Au CRA de Toulouse : violences policières, enfermement de personnes malades, pas de tests pour les sortant·e·s de prison qui arrivent au centre de rétention et des frontières toujours fermées.

Des personnes sorties de prison et ramenées au centre de rétention administrative de Toulouse pour subir la double peine témoignent qu’elles n’ont pas été testées avant leur arrivée au CRA alors que l’Agence Régionale de Santé (ARS) soupçonne la présence d’un cluster au sein de la maison d’arrêt de Seysses : 5 cas de covid sont avérés. Et cela après que le conseil d’État ait rejeté un recours qui aurait obligé l’administration pénitentiaire à fournir des masques à tous les prisonnier·e·s et réaliser des tests en masse. L’État continue de mettre en danger la santé des personnes enfermées.

Les témoignages de plusieurs personnes emprisonnées au CRA de Toulouse :

C : « Je suis malade et je n’ai pas mon traitement médical complet, j’ai des courbatures, je transpire, le médecin ne fait rien. Ici ils nous traitent comme des animaux. J’ai passé 3 ans en prison, j’ai fini ma peine ils m’ont pas fait le test, il m’ont ramené ici directement au secteur E.

Ils font des tests pour ceux qui viennent de dehors, ils les mettent au secteur D mais ils ne font pas de tests pour ceux qui viennent de prison. Je suis en France depuis 1999, j’ai des enfants français en bas-âge, la maman est en galère avec la petite. Ils m’ont dit vous êtes inexpulsable parce qu’ils ont pas mon passeport. Ils m’ont dit que les frontières vont ouvrir le 12 octobre avec le Venezuela mais j’ai pas de nouvelles de mon consulat.

Ils nous font galérer pour aller chercher un café, on sonne 2 fois, 3 fois, ils viennent blindés là, ils commencent à nous tabasser, ils ont frappé un algérien hier. Il a changé de chambre, ils lui ont dit c’est pas toi qui décide ici, c’est nous. Il a déposé plainte mais il va rien gagner parce-que c’est l’État, c’est la police, c’est des collègues, ils vont dire on n’a rien frappé. »

N : « Ils sont venus dans la chambre vers 8h pour que je change de chambre, j’ai dit attends, je me prépare, je parle pas français, je lui ai parlé en arabe et là il m’a dit nique ta mère et je sais pas quoi encore. Ils m’ont frappé normal dans la chambre, là où il n’y a pas la caméra, ils m’ont frappé au pied et à la tête, ils m’ont donné des coups de poings la tête contre le mur.

J’ai demandé au médecin un certificat pour que je le montre au juge, il m’a dit non, le policier a dit non. Le médecin m’a dit qu’il n’était pas présent, il voulait me donner du Doliprane, j’en veux pas de son Doliprane. J’ai parlé avec la Cimade, ils m’ont donné une feuille pour l’emmener devant le juge.

ça fait un mois que je suis là, je suis en France depuis 3 ans, c’est la première fois que je suis dans un centre comme ça, j’ai jamais fait de prison. J’ai pas volé, j’ai pas tué…Ils m’ont arrêté à la préfecture quand je suis allé demander l’asile. Je comprends pas, quelqu’un va demander l’asile, ils l’amènent ici ? Les frontières sont fermés et ils me gardent ici…

O : « J’ai voulu me suicider 5 fois, ma tête ça va pas, la mémoire je l’ai perdu, je suis perdu, j’étais à Seysses maintenant je suis là. J’ai fait une connerie mais c’était pour manger, j’ai payé, mais maintenant je fais quoi ici ? Je suis marin, je suis arrivé en France, j’étais en bonne santé et maintenant je suis handicapé de l’œil et de l’oreille, je ne vois plus d’un œil. C’est un policier dans Toulouse qui m’a frappé, il faisait 2 fois ma taille, le juge m’a demandé la preuve, comment je fais ? J’ai été recousu à l’œil 2 fois. J’ai galéré dans la rue, normalement je vole pas mais je dois pas être puni au point d’être paralysé d’un œil et d’une oreille. Comment je vais travailler maintenant ?

G :  « Il n’y a pas de sanitaire, les policiers rentrent et sortent, ils ramènent des gens nouveaux tous les jours, il n’y a pas d’avion, les frontières fermées, avec qui on peut parler ? On nous dit d’attendre, d’attendre le juge… ça fait 11 ans je suis en France, j’ai fait 3 mois de prison ensuite 2 mois au centre de Metz et libéré car pas de réponse du consulat. J’étais assigné à résidence à Mulhouse, j’ai pas de famille à Mulhouse, j’ai pas d’amis à Mulhouse, j’ai pas d’argent. Ma famille est à Nice. J’ai dormi dans un parc à côté de la préfecture, j’ai demandé vous pouvez changer mon adresse j’habite Nice ? Elle m’a dit non, c’est votre problème. Pourquoi ils me mettent à Mulhouse à 900 km de Nice ? J’ai un hébergement à Nice. Je suis retourné à Nice. Après, 3, 4 semaines dehors ils m’ont attrapé et m’ont ramené ici à Toulouse. J’ai demandé l’asile politique pour pas renter en Russie, refusé. J’ai 3 ans d’interdiction mais ils peuvent pas m’envoyer en Russie. Je sais que je vais rester ici pour rien, je peux pas partir à cause des problèmes pour nous en Russie. Ici  il y a tout le monde, Albanie, Kazakhstan, Roumanie, Pakistan…Un Monsieur ici du Kazakhstan a une machine dans le cœur… »

J : « C’est la catastrophe ici, il y en a qui sont malades et qui sont enfermés ici avec en plus le risque du virus. Il y en a un qui a 59 ans, il est malade et il peut pas être expulsé en Algérie, la frontière est fermée.

Pourquoi je reste ici ? Je leur ai dit, laissez-moi partir dans mon pays, j’ai un passeport, j’ai ma famille… Ici il n’y a rien, pas d’activités, pas de travail, la nourriture c’est pas possible … On est musulmans, on n’a tué personne et on n’a rien volé. Jusqu’à quand on reste là ? On ne sait rien, il n’y a rien à faire que manger et dormir. Des gens rentrent de l’extérieur, ils nous mélangent, le docteur nous voit 4 minutes, voilà le Doliprane et au revoir. »