du corps médical est la même dans tous les centres de rétention de France, les prisonnier-es en témoignent régulièrement depuis des années.

TW : violence médicales, tentatives de suicide.

Il y a quelques semaines, le médecin du CRA de Lyon a démissionné en publiant une lettre ouverte (https://www.rue89lyon.fr/2022/12/20/demission-medecin-centre-retention-lyon-fabrique-violence/) expliquant qu’il ne pouvait plus exercer son métier à cause des « conditions dégradées » dans le centre ces derniers mois. Pourtant cela fait des années que des prisonnier-es du CRA de Lyon témoignent de violences de la part du corps médical. En dénonçant uniquement un manque de moyen et une dégradation de ses conditions de travail, il masque le véritable problème : soin et enfermement sont incompatibles.

Ce témoignage a été beaucoup diffusé par les associations et les médias. De nombreux autres récits – qui contredisent celui-ci – ont été publiés par le passé, sans retenir la même attention, parce que c’étaient ceux des prisonnier-es elleux-mêmes, dont la parole est systématiquement délégitimée ou ignorée par rapport à celle des institutions, dont le corps médical. Accorder plus d’importance à ce témoignage d’un médecin qu’à celle des premier-es concerné-es participe à l’invisibilisation des prisonnier-es, de leur parole et de leurs luttes.

Ce témoignage sert un discours qui légitime l’incarcération en affirmant que les problèmes dans les centres de rétention (et autres prisons) seraient dus uniquement à de mauvaises conditions d’enfermement ou à un manque de moyens et non à l’enfermement en lui-même. Dans les CRA, les médecins n’ont pas vocation à améliorer les conditions de vie des détenu-es, ils font partie du système de maintien de l’ordre. La dégradation des conditions de santé des prisonnier-es est un outil de l’État pour réprimer et contrôler les personnes étranger-es, et les médecins à l’intérieur des CRA en sont l’instrument (voir l’article : https://abaslescra.noblogs.org/le-juge-le-flic-et-le-medecin/).

Au CRA de Lyon, que ce soit dans l’ancien CRA ou dans le nouveau ouvert en 2022, les prisonnier-es ont toujours dénoncé de mauvais traitements par les médecins. Ces derniers n’ont jamais réagi pendant des années et ont participé activement aux violences qui y ont lieu quotidiennement.

Le 16 mars 2019, des détenu-es en grève de la faim écrivaient dans un communiqué (https://crametoncralyon.noblogs.org/nouvelle-greve-de-la-faim-au-centre-de-retention-de-lyon-et-appel-a-soutien-17-03-2019/) :

« ils nous donnent des médicaments donnés pour les gens vraiment fous sans ordonnance sans rien (comme Diazépam, Lyrica, Valium, Prazépam, Tercian, Zopiclone, Théralène, Subutex) et même les infirmières elles sont courant de tout. Les gens ils font la grève mais elles leur donnent des médicaments pour les intoxiquer même y en a des pères de famille ils se charclent ici il a des points de suture ils l’ont laissé comme ça au confinement sans qu’on le soigne y a quelqu’un aussi il a une maladie du foie il obligé qui soigne »

En avril 2019, Yanis, détenu au CRA, dénonçait aussi le recours systématique à des traitements lourds pour mieux contrôler les prsionnier-es (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-yanis-detenu-au-cra-de-st-exupery-avril-2019/) :

« Concernant les soins, il n’y a pas de soins ici, c’est … C’est de la merde. Ya que du Diazepam et tout. Yen a, jsais pas moi, concernant… moi j’ai consulté le médecin l’autre jour, elle m’a donné du Diazepam, moi j’ai, je suis un peu stressé, elle m’a dit « deux Diazepam ».
Et deux Diazepam je sais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là parce que c’est … C’est un anti-dépresseur ou quelque chose comme ça. Moi c’est pas une dépression c’est un petit stress passagère. Mais c’est…
Mais je savais pas pourquoi elle m’a donné ce médicament là, mais du coup ya une euh… une grande euh… Une grande euh… C’est la majorité qui prend ces médicaments là… C’est parce que c’est… C’est exprès qu’ils font ça ou je sais pas… […] Je sais pas pour calmer les gens peut-être, je sais pas… »

À l’automne 2020, un prisonnier tabassé par les flics racontait comment le médecin avait minimisé ses blessures pour couvrir ses agresseurs (https://crametoncralyon.noblogs.org/jai-peur-franchement-vous-me-faites-peur-je-pense-il-suffit-quon-vous-donne-quelques-droits-la-et-vous-allez-commencer-a-tuer-des-gens-vous-temoignage-de-x-tabass/) :

« Pour moi, c’est pas un médecin. C’est pas un médecin. Il m’a dit « ouais, je vois, t’as une cicatrice sur ton front, t’as des bleus sur la tête », mais  il y avait le policier à côté de lui, mais franchement, vous prenez les gens pour quoi ? Je lui ai dit, « toi t’es pas un médecin en fait, tu viens me voir au mitard, tu me dis montre tes bras, montre tes jambes, mais déjà, quand tu viens me voir, devrait pas y avoir la police à côté de toi là, et la vérité, je lui ai dit, t’es pas un médecin toi, t’es un policier, t’es plus qu’un policier ». C’est plus qu’un policier lui, je sais, je suis parti à l’infirmerie le lendemain, je suis allé voir l’infirmière pour porter plainte, tout ça, ils m’ont donné 0 jours d’ITT, j’ai montré à l’infirmière, regarde, hier j’étais pas bleu comme ça, j’étais pas gonflé comme ça ». Elle m’a dit, « ouais, c’est vrai, je vais parler avec le médecin ». Ils m’ont pas appelé. »

En novembre 2020, en pleine épidémie de covid (plusieurs dizaines de prisonnier-es testé-es positifs), les détenu-es dénonçaient l’absence totale de mesures sanitaires, face à quoi le médecin n’a rien fait :

« J’ai dit je suis malade je tousse, ça fait trois jours j’ai la gorge… les gens qui ont le coronavirus ils étaient avec moi, je suis malade. Ils me donnent pas de rendez-vous, non. Ils me parlent mal, même le médecin ici il parle mal, il me dit on n’a pas ça, on n’a pas ça. Si tu parles mal avec lui il va appeler la police. La police va t’amener à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/greve-de-la-faim-au-cra-de-lyon-les-prisonniers-denoncent-leur-situation-alors-que-11-personnes-ont-ete-testees-positives-au-covid-19-temoignage/)

« J’ai demandé le médecin, ils veulent pas. le médecin il est venu me voir parce que comme j’ai un accident, une fracture au niveau du cou, ils m’ont bandé sur un tabouret fixe (?). c’est la même chose, la fracture elle est comme avant. j’ai demandé le médecin, il n’y a pas. j’ai demandé les secours, il n’y a rien. j’ai appelé la police, ils ont dit « tu peux pas te déplacer, tu es au centre de rétention ». j’ai appelé les pompiers et là… je sens qu’ils m’écoutent. après ils m’ont emmené au mitard. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/voila-comment-on-traite-les-gens-on-est-isoles-cest-vrai-quil-y-a-des-cameras-mais-dans-les-chambres-il-y-en-a-pas-dans-les-chambres-il-y-a-que-des-agressions-temoignage-de-x/)

« Ceux qui ont envie de faire le test, il faut qu’ils aillent demander. C’est pas tout le monde qui le demande ; le médecin, il demande rien lui. Nous, on a demandé au médecin qu’est ce qui se passe, pourquoi ils font pas quelque chose pour nous sortir de cette situation. Ils disent que pour le moment, ils peuvent rien faire et qu’ils vont réfléchir s’il y a plus de cas. Mais là, les cas ils augmentent tout les jours. Ça veut dire que nous tout le monde va être contaminé. Parce qu’en plus, on est 4-5 personnes dans les chambres, c’est pas possible. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/parce-que-nous-on-est-la-on-est-dans-la-realite-du-virus-le-virus-il-circule-on-est-la-dedans-et-personne-ne-nous-aide-personne-ne-fait-rien-pour-nous-aider-temoignage-de-d-enferme-au-cra-de/)

Ou encore ce témoignage d’un prisonnier dénonçant la réaction du médecin suite à la tentative de suicide d’un co-détenu :

« Le médecin il s’en bat les couilles ! je lui ai dit t’es payé pour ça, il m’a dit « tu me parles pas comme ça. moi suis pas payé pour ça, je suis pas payé pour la merde pour le covid et tout. il m’a dit j’ai mon salaire normal je me casse pas les couilles ». je l’appelle il me dit comme ça « tu me casses pas les couilles ». la dernière fois j’ai appelé la police, j’ai appelé le médecin, « ramène moi un médicament ». ils ont appelé, il était chez lui, il a dit quoi ? il a dit « lui il casse les couilles tous les jours, ramène-le à l’isolement ». ils m’ont ramené à l’isolement. » (https://crametoncralyon.noblogs.org/on-compte-sur-vous-pour-fermer-ce-centre-cest-catastrophe-on-est-trop-touches-temoignage-de-x-prisonnier-au-cra-de-lyon-14-11-20/)

En plus des risques sur la santé physique liés au covid, l’inaction et le mépris des médecins face à l’épidémie dans le CRA ont eu un impact très violent sur la santé mentale des personnes enfermées (stress, peur d’attraper le virus, isolement…).

Si à l’époque les nombreux cas de covid au CRA avaient attiré l’attention des médias et des associations pour quelques temps, ensuite les violences médicales ont continué, dans l’indifférence totale.

En juin 2021, des prisonnier-es en grève de la faim témoignaient (https://crametoncralyon.noblogs.org/ils-shootent-la-plupart-des-personnes-covid-maltraitance-et-violences-policieres-au-cra-de-lyon-temoignages-des-prisonnier%c2%b7es-3-7-06/) :

«  Bah le médecin vous savez, ils sont pas avec nous. Donc du coup, eux ils sont dans leur bureau, ils savent vraiment pas ce qui se passe, ils sont dans leur coin. sauf quand quelqu’un est malade, mal aux dents, n’importe quoi, c’est doliprane quoi. Après ils essaient de donner aussi des… je vais pas vous mentir hein, ils donnent aussi beaucoup des… ce qu’ils prescrivent aussi beaucoup c’est des… comment ils appellent ça déjà? des calmants, anxiolytiques, voilà. Ils shootent la plupart des personnes. »

«  ça se passe mal, ils nous traitent comme des animaux. Ils nous mettent la pression, ils nous narguent, ils nous disent : comme mon ami il a la dent cassée, il est dans sa chambre dans l’isolement [car il est positif au covid], il va mourir, il a parlé avec les flics ils ont dit : « prend un doliprane et allonge toi », il a parlé avec le médecin il a dit « prend un doliprane ». On est malmenés quoi ! on est pas des êtres humains, on est du bétail, on est du bétail voilà. Y’a un copain aussi là il est malade, il est trop malade, il est au mitard ça fait cinq jours.
– Pourquoi il est au mitard depuis 5 jours?
– Parce que il est tombé de son lit, il s’est cassé le bras et y’a eu du sang, ils ont dit : « t’as fait exprès », et ils l’ont mis au mitard. »

Le déménagement dans le nouveau CRA neuf en janvier 2022 n’a amélioré en rien la santé des prisonnier-es, comme avait témoigné l’un d’eux en mai dernier (https://crametoncralyon.noblogs.org/temoignage-de-x-on-dit-le-pays-des-droits-de-lhomme-quand-on-se-donne-cette-etiquette-il-y-a-un-degre-de-respecter-les-humains/) :

« Au niveau médical, j’ai eu un début de, je sais pas, parce que je l’avais jamais eu dehors, un début de problème cardiaque. Je faisais déjà de la tension, a plus de 17° de tension, déjà ce n’était pas très bon, pendant plus de 2 semaines. […] Dejà même si c’est dehors, pour un être humain, faire de la tension à plus de 17° pendant 2 semaines, c’est un risque de danger, ça peut causer un problème cardiaque. Et pour celà, au moins on doit avoir un suivi médical, un peu ordonné. Et là, sans toutefois me faire des examens, on me propose de me mettre sous traitement. Et quand je demande pour voir le traitement, c’est des somnifères qu’on me donne ! Et quand tu refuses ça devient un problème ! (inaudible). Tu dois au moins me faire des examens,  me mettre sous traitement, avec un suivi médical bien ordonné qu’on peut défendre. Mais pas me dire directement on va te mettre sous traitement et quand tu regarde ce que tu m’as donné c’est ce que tu donnes, le même traitement, à tout le monde qui est au centre. On retrouve particulièrement les mêmes problèmes, parce que quand tu regardes les comprimés qu’on donne à d’autre gars, tu reviens avec quelque chose qu’il a eu, c’est pratiquement les mêmes comprimés qui sont donnés chaque fois. »

