Violences policières au CRA de Toulouse et peines de prison pour des refus de test Covid

Avec la fermeture des frontières, certains pays acceptent les expulsions de leurs ressortissant.e.s, si les personnes ont effectué un test PCR négatif récent.  Dans les CRA, les personnes qui refusent les tests sont poursuivies au pénal pour « soustraction à une mesure d’éloignement » et sont condamnées à plusieurs mois de prison avec souvent une interdiction de territoire (ITF), alors que le code de la santé publique exige le consentement de la personne pour la réalisation des tests.

Les juges font donc ce qu’ils veulent !

Sorties de prison, les personnes sont ensuite à nouveau enfermées au CRA, parfois pour la durée maximale de 90 jours, elles se retrouvent ainsi en circuit fermé entre CRA et prison pendant des mois !

Le témoignage de deux prisonniers :

A : « J’ai passé 3 mois au CRA de Lyon. J’ai refusé le test PCR. Ils m’ont fait passer au tribunal et j’ai fait 3 mois de prison. Après ma sortie de prison, ils m’ont envoyé au CRA de Cornebarrieu… Ici, y a quelqu’un qui fait la grève de la faim depuis 20 jours, il est dans sa chambre, il bouge pas…On va voir avec les autres ce qu’on fait, si on se met en grève aussi ? Il est tout seul… Il est là, je te le passe… »

« Ils sont arrivés à plusieurs, ils m’ont balancé sur le lit et ils m’ont scotché aux genoux et au torse, je pouvais plus bouger »

L : « Je suis en grève de la faim depuis le 11 février… Suis déjà venu en France en 2019, reparti et revenu… En août 2021, je suis arrivé à Lampedusa, ils m’ont mis sur le bateau pour la quarantaine. A ma sortie, le test covid était négatif. Le 25 septembre je suis allé à Vintimille, pour partir en Allemagne pour voir mon fils. Avec d’autres, je suis monté à l’arrière d’un camion pour le voyage. On a été contrôlé sur l’autoroute du côté de Nîmes. On nous a emmenés au commissariat puis au CRA de Nîmes, j’y suis resté 2 mois ½.

Le 19 octobre, ils ont voulu me mettre dans un avion à Marseille pour le pays, mais le commandant a pas voulu que je monte parce que j’avais pas un test-covid récent. Je suis pas parti. Ils ont voulu remettre ça 15 jours plus tard et j’ai refusé le test. Ils m’ont emmené au commissariat puis au tribunal, en comparution immédiate, et là j’ai pris 3 mois de taule, plus une ITF de 10 ans ! Je suis sorti de prison le 11 février, et c’est là qu’ils m’ont envoyé au CRA de Cornebarrieu Toulouse.

Au CRA de Cornebarrieu, j’ai été isolé pendant 14 jours, tout seul au Secteur C, car j’ai refusé de passer le test Covid. Et le 23 février, j’ai eu une agression : ils m’ont proposé un repas et j’ai refusé, et puis j’ai fait un malaise, je mange pas depuis le 11 février !… Y en a un qui a dit « on peut pas le laisser comme ça, il faut pas qu’il reste tout seul : c’est soit l’infirmerie, soit l’hôpital ! ». Ils m’ont pris la tension, le cœur et la glycémie.

Et puis, ils m’ont mis à l’isolement et m’ont pris mon téléphone, mes claquettes et mes sous. Moi, je voulais appeler ma mère et mon frère pour leur dire… Après , j’ai commencé à taper ma tête contre le mur, mais pas trop fort, j’ai pas de bleu, pas de blessure…y a qu’à voir sur la caméra, j’ai pas tapé fort…

Alors ils sont arrivés à plusieurs, ils m’ont balancé sur le lit et ils m’ont scotché au genoux et au torse, je pouvais plus bouger, ils m’ont mis un truc sur la tête, et y en a un qui m’a mis son genou sur le ventre et ses mains sur ma gorge ! Je pouvais plus respirer, j’ai cru que j’allais mourir, j’ai commencé à pleurer… Ils sont partis.

J’ai attendu un moment et j’ai sonné, et j’ai dit « je suis calme, s’il vous plaît, détachez-moi ! J’arrive pas à respirer !» Je venais de faire un malaise et au lieu de me soigner, ils m’ont attaché ! C’est Pas normal ! Ils sont venus, et ils m’ont détaché, y en a un qui a dit « Ici, vous êtes pas le roi ! Tu manges pas ? Nous, on va manger ! ». Je leur ai demandé mon portable pour appeler. Une heure après : ils m’ont redonné mon portable, ils m’ont donné une cigarette et après j’ai pu appeler mon frère. Je lui ai tout dit, alors après, il a appelé la Mairie :  « on peut rien faire ! », la Préfecture : « on peut rien faire ! » et les Droits de l’Homme : ils l’ont écouté…..Moi, j’ai demandé la Cimade, ils m’ont dit : « Ils sont pas là, ils sont parti déjeuner ! