Le centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse est comme toujours bien rempli. Les prisonnier.e.s témoignent depuis les différents secteurs du centre pour faire connaître les conditions d’enfermement et les acharnements racistes de l’État qu’iels subissent.
Des algérien.ne.s sont enfermé.e.s alors qu’il n’y pas d’expulsions vers l’Algérie qui ne délivre pas de laissez-passer depuis la fermeture de ses frontières en raison du Covid.
J : « Y’a pas d’avion pour les algériens et rien que dans ce secteur on est plusieurs, ils ont pris 28 jours et 60 jours, Y’a plein d’algériens dans le centre pour rien… Je suis marié et père d’une fille de 3 ans, elles sont françaises et je suis en France depuis 2016. Ils veulent nous laisser ici, c’est raciste c’est tout. »
L : « On nous traite comme des chiens ici, les policiers ils font des gestes bizarres, on veut se couper les cheveux, c’est eux qui choisissent qui va se couper les cheveux. Tout est comme ça, le manger est dégueulasse, on mange du pain avec de la mayonnaise, on a faim.
Les gens ici sont loin de leurs enfants, y’a des pères de famille ici, pour les visites avec l’enfant il faut faire une demande, il faut demander à la Cimade. On dort pas de la nuit ici, on a des problèmes dans la tête, après ils viennent rajouter des problèmes, des propos racistes. On a parlé à la cheffe, on verra si ça va changer.
On demande qu’ils arrêtent de nous chauffer la tête, il faut pas fatiguer les gens ici. Ils nous prennent la tête avec tout. Il faut qu’ils laissent les enfants rentrer.
Y’a des caméras ici vous pouvez demander à voir les caméras pour voir ce qui se passe. Je veux pas en rajouter, je dois régler ma situation. »
Plusieurs personnes d’un même secteur :
« Ici c’est pire que la prison. La liberté, c’est un truc énorme. Ils n’arrivent pas à expulser, mais avec la nouvelle loi maintenant on peut faire 90 jours, c’est pas bien ça. La plupart de nous, on vient de loin, Lyon, Marseille, on peut pas avoir de visites. »
« Nous, les musulmans, on mange végétarien. La dernière fois, ils n’ont pas voulu me donner mon argent pour manger dans la cellule. Mais même un truc sucré, dehors ça coûte 30ct, ici c’est 1€. »
« Ils sont racistes, la police ici ils ne respectent pas »
« Quand je suis venu ici, ils m’ont mis 6 jours au cachot, tu sors pas, enfermé 24h sur 24, tu sors juste pour aller aux toilettes deux fois. »
« Ici c’est dangereux ! Viens ici vérifier, ici c’est dangereux, ici il n’y a pas de liberté. Même le manger, ils donnent de la merde. Il y a des rats, il fait froid. Ils disent non pour la couverture. »
« Ici on est comme des animaux. 60 jours c’est long, on n’a pas de draps, pas de couverture. La dernière fois je voulais une couverture en plus, il m’a dit non. Pas de vêtements, pas d’argent, quand on va voir le juge. Moi j’étais en prison, à Rodez, c’était mieux pour rester. Il n’y a pas de cigarette. »
M : « Je n’ai pas mangé depuis 4 jours, c’est vraiment pas possible de manger, ici c’est pire que la prison. En prison ils te donnent la gamelle c’est mieux que le manger là. Il y a la machine, tu peux prendre du coca, des biscuits ou des chips mais au bout de 3 jours la machine y’a plus, les gens achètent.
Il y a des policiers qui nous cherchent pour tomber dans leur jeu, quand je suis revenue du parloir avec mon frère, la policière me parle mais je comprends pas, je lui dis je comprends pas, elle me dit, me prends pas pour une con. Elle me dit je rigole pas avec toi, je lui dis j’ai rien fait, j’ai fait ce que tu m’as dit. J’ai rien dit après pour qu’elle me laisse tranquille. L’autre fois un flic m’a dit plusieurs fois, toi tu vas partir à Lagos. Je sais pas pourquoi il me dit ça. »
S : « Ici c’est pire que la prison. La liberté, c’est un truc énorme. Ils n’arrivent pas à expulser, mais avec la nouvelle loi maintenant on peut faire 90 jours, c’est pas bien ça ». « Si tu peux, la plupart de nous, on vient de loin, Lyon, Marseille, on peut pas avoir de visites. »
E : « Je suis de Lille, je suis venu travailler dans les vendanges à Montauban. Ils m’ont mis 2 jours en garde à vue et après ici. J’étais venu dans le sud pour travailler un mois. ça fait 11 ans que je suis en France. J’ai vu une femme guinéenne qui a fait 90 jours ici…
ça fait 35 jours que je suis ici, un mois ici c’est comme 6 mois en prison. La bouffe est dégueulasse, le petit-déjeuner à 7h, si tu le rates, tu attends jusqu’à 11h30 et ensuite le diner à 19h, entre temps rien, que des saletés dans les distributeurs, c’est pas de la nourriture ça, on mange des bonbons nous ?
On dépense 10 euros par jour, y’a pas de chauffage. Tu peux pas dormir le soir, tu es toujours en stress y’a pas de droits ici. Y’en a qui crient le soir, les gens deviennent fous.
Y’en a qui ont des cartes de séjour, un a fait 12 ans de prison et ils le ramènent ici, ça suffit pas 12 ans de prison ? Sa vie est ici, il a sa famille, une promesse d’embauche… Avec les élections ça tombe sur nous les étrangers »
A : « Tout le monde, il prend des cachets pour dormir. Et ça c’est injuste. Quand tu as des problèmes pour dormir, le médecin il donne des trucs, normal, comme ça.
Moi je lui dis, vous êtes généraliste. Dans mon cas il faut des spécialistes. Mais on est tellement enfermés, ils veulent pas. Un des médecins, il m’a dit « on n’est pas là pour ça ».
C : « Je suis arrivé en france mineur à 14 ans, j’étais scolarisé à Montauban, j’ai passé un CAP, j’ai eu des papiers et le 31 août dernier, ma carte était finie, ils m’ont donné rdv le 14 et le jour où je vais à la préfecture pour le rdv, je suis arrêté à la gare de Montauban, ils m’ont menotté et m’ont emmené au comissariat 3 heures et ensuite ici au centre. Et je découvre que j’ai une OQTF.
Le juge m’a donné 28 jours une première fois puis encore 30 jours.
Mon ambassade a refusé de donner le laissez-passer, la consule ne comprend pas pourquoi je dois être expulsé.
Alors ils ont dit ils vont demander à la Centrafrique, au Sénégal ou à la Côte d’Ivoire de m’accepter. Je leur ai dit vous avez mes papiers guinéens, la photocopie du passeport, l’extrait de décès guinéen de mes parents je vais pas rentrer dans un pays qui n’est pas le mien….
J’ai travaillé à Toulouse, j’ai fait les travaux à l’université Paul Sabatier, j’ai tous les contrats de travail. Je leur ai dit laissez moi partir si vous voulez m’expulser, je vais aller dans un autre pays mais ne me laissez pas enfermé ici.
ça sert à rien que je combatte ici pour rien si dans 5 ans je me retrouve encore comme ça, c’est pas la loi ça.
A Toulouse c’est pas net pour nous les noirs, on donne des certificats, des attestations, des contrats pour rien, ils sont racistes contre les noirs ici. »