En mai 2021, notre collectif avait déjà alerté de nombreuses structures et associations  (https://crametoncralyon.noblogs.org/il-est-impossible-de-soigner-dans-les-lieux-denfermement/) sur ces pratiques médicales abusives, tout en rappelant l’incompatibilité entre soin et enfermement :

« Au lieu de les accompagner et de leur apporter les soins nécessaires, par définition incompatibles avec l’enfermement, les unités médicales au sein des CRA minimisent les souffrances psychiques et physiques exprimées, et participent ainsi à renforcer la vulnérabilité des personnes concernées. Déjà soumises à la violence administrative et policière inhérente à l’enfermement, les prisonnièr-es sont donc également confronté-es à une violence médicale plus difficile à dénoncer. »

La lettre ouverte du médecin démissionnaire du CRA de Lyon n’apprend donc rien de nouveau sur les mauvais traitements subis par les prisonnier-es. En revanche, elle passe sous silence l’hypocrisie du corps médical qui s’est rendu complice et acteur de ces violences pendant des années.
Cette lettre est dégueulasse. Elle légitime en de nombreux points le discours étatique, par exemple en reprenant l’idée raciste et classiste que les prisonnier-es du CRA seraient des personnes dangereuses et violentes, et donc qu’iels seraient en partie responsables de leurs mauvaises conditions de détention.

En se focalisant davantage sur les supposées violences des détenu-es que sur celles structurelles de la détention, cela le conduit à remettre en question la relative « libre circulation » au sein du CRA et à déplorer le fait qu’il n’y ait pas de surveillants, comme en prison, pour « pacifier » la détention. En prenant pour exemple les prisons, il invisibilise et nie là encore la réalité vécue par de nombreuses personnes enfermées dans ces prisons, où, en plus de la violence des matons, les conditions médicales sont tout aussi violentes, comme le documente depuis des années le journal anticarcéral l’Envolée (https://lenvolee.net/).

L’enfermement en soi, ainsi que la menace de déportation, ont des conséquences désastreuses sur la santé des personnes, car ces institutions traumatisent, usent de violences physiques et psychologiques, torturent, sont la cause de tentatives de suicide.  Pour nous il ne peut pas y avoir de « relations normalisées » dans une institution raciste dont la raison d’être sont l’enfermement et l’expulsion, pas plus « qu’attendre sereinement son expulsion » n’est possible ou souhaitable. Les prisonnier-es ne cessent de résister et iels ont raison.

Sous couvert de critiquer le système carcéral, ce genre de discours ne fait que le renforcer, en prétendant qu’il pourrait y avoir une « bonne » manière d’enfermer.

Répétons-le encore une fois : soin et enfermement sont incompatibles. Les CRA et les prisons tuent.

Pour un droit à la santé pour toustes,
Abolition des CRA et de toutes les prisons !

Le collectif Lyon Anticra

Violences policières au CRA de Toulouse

Nous relayons le témoignage d’un prisonnier du centre de rétention administrative de Cornebarrieu Toulouse qui relate les violences policières qu’ils ont subi, lui et un camarade. Celui-ci, en plus d’avoir été tabassé, a reçu une plainte des flics contre lui. Un procédé habituel dans les CRA qui sert à couvrir les flics, à obtenir des primes, à dissuader celleux qui oseraient résister à leurs provocations racistes et leurs humiliations quotidiennes.

« On était en train de manger à la cantine, le policier a insulté un jeune, il a insulté sa mère, on a dit au policier pourquoi tu l’insultes, il est jeune, tu insultes la daronne, ça se fait pas.

