Pour un féminisme décolonial, anti-impérialiste, antiraciste et anticarcéral

Appel à participer à la riposte féministe le 25 novembre 18h au Capitole

Notre collectif milite pour l’abolition des prisons pour étranger·e·s appelées centres de rétention administrative, CRA.
Nous sommes solidaires des personnes sans papiers et des prisonnier·e·s, nous soutenons leurs luttes.
Notre lutte s’inscrit dans une démarche décoloniale, anti-impérialiste, antiraciste et anticarcérale.
Ce texte a été écrit en non mixité femmes.

Depuis des mois, nous recueillons la parole des personnes qui sont enfermées au prétexte qu’elles n’ont pas les bons papiers. Un enfermement qui peut aller jusqu’à 3 mois. Des dizaines de témoignages nous rapportent les conditions atroces d’enfermement notamment celles des femmes qui subissent le sexisme et le racisme de la police aux frontières (PAF) qui gère ces prisons. Elles sont insultées, humiliées, harcelées. Des refus de soin sont régulièrement rapportés par les prisonnières.

Au CRA de Toulouse les femmes se sont mises en grève de la faim le 30 octobre pour demander leur libération et dénoncer les conditions d’enfermement. L’une d’elles était enceinte de 5 mois, elle avait des douleurs, elle perdait du sang et a dû attendre plus de 24h avant que le médecin n’accepte de l’hospitaliser. Elle n’est pas libérée pour autant et elle est ramenée au CRA. (1)

Au CRA du Mesnil-Amelot en région parisienne aussi, les prisonnières dénoncent les multiples insultes et harcèlements par les flics. Alors que l’une d’elles est tombée malade suite à une infection causée par le rationnement des serviettes hygiéniques, les prisonnières ont dû lutter pour faire intervenir les pompiers, les flics ne voulant pas les appeler. Elles ont été traitées de « putes » et ont été forcées à chanter « joyeux anniversaire » au chef du centre sous peine de ne pas manger. Leurs témoignages dénoncent aussi la nourriture périmée qui leur est donnée et le froid dans lequel elles vivent. (2)

Nous dénonçons ces maltraitances et toutes les oppressions subies par les femmes et les minorités de genre, c’est à dire le patriarcat mais aussi le racisme d’État, l’islamophobie, les violences policières. Nous dénonçons également la militarisation accélérée de la société et l’enfermement massif des personnes issues des classes populaires et des personnes racisées. Les effets de cet enfermement sur les femmes sont invisibilisés.

Nous revendiquons un féminisme décolonial qui combat le racisme, le capitalisme et l’impérialisme, il est l’héritier des luttes des femmes du sud global. Nous nous opposons au féminisme universaliste qui accapare les débats politico-médiatiques et contribue à la perpétuation d’une domination de classe, de genre et de race.

Nous condamnons l’hypocrisie de l’État qui instrumentalise le féminisme pour mettre en place des lois racistes. Il récupère des revendications féministes pour pénaliser, enfermer et expulser davantage. Ce fémonationalisme est inacceptable. Le renforcement de la double peine pour les étrangers s’aligne sur le projet de l’extrême droite.

l’État précarise et violente les femmes même s’il se targue de les défendre. Il est fondé sur le capitalisme, le racisme et le patriarcat. Les femmes sans-papiers et les femmes racisées sont exploitées et discriminées. Elles occupent des postes parmi les plus dévalorisés de la société alors même qu’ils sont indispensables à son fonctionnement.
L’État refuse de régulariser les femmes sans papiers afin de les maintenir dans la précarité et de les garder corvéables, avec la menace constante d’être expulsées.

Cette violence s’exerce aussi quand l’État stigmatise les femmes musulmanes et les enjoint à se dévoiler, faisant écho aux pratiques coloniales et aux séances de dévoilement organisées en Algérie par l’armée française.
Nous gardons en mémoire comment, pendant la colonisation, la France a organisé la prostitution, la pornographie et le viol comme arme de domination et de guerre dans ses colonies ou encore comment elle a fait avorter et stériliser des milliers de femmes non blanches en Outre-mer pour appliquer sa politique antinataliste.​​​​​​​

L’État et ses prisons ne nous sauveront pas du patriarcat. Notre combat antipatriarcal et antiraciste ne pourra se faire qu’en toute indépendance de l’État et de ses institutions.

