Vous relayons le témoignage d’un prisonnier du centre de rétention (CRA) de Sète. Il raconte les violences notamment psychologiques des policiers. Nous tenons à rappeler que ces comportements et ces pratiques nuisibles et dégradantes ne sont pas le fait de quelques individus dangereux mais qu’ils sont quotidiens, systémiques dans toutes les prisons pour sans papiers et les autres ainsi que dans la police. Mais comme toujours, cela se passe en toute impunité et dans le silence.
Pour soutenir les prisonniers du CRA de Sète, il est possible des les appeler sur les cabines téléphoniques : 04 67 53 61 60 et 04 67 53 61 41
Il est également possible de leur rendre visite tous les jours entre 9h30 – 11h30 et 14h – 17h.
Les CRA sont une prison ou l’on déshumanise d’autant plus les personnes qu’elles sont étrangères, ne les laissons pas isolées, soutenons-les !
« Je voudrais témoigner, je suis au CRA de Sète depuis un mois et demi, en essayant d’être le plus neutre possible car pour moi c’est un départ volontaire vers le Maghreb.
Mon ressenti ici pour un individu qui a grandi en France, depuis l’âge de 4 ans, c’est choquant car on est à moitié en prison et à moitié en psychiatrie. C’est le même système que la psychiatrie mais en pire, on n’a même pas le droit d’avoir un stylo dans la chambre, tout est fixé, tout est scellé sur les murs, sur le sol. J’ai vu des choses que je pensais pas voir en France dans les pires endroits.
Il y a encore la trace de draps pendus sur les plafonds. Une personne venait de se pendre quelques jours avant que j’arrive. Je n’ai jamais compris comment ils ont pu le laisser se pendre avec toutes les caméras de surveillance qu’il y a ici. Heureusement que les draps ont craqué.
Si c’était une évasion, ils auraient été plus rapides. Un tunisien a refusé le deuxième test PCR, il s’est fait taser car il a commencé à avaler des lames pour se suicider, il est tombé sur la tête, le crâne explosé, du sang partout et ils nous ont demandé à nous de nettoyer son sang quand-même ! J’ai trouvé la réaction des officiers vraiment impitoyable, bref.
Il y a eu aussi la personne qui a sauté du tribunal de Montpellier, il y a 3 semaines. C’était choquant car c’est quelqu’un que j’ai côtoyé. le jour de son JLD, j’entend qu’il a sauté de 10 mètres pour s’évader du tribunal de Montpellier. Ils en ont parlé dans les médias. Ils ont rajouté des barreaux au tribunal, j’entends les échos des officiers ici. .. Je crois qu’il a été libéré.
La réaction du policier m’a choqué, il a dit « les racailles s’en sortent toujours bien, il a un tassement des vertèbres ». Quand il a dit ça, ça m’a blessé. Il y a des policiers gentils, car ils voient bien que le seul tort des personnes ici c’est de ne pas avoir de papiers. Ils voient bien que les gens n’ont plus rien à perdre, et le soir ils sont seuls avec eux ici, les flics ils se disent il vaut mieux que je sois bien avec eux. Il y a des flics qui se forcent à être gentils parce qu’ils savent qu’ils peuvent pas gagner face à quelqu’un qui est prêt à mourir.
C’est quelque chose de choquant, il faut qu’ils se fassent du mal pour qu’ils sortent. J’entends les gens, ils se souhaitent du mal pour sortir d’ici. Je vois des jeunes qui se taillent les veines, qui prennent pour la première fois des cachetons, je suis dans un autre monde pourtant quand je regarde par la fenêtre, je suis toujours en France.
Je suis arrivé en France à l’âge de 4 ans et on m’a pas renouvelé mes papiers quand j’étais en prison, ça arrive à beaucoup de personnes qui ont grandi ici. En prison, il joue avec « la menace à l’ordre public ».
Quand les personnes n’ont personne ici ou ne connaissent rien au droit, on les bloque à la préfecture tout en leur disant on va vous faire un suivi, on va préparer votre sortie de prison mais vous ne pouvez pas avoir de suivi si vous n’avez pas de papiers, c’est incompréhensible. À Béziers Il n’y a que la Cimade qui est là une après-midi par semaine qui peut vous aider à faire vos papiers. Elle vous dit c’est bloqué au niveau de la préfecture mais vous avez un suivi et si vous ratez votre suivi, vous retournez en prison.
Au moment de sortir de prison, on vient de partout, on vous donne des documents et on vous dit vous allez être expulsé, vous ne comprenez rien. 3 personnes de la PAF viennent vous voir et vous disent Monsieur, on va vous mettre dans un centre de rétention.
On me ramène à Sète, pourquoi je suis là. J’ai lu la loi, une personne qui est en France avant l’âge de 13 ans qui a fait sa scolarité jusqu’à 18 ans est inexpulsable sauf pour « menace à l’ordre public » et pour polygamie ou des trucs comme ça.
Et quand je suis arrivé ici, je me suis rendu compte que c’est la préfecture qui décide qui est une « menace à l’ordre public ».
Ils jouent sur le moral des gens ici, ça les arrange pas quand ça se passe trop bien. Les plus âgés, on essaie de mettre une bonne ambiance, de régler les conflits et ça ils aiment pas. Ils veulent créer des divisons entre algériens, marocains etc,. On est entre nous, y’a pas d’algériens ou de marocains. On rigole entre nous. Ils aiment pas. Ici ils veulent que tu ne sois pas bien pour que de toi-même tu as envie de partir et ça a marché. Il y a beaucoup de personnes qui voient les suicides et tout ce qu’il ce passe veulent repartir, quitte à revenir. »