Il a pris mon copain, il l’a monté à la salle d’attente, il l’a tapé devant moi, je suis témoin, il lui a mis des tartes, des coups, il lui a mis des coups dans les yeux, il a eu du sang dans les yeux après. Il a un certificat médical. Y’a les vidéos aussi. Il a demandé à porter plainte. Et Le policier a porté plainte avant.

Ils ont emmené mon copain en garde à vue, ensuite, ils l’ont ramené à 1 heure du matin ici au centre et juste après, ils l’ont transféré au centre de Perpignan. Moi aussi il m’a frappé, il m’a insulté. J’ai pas porté plainte, je suis témoin pour mon copain pour sa plainte »

« J’avais une carte de 10 ans. J’ai obtenu le statut de réfugié en 2012. Ils l’ont enlevée il y a un mois »

Nous relayons ici le récit de K., soudanais qui avait le statut de réfugié depuis 2012 et qui a été enfermé au centre de rétention (CRA) de Bordeaux en août dernier. Pendant qu’il effectuait une peine de prison, la préfecture a décidé de lui infliger la double peine en lui retirant son titre de séjour et donc son statut de réfugié afin de l’expulser vers le Soudan. A sa sortie, il a  été directement enfermé au CRA. Là, il s’est fait tabasser par les flics qui au final ont porté plainte contre lui, le procédé habituel qui sert à les couvrir, à obtenir des primes et à dissuader celleux qui oseraient résister à leurs provocations et leurs humiliations.

Contrairement à ce qu’a laissé entendre G. Darmanin en affirmant rétablir une forme de “double peine”, par une loi qui lèverait les réserves législatives, la double peine n’a jamais été supprimée. Bien au contraire, les liens entre les CRA et la prison se renforcent ces dernières années à cause de la collaboration croissante des préfectures et de l’administration pénitentiaire (AP) qui favorise la multiplication des passages entre ces lieux d’enfermement. Depuis 2017, le nombre de personnes enfermées dans les centres de rétention à leur sortie de prison a presque doublé. En 2019, sur l’ensemble du territoire, 14,5 % des personnes enfermées en CRA sortaient de prison et cette part montait à 25 % pour le CRA de Toulouse par exemple.

Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, le ministère de l’intérieur rappelle régulièrement aux préfectures de renforcer les protocoles d’expulsion des « étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public ». Ainsi, pour les « catégories protégées » (parents d’un enfant français, etc), les préfectures utilisent cette notion particulièrement floue de « menace grave pour l’ordre public », même pour les petits délits, vols, conduite sans permis…

Le récit de K. :
« Ils m’ont vraiment violenté, j’ai jamais vu ça auparavant, je suis choqué. On est très très mal traités, pire que des animaux. Il y a des détenus qui retiennent leur colère mais moi au bout d’un moment je peux plus. Il ya une équipe de policiers qui provoquent tout le monde. Y’en a qui ne prennent pas leur repas pour pas les voir. Ils sont à bout les détenus, je vois sur leurs visages.

Ils m’ont frappé parce qu’ils provoquent. Il y a une équipe, c’est des fachos ou je sais pas quoi. Au petit déjeuner, la policière s’est mise volontairement sur mon passage et je lui ai dit « bougez, bouge », elle attendait ça. Ensuite je me suis installé avec mon plateau de repas, je voulais pas rentrer dans son délire, elle vient derrière moi elle me provoque encore et comme quoi je lui ai dit ferme ta gueule, j’ai jamais dit ça. Elle a mis sa main sur mon épaule et a elle a serré, je lui ai dit « arrêtez avec votre main et parlez avec votre bouche, ne me touchez pas, vous me faites mal ».
Son collègue intervient et m’attrape par le coup devant tout le monde et devant la caméra aussi. Il m’a dit « ferme ta gueule et prend ton petit déjeuner ». Ensuite il m’a pris par le bras avec son collègue ils ont commencé à m’étrangler dans le couloir, à me donner des coups, ils m’ont trainé, ils ont fermé la porte et m’ont dit « ferme ta gueule bâtard », des coups partout sauf le visage, Ils m’ont tapé sur les mollets, sur le torse, ça m’a coupé la respiration.
Je leur ai « vous voulez quoi ? Me menotter ? », j’ai donné mes mains, Il prend mon bras, il a failli me déboiter l’épaule, ils me tapent dans tous les sens, contre les murs, y’avait du sang partout. Ils ont serré les menottes. Au final ils m’ont ramené à l’accueil. Ils m’ont encore mis des coups devant les caméras, ils disaient « assieds-toi bâtard ».
Ils m’ont traité comme une bête. Liberté fraternité égalité ça nous concerne pas, ça ne s’applique pas à moi.