A bas les frontières, la police, les CRA et les prisons !

(1) https://toulouseanticra.noblogs.org/greve-de-la-faim-au-centre-de-retention-de-toulouse-dans-plusieurs-secteurs-suite-a-lannonce-du-confinement/
(2) https://abaslescra.noblogs.org/tu-chantes-pas-tu-manges-pas-temoignage-des-prisonnieres-du-cra-du-mesnil-amelot/

Grève de la faim au centre de rétention de Toulouse dans plusieurs secteurs suite à l’annonce du confinement

Depuis le début de la crise de la Covid 19, le trafic aérien est extrêmement limité, beaucoup de frontières sont fermées mais des personnes continuent d’être enfermées dans les centres de rétention administrative (CRA). Mercredi 28 octobre, le gouvernement annonce un deuxième confinement et la fermeture totale des frontières extérieures à l’Europe. Pourtant, l’État refuse toujours de fermer les centres de rétention ! Les prisonnier.e.s du CRA de Cornebarrieu Toulouse répondent en lançant une grève de la faim vendredi matin ! La grève a lieu dans plusieurs secteurs et les prisonnier.e.s sont solidaires entre elles et eux, plus d’une trentaine de grévistes.

Les prisonnier.e.s demandent leur expulsion ou leur libération, ils et elles ne comprennent pas cet enfermement à tout prix alors que les vols vers leurs pays d’origine sont suspendus. Ils et elles nous racontent, dans les témoignages qui suivent, leurs conditions de vie indignes, la saleté des lieux, des conditions inadaptées au Covid-19, le racisme des policiers et du médecin qui ne les soigne pas, le désœuvrement total car il n’y a rien à y faire, aucune occupation n’est possible.

Au secteur A, 28 prisonniers, tous faisant la grève de la faim. Un des prisonniers nous informe des revendications de la grève de la faim :

« Les 28 personnes ici, demandent ou bien qu’ils nous expulsent ou bien qu’ils nous libèrent. Pourquoi ils nous retiennent ici ? J’ai un enfant en bas âge ici en France, j’ai un métier, pourquoi je suis enfermé ici, j’ai rien à faire ici.
Ils ont des avions militaires, si ils veulent pas de nous ici, nous on est d’accord de partir. Même si il y a la guerre dans notre pays, si il y a cartel et tout le bazar, moi je m’en fous qu’ils m’expulsent. Pourquoi je suis privé de liberté moi ?

Malgré la fermeture des frontières, l’État continue d’enfermer :
« On voyait qu’ils libéraient personne, ils font que ramener des gens »

Les conditions d’enfermement sont ignobles :
« 2 par chambre, la douche elle est froide, pas de papier toilette, pas de stylo, pas de feuille, rien pour écrire pour passer le temps. Y’a pas d’activité. La télé tu vois pas, tu vois juste à moitié. Ils nous traitent comme de la merde. Parce qu’on est immigrés, qu’on a pas de carte de séjour, pas de papier, ils nous traitent comme de la merde.
On est considéré comme des animaux. Même les animaux ils sont mieux traités que nous. Ils nous font pas les tests comme les citoyens. Tout le secteur A y’a pas de test.
Ouais ils nous donnent des masques, c’est normal c’est des masques fournis par l’État. Les masques ils sont gratuits il sont obligés de donner les masques c’est eux qui font rentrer la maladie. C’est eux qui sortent et rentrent, nous on est enfermés…
On fait grève de la faim jusqu’à ce qu’on crève la. Ou bien on va crever ici ou bien ils nous libèrent. C’est ça qu’on demande nous. »