J’ai demandé qu’ils me desserrent les menottes. Ils ont serré encore plus fort. J’avais très mal. Celle qui m’a provoqué a fait croire à ses collègues qui sont dans le bureau que je lui ai fait un doigt d’honneur.

Après j’ai été auditionné par d’autres flics au 3ème étage*, ils m’ont posé des questions. Finalement ils m’ont pas présenté devant le juge, j’avais des bleus partout, mon poignée était déchiré. J’ai une plaie sur le cou. Les flics ont porté plainte contre moi c’est pour ça qu’ils m’ont auditionné, c’est ignoble.

La dame de la Cimade m’a dit « vous n’êtes pas le premier ». Y’a d’autres policiers, ça va, ils font juste leur travail pas comme les autres qui m’ont torturé. Les deux filles, elles provoquent, elles se mettent en face de nous quand on mange, elles nous regardent droit dans les yeux. On voit la haine sur leur visage.

J’ai subi la même chose en prison avec les matons, c’est eux qui m’ont mis cette étiquette de radicalisé. C’est pour ça qu’ils m’ont retiré mon titre de séjour.

Même le directeur de prison me l’a dit « je vais te pourrir la vie ». C’était à la maison d’arrêt de Rochefort avant mon transfert car ça s’est mal passé là-bas. Il m’a mis cette étiquette comme quoi j’ai la haine contre la France, je suis un terroriste. Ils veulent pourrir la vie des gens. Je suis pas contre les français. Je mets pas la faute sur toute la France, sur tout le peuple.

Même mon avocate m’a dit « la juge vous a très mal parlé vous trouvez pas ? Elle s’est mal comportée avec vous. Elle a attendu que vous vous énervez pour vous mettre en prison ». Je suis impulsif, je dis ce que je ressens, je peux pas garder les choses. Ils se sont basés sur rien pour dire que je suis radicalisé, c’est dans mon dossier.

J’avais une carte de 10 ans. J’ai obtenu l’asile en 2012, statut de réfugié. Ils l’ont enlevée il y a un mois.

Ma famille est dans un camp de réfugiés entre le Soudan et le Tchad à la frontière. J’ai réussi à venir ici. Je me suis échappé du soudan du nord du Darfour. Mon frère s’est fait tué devant mes yeux. J’ai pris aussi des coups de machette et c’est mon grand frère qui m’a sauvé. On était pas loin de la maison, tout le monde court dans tous les sens. On est allé en Lybie. Mon frère a été emprisonné là-bas et moi je suis parti avec une équipe, j’avais 13, 14 ans, j’ai suivi des gens. D’abord en Égypte après un an en Turquie, deux ans en Grèce et après l’Italie 6 mois et en France en 2010.

Depuis que je suis en France, je suis pas un fouteur de merde, j’ai tout fait pour réussir, j’ai fait de la prison, j’ai fait une erreur, c’est tout.

Ça sert à rien que je reste ici, on peut lutter mais on est ciblé, les arabes, les renois, les musulmans.

J’aimerais bien parler de ça, ils savent même ce que c’est l’islam. Le mot islam ça veut dire la paix. Ils savent rien ici. Un verset dit qu’on est tous égaux. Les gens qui ont du racisme dans leur cœur pour moi ils sont vraiment malades et ils pourrissent la vie de tout le monde.