Le témoignage d’un autre prisonnier :
« Je suis pas né en France mais j’ai vécu toute ma vie en France, je suis allé à l’école en france. Je suis ici depuis que j’ai un an et ils m’ont enfermé ici »
On demande juste nos droits, soit qu’ils nous libèrent soit qu’ils nous expulsent.
Le président il a fait un discours hier, il a dit que les frontières étaient fermées, il n’y a plus de raison de nous garder.
Pour l’instant la police, ils disent que vous allez craquer, que je sais pas, ils s’en foutent en fait. Clairement ils sont foutent, qu’on mange, qu’on mange pas, ils s’en foutent. Y’en a qui sont sortis de prison, ça y est, leur peine, la juge de libération des peine, elle a levé leur liberté. A partir du moment où tu es libéré ça y est c’est que tu as fini ta peine »

Au secteur B, celui des femmes, elles sont trois grévistes. L’une d’elles enceinte de 5 mois est en grève de la faim et décrit les conditions de l’enfermement :

« On fait la grève de la faim parce que nous sommes ici, ils nous font la misère ici quand on reste ici pour rien…
Le confinement il n’y a plus rien. Nous sommes dans la merde, il n’y a plus personne, plus de visite, plus rien maintenant.
Chaque fois qu’on passe au tribunal, c’est négatif c’est négatif parce que les juges du tribunal sont tous racistes, même la préfecture elle est raciste.
Moi ici je suis enceinte de 5 mois, je me stresse, même je suis partie deux fois à l’hôpital. 24h après qu’ils m’aient apporté à l’hôpital, que j’ai saigné, j’ai perdu du sang et tout, et ils font rien.
Et le docteur ici il est vraiment méchant, et raciste.

Normalement nous on doit être dehors, avec notre famille, avec nos enfants.
Moi j’ai 4 enfants, tous mineurs, de 6 ans jusqu’à 1 an ici en France, ils sont nés en France, je suis enceinte de 5 mois, c’est n’importe quoi en fait.
On a droit à notre liberté, normalement c’est les droits de l’homme, la liberté »

Au secteur D, 4 personnes sont en grève de la faim pour la même revendication :

« They have took our passports. We are asking to them or to send us back or to let us free. Because they gave to us 28 days, and they said we can repeat it 28 days, and another 28 days. Three months for what ? »

Secteur C : 8 nouveaux arrivants hier juste après l’annonce du confinement, des personnes venant de Lyon, de Nice et de Montpellier ont été enfermées au CRA de Toulouse.

Cet acharnement contre les étranger.e.s sans-papiers ne doit pas rester caché, ne laissons pas les retenu.e.s isolé.e.s, soutenons leurs luttes !

A bas les frontières, A bas les CRA !

Au CRA de Toulouse : violences policières, enfermement de personnes malades, pas de tests pour les sortant·e·s de prison qui arrivent au centre de rétention et des frontières toujours fermées.

Des personnes sorties de prison et ramenées au centre de rétention administrative de Toulouse pour subir la double peine témoignent qu’elles n’ont pas été testées avant leur arrivée au CRA alors que l’Agence Régionale de Santé (ARS) soupçonne la présence d’un cluster au sein de la maison d’arrêt de Seysses : 5 cas de covid sont avérés. Et cela après que le conseil d’État ait rejeté un recours qui aurait obligé l’administration pénitentiaire à fournir des masques à tous les prisonnier·e·s et réaliser des tests en masse. L’État continue de mettre en danger la santé des personnes enfermées.

Les témoignages de plusieurs personnes emprisonnées au CRA de Toulouse :

C : « Je suis malade et je n’ai pas mon traitement médical complet, j’ai des courbatures, je transpire, le médecin ne fait rien. Ici ils nous traitent comme des animaux. J’ai passé 3 ans en prison, j’ai fini ma peine ils m’ont pas fait le test, il m’ont ramené ici directement au secteur E.

Ils font des tests pour ceux qui viennent de dehors, ils les mettent au secteur D mais ils ne font pas de tests pour ceux qui viennent de prison. Je suis en France depuis 1999, j’ai des enfants français en bas-âge, la maman est en galère avec la petite. Ils m’ont dit vous êtes inexpulsable parce qu’ils ont pas mon passeport. Ils m’ont dit que les frontières vont ouvrir le 12 octobre avec le Venezuela mais j’ai pas de nouvelles de mon consulat.

Ils nous font galérer pour aller chercher un café, on sonne 2 fois, 3 fois, ils viennent blindés là, ils commencent à nous tabasser, ils ont frappé un algérien hier. Il a changé de chambre, ils lui ont dit c’est pas toi qui décide ici, c’est nous. Il a déposé plainte mais il va rien gagner parce-que c’est l’État, c’est la police, c’est des collègues, ils vont dire on n’a rien frappé. »

N : « Ils sont venus dans la chambre vers 8h pour que je change de chambre, j’ai dit attends, je me prépare, je parle pas français, je lui ai parlé en arabe et là il m’a dit nique ta mère et je sais pas quoi encore. Ils m’ont frappé normal dans la chambre, là où il n’y a pas la caméra, ils m’ont frappé au pied et à la tête, ils m’ont donné des coups de poings la tête contre le mur.

J’ai demandé au médecin un certificat pour que je le montre au juge, il m’a dit non, le policier a dit non. Le médecin m’a dit qu’il n’était pas présent, il voulait me donner du Doliprane, j’en veux pas de son Doliprane. J’ai parlé avec la Cimade, ils m’ont donné une feuille pour l’emmener devant le juge.

ça fait un mois que je suis là, je suis en France depuis 3 ans, c’est la première fois que je suis dans un centre comme ça, j’ai jamais fait de prison. J’ai pas volé, j’ai pas tué…Ils m’ont arrêté à la préfecture quand je suis allé demander l’asile. Je comprends pas, quelqu’un va demander l’asile, ils l’amènent ici ? Les frontières sont fermés et ils me gardent ici…

O : « J’ai voulu me suicider 5 fois, ma tête ça va pas, la mémoire je l’ai perdu, je suis perdu, j’étais à Seysses maintenant je suis là. J’ai fait une connerie mais c’était pour manger, j’ai payé, mais maintenant je fais quoi ici ? Je suis marin, je suis arrivé en France, j’étais en bonne santé et maintenant je suis handicapé de l’œil et de l’oreille, je ne vois plus d’un œil. C’est un policier dans Toulouse qui m’a frappé, il faisait 2 fois ma taille, le juge m’a demandé la preuve, comment je fais ? J’ai été recousu à l’œil 2 fois. J’ai galéré dans la rue, normalement je vole pas mais je dois pas être puni au point d’être paralysé d’un œil et d’une oreille. Comment je vais travailler maintenant ?

G :  « Il n’y a pas de sanitaire, les policiers rentrent et sortent, ils ramènent des gens nouveaux tous les jours, il n’y a pas d’avion, les frontières fermées, avec qui on peut parler ? On nous dit d’attendre, d’attendre le juge… ça fait 11 ans je suis en France, j’ai fait 3 mois de prison ensuite 2 mois au centre de Metz et libéré car pas de réponse du consulat. J’étais assigné à résidence à Mulhouse, j’ai pas de famille à Mulhouse, j’ai pas d’amis à Mulhouse, j’ai pas d’argent. Ma famille est à Nice. J’ai dormi dans un parc à côté de la préfecture, j’ai demandé vous pouvez changer mon adresse j’habite Nice ? Elle m’a dit non, c’est votre problème. Pourquoi ils me mettent à Mulhouse à 900 km de Nice ? J’ai un hébergement à Nice. Je suis retourné à Nice. Après, 3, 4 semaines dehors ils m’ont attrapé et m’ont ramené ici à Toulouse. J’ai demandé l’asile politique pour pas renter en Russie, refusé. J’ai 3 ans d’interdiction mais ils peuvent pas m’envoyer en Russie. Je sais que je vais rester ici pour rien, je peux pas partir à cause des problèmes pour nous en Russie. Ici  il y a tout le monde, Albanie, Kazakhstan, Roumanie, Pakistan…Un Monsieur ici du Kazakhstan a une machine dans le cœur… »

J : « C’est la catastrophe ici, il y en a qui sont malades et qui sont enfermés ici avec en plus le risque du virus. Il y en a un qui a 59 ans, il est malade et il peut pas être expulsé en Algérie, la frontière est fermée.