Ils vont m’expulser, ils ont pris rdv avec mon consulat. Je veux pas les voir, c’est mes ennemis. Le consulat m’a reconnu, c’est un laisser-passer. Ils m’ont demandé le nom de mon père. J’ai dit ok, j’ai un minimum de fierté, je vais pas rester ici, je vais rentrer chez moi. L’avocate ne sais pas ce qu’il va se passer, la Cimade non plus. »

 

* Le centre de rétention administrative de Bordeaux est situé au sous-sol du commissariat. Il est confiné, très exigu avec pour seule source de lumière naturelle un puit de jour au cœur de la courette grillagée de 20m².

« il a sauté de 10 mètres pour s’évader du tribunal de Montpellier »

Vous relayons le témoignage d’un prisonnier du centre de rétention (CRA) de Sète. Il raconte les violences notamment psychologiques des policiers. Nous tenons à rappeler que ces comportements et ces pratiques nuisibles et dégradantes ne sont pas le fait de quelques individus dangereux mais qu’ils sont quotidiens, systémiques dans toutes les prisons pour sans papiers et les autres ainsi que dans la police. Mais comme toujours, cela se passe en toute impunité et dans le silence.
Pour soutenir les prisonniers du CRA de Sète, il est possible des les appeler sur les cabines téléphoniques : 04 67 53 61 60 et 04 67 53 61 41
Il est également possible de leur rendre visite tous les jours entre 9h30 – 11h30 et 14h – 17h.

Les CRA sont une prison ou l’on déshumanise d’autant plus les personnes qu’elles sont étrangères, ne les laissons pas isolées, soutenons-les  !

« Je voudrais témoigner, je suis au CRA de Sète depuis un mois et demi, en essayant d’être le plus neutre possible car pour moi c’est un départ volontaire vers le Maghreb.
Mon ressenti ici pour un individu qui a grandi en France, depuis l’âge de 4 ans, c’est choquant car on est à moitié en prison et à moitié en psychiatrie. C’est le même système que la psychiatrie mais en pire, on n’a même pas le droit d’avoir un stylo dans la chambre, tout est fixé, tout est scellé sur les murs, sur le sol. J’ai vu des choses que je pensais pas voir en France dans les pires endroits.

Il y a encore la trace de draps pendus sur les plafonds. Une personne venait de se pendre quelques jours avant que j’arrive. Je n’ai jamais compris comment ils ont pu le laisser se pendre avec toutes les caméras de surveillance qu’il y a ici. Heureusement que les draps ont craqué.
Si c’était une évasion, ils auraient été plus rapides. Un tunisien a refusé le deuxième test PCR, il s’est fait taser car il a commencé à avaler des lames pour se suicider, il est tombé sur la tête, le crâne explosé, du sang partout et ils nous ont demandé à nous de nettoyer son sang quand-même ! J’ai trouvé la réaction des officiers vraiment impitoyable, bref.

Il y a eu aussi la personne qui a sauté du tribunal de Montpellier, il y a 3 semaines. C’était choquant car c’est quelqu’un que j’ai côtoyé. le jour de son JLD, j’entend qu’il a sauté de 10 mètres pour s’évader du tribunal de Montpellier. Ils en ont parlé dans les médias. Ils ont rajouté des barreaux au tribunal, j’entends les échos des officiers ici. .. Je crois qu’il a été libéré.
La réaction du policier m’a choqué, il a dit « les racailles s’en sortent toujours bien, il a un tassement des vertèbres ». Quand il a dit ça, ça m’a blessé. Il y a des policiers gentils, car ils voient bien que le seul tort des personnes ici c’est de ne pas avoir de papiers. Ils voient bien que les gens n’ont plus rien à perdre, et le soir ils sont seuls avec eux ici, les flics ils se disent il vaut mieux que je sois bien avec eux. Il y a des flics qui se forcent à être gentils parce qu’ils savent qu’ils peuvent pas gagner face à quelqu’un qui est prêt à mourir.

C’est quelque chose de choquant, il faut qu’ils se fassent du mal pour qu’ils sortent. J’entends les gens, ils se souhaitent du mal pour sortir d’ici. Je vois des jeunes qui se taillent les veines, qui prennent pour la première fois des cachetons, je suis dans un autre monde pourtant quand je regarde par la fenêtre, je suis toujours en France.

Je suis arrivé en France à l’âge de 4 ans et on m’a pas renouvelé mes papiers quand j’étais en prison, ça arrive à beaucoup de personnes qui ont grandi ici. En prison, il joue avec « la menace à l’ordre public ».