Pourquoi je reste ici ? Je leur ai dit, laissez-moi partir dans mon pays, j’ai un passeport, j’ai ma famille… Ici il n’y a rien, pas d’activités, pas de travail, la nourriture c’est pas possible … On est musulmans, on n’a tué personne et on n’a rien volé. Jusqu’à quand on reste là ? On ne sait rien, il n’y a rien à faire que manger et dormir. Des gens rentrent de l’extérieur, ils nous mélangent, le docteur nous voit 4 minutes, voilà le Doliprane et au revoir. »

Une personne malade au CRA de Toulouse : absence de soins et violences policières

16 avril 2020

Il y a au 16 avril encore 5 personnes au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Toulouse, à Cornebarrieu.

Le CRA enferme habituellement plus de 80 personnes, mais les demandes de mise en liberté massives, vu la fermeture des frontières, l’absence de trafic aérien, etc., ont permis un grand nombre de libérations. Pour autant, l’État refuse toujours de fermer les centres de rétention pendant la crise du Covid-19.

Depuis le confinement, les nouvelles personnes enfermées au CRA arrivaient essentiellement de la prison de Seysses. Hier, une personne a été enfermée suite à une arrestation dans la rue à Perpignan suivie d’une GAV.

Elle nous raconte comment s’est déroulée son arrivée au CRA, sans aucunes mesures de protection, sans tests, et comment elle a assistée le soir du 15 avril au malaise d’une autre personne, sans que la police ne vienne voir malgré les appels à l’aide :

Elle nous raconte ensuite l’intervention des policiers de la PAF qui ont frappé la personne et l’ont emmené :

Ce matin du 16 avril cette personne a pu nous raconter comment s’était passé son malaise et les violences qu’elle a subi, elle a décidé d’entamer une grève de la faim :

 

Témoignage au CRA de Toulouse pendant le Covid-19

01 avril 2020

« Je suis stressé, j’arrive pas à dormir, j’ai mal au dos, j’ai peur la police qu’elle ramène quelque chose ici. Le médecin n’est pas là, j’ai très mal au dos, la tête elle éclate, j’ai demandé doliprane pour la tête, y a pas.

C’est compliqué avec la police. C’est bizarre. Il n’y a rien du tout, ni masques, ni gants, ni gel pour laver les mains, rien du tout. Les gens viennent de dehors, c’est pas comme nous ici, c’est pas une bonne idée, c’est pas protégé. On a trois doses de savon, chacun, par semaine. On mange tous les secteurs ensemble, mais chacun a sa table. Mais on est deux par chambre, comme d’habitude. L’OFII il est plus là, la Cimade ça fait 15 jours qu’il est plus là. A midi l’infirmier vient et il donne les médicaments pour dormir, et après il se barre, après tu le vois plus. Demain j’aurai une chance de sortir ou pas ? Normalement ils ont pas de droits de me garder moi ici, parce que les frontières elles sont fermées, y a pas d’aéroports, y a pas d’avions, y a rien du tout. Les juges ils savent rien de ce qu’il se passe ici. Y a pas de tribunal, tout est en visio, même moi j’ai pas pu parler à l’audience. »

Témoignage collectif de la situation au CRA de Toulouse

05 mars 2020

Plusieurs personnes ont voulu témoigner collectivement de ce qu’elles subissent. On a d’abord eu Y qui sera déporté dimanche suite à un visa périmé. Il a besoin de vêtements pour arriver correctement habillé chez lui. « Ils m’ont contrôlé, mon visa est périmé, ils m’ont mis au CRA 8 jours. C’est la première fois qu’on me met des menottes, je comprends pas pourquoi ils les mettent dans le dos. Je suis enfermé pour un visa !« .

Puis B a pris la parole, il est enfermé depuis le 22 février. Il est sorti de Seysses et a été placé au CRA.

  • Il nous fait part d’un problème avec un policier en particulier qui pose problème : il touche les nouveaux arrivants au CRA, il s’agit d’agressions sexuelles selon les explications. « Il provoque pour nous envoyer en prison et on peut rien faire ». « Le policier fait ça devant tout le monde pour que tout le monde voit. » Ils vont essayer de relever son matricule.
  • La nourriture n’est pas halal, ils ne peuvent pas prendre de nourriture dans les chambres alors que le dîner est à 19h30, ils ont faim la nuit. Ils mangent des sandwichs à la mayonnaise. Ils sont nombreux à ne rien manger. Un des retenus a été opéré, il a un certificat médical de son opération, mais il ne mange rien non plus.
  • Il fait froid, il n’y a pas de chauffage, pas de shampoing.
  • Hier matin vers 8h, le visage d’un des camarades a gonflé « comme un ballon de foot », ils ne l’ont pas emmené à l’hôpital, ils ne sont venus qu’à 11h, ils lui ont donné du Dafalgan (paracétamol) et de l’Augmentin, un antibiotique pour ce qui semble être une grosse allergie (?) « Le médecin ne donne que du Doliprane et du Valium, il ne soigne pas, on a peur de mourir ici, on a peur qu’il nous arrive quelque chose. Voilà ce qu’on a à dire, on s’est mis d’accord pour vous dire ça »

Le CRA de Toulouse est pire que la prison : « On n’a rien à faire ici, on tourne en rond »

01 mars 2020

I. est venu en France par l’Italie et vit à Toulouse . C’est sa deuxième fois au Centre de Rétention Administrative, sa première fois date de fin 2018. Il est au CRA depuis plus de 20 jours. Il sort de la maison d’arrêt de Seysses pour une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) qui courait depuis sa sortie précédente du CRA. Comme le non respect de l’IRTF est un délit pénal, ils l’ont condamné pour 6 mois et incarcéré à Seysses. Il est sorti au bout de 4 mois et demi pour se retrouver ensuite au CRA de Cornebarrieu (Toulouse).

Il nous a parlé directement de psychologues : en prison il voulait en voir un mais ce n’était pas possible. Cependant, on lui a fait miroiter là-bas qu’il pourrait en voir un à sa sortie et surtout aller à l’hôpital. A sa sortie de Seysses, il n’est pas allé à l’hôpital mais s’est retrouvé directement au CRA, ce qui l’a surpris, il ne pensait pas que l’on pouvait passer d’une case à l’autre sans arrêt par l’extérieur.

Il est au CRA sans savoir s’il sera expulsé ou non. Il ne reviendra pas en France s’il est expulsé, il en a ras-le-bol. Il cogite beaucoup, il a besoin de somnifères pour dormir. Il parle beaucoup de cette situation de désœuvrement. Il nous a dit sans hésiter que le CRA est pire que la prison :« On n’a rien à faire ici, on tourne en rond. »

En ce qui concerne la nourriture, ce n’est pas halal, parfois il n’ y a pas grand-chose, à part le pain, le fromage et le beurre. Personne ne mange grand chose. Les gens ne mangent pas et les policiers s’en foutent. Ça en décourage certains de faire la grève de la faim.

Pour finir, il nous a parlé d’un flic précis, sans vouloir entrer dans les détails, qui semble sévir avec tout le monde à l’intérieur du secteur où il se trouve. Il voudra peut-être en parler plus tard ou alors après sa sortie.

Les soins au CRA de Toulouse : « c’est pas ici que ça se passe, c’est dehors »

22 février 2020

Z. a 28 ans, il est au CRA depuis le 30 janvier. Il est arrivé en France le 1er janvier 2020 en passant par l’Espagne.

Il avait tenté une première fois de venir en France en 2017, mais leur bateau qui quittait le Maroc pour l’Espagne a été arrêté, il a fait 58 jours au centre de rétention de Murcia en Espagne et a été déporté vers l’Algérie.

Il avait tenté de faire une grève de la faim en arrivant au centre mais a renoncé au bout d’un jour et demi, c’est une flic qui l’a poussé à arrêter. Il n’est pas soigné pour une dent de sagesse qui pousse de travers et qui provoque des douleurs violentes, au point de lui faire faire une chute dans la douche et de se blesser aux côtes. Z. n’a reçu que du doliprane. Il a demandé des soins mais le médecin du CRA lui a répondu « qu’on fait rien pour ça ici, c’est pas ici que ça se passe, c’est dehors. » Il a aussi demandé à voir un psy, on lui a dit qu’il n’y en avait pas.