Quand les personnes n’ont personne ici ou ne connaissent rien au droit, on les bloque à la préfecture tout en leur disant on va vous faire un suivi, on va préparer votre sortie de prison mais vous ne pouvez pas avoir de suivi si vous n’avez pas de papiers, c’est incompréhensible. À Béziers Il n’y a que la Cimade qui est là une après-midi par semaine qui peut vous aider à faire vos papiers. Elle vous dit c’est bloqué au niveau de la préfecture mais vous avez un suivi et si vous ratez votre suivi, vous retournez en prison.

Au moment de sortir de prison, on vient de partout, on vous donne des documents et on vous dit vous allez être expulsé, vous ne comprenez rien. 3 personnes de la PAF viennent vous voir et vous disent Monsieur, on va vous mettre dans un centre de rétention.
On me ramène à Sète, pourquoi je suis là. J’ai lu la loi, une personne qui est en France avant l’âge de 13 ans qui a fait sa scolarité jusqu’à 18 ans est inexpulsable sauf pour « menace à l’ordre public » et pour polygamie ou des trucs comme ça.
Et quand je suis arrivé ici, je me suis rendu compte que c’est la préfecture qui décide qui est une « menace à l’ordre public ».

Ils jouent sur le moral des gens ici, ça les arrange pas quand ça se passe trop bien. Les plus âgés, on essaie de mettre une bonne ambiance, de régler les conflits et ça ils aiment pas. Ils veulent créer des divisons entre algériens, marocains etc,. On est entre nous, y’a pas d’algériens ou de marocains. On rigole entre nous. Ils aiment pas. Ici ils veulent que tu ne sois pas bien pour que de toi-même tu as envie de partir et ça a marché. Il y a beaucoup de personnes qui voient les suicides et tout ce qu’il ce passe veulent repartir, quitte à revenir. »

 

« S’il y a un truc que j’ai bien compris, c’est que quand t’es ici, t’as pas de droits »

Témoignage, le 21  juin 2022

« Je me suis fait taper par la police. T’entends pas comment je parle ? J’ai demandé pour voir le docteur, parce que j’ai mal aux dents. Ils m’ont dit non, ils m’ont dit de rentrer dans ma chambre. J’ai dit que je rentre pas dans ma chambre si je vois pas le docteur, je suis malade. Il m’a dit non, c’est moi qui commande ici, c’est moi qui décide. Il me dit que si je rentre pas dans ma chambre, il me met au mitard. Ils m’ont pris, ils étaient 10. Pas 3, 10 ! Ils m’ont tapé, frappé avec, tu vois leurs grosses chaussures là ? Ils m’ont étranglé jusqu’à ce que je vomisse. Je dis la vérité wallah, il y a des témoins et tout ! Devant tout le monde, devant la caméra. Même le docteur, il a tout vu, il n’a rien dit. Le matin je suis allé voir le médecin. Il a fait quoi le docteur ? Il m’a donné un doliprane ! J’ai des bleus, j’ai mal partout.

Mon avocat, je l’ai appelé au moins 10 fois, il m’a dit d’aller voir la CIMADE. Mais à la CIMADE ils m’ont dit que je pouvais porter plainte mais que ça ne servait à rien 1. Mais si c’est un avocat qui connaît son travail, les policiers ils ont pas le droit de faire ça, ils peuvent pas me taper comme ça, même une gifle ils ont pas le droit ! Pourquoi ils laissent faire ça ? Il faut que je sorte d’ici. Si je sors, je pourrai porter plainte.

S’il y a un truc que j’ai bien compris, c’est que quand t’es ici, t’as pas de droits, et eux ils ont le droit de faire tout. »


1 : Porter plainte pour les prisonnier·x·es du CRA, ça veut dire aller au commissariat, accompagné·x·e par des flics, pour demander à des flics d’ouvrir une enquête sur les violences d’autres flics. Comme en tôle, se défendre c’est aussi s’exposer à des plaintes en retour des flics de la PAF, qui peuvent avoir gain de cause, ce qui participe aux allers-retours CRA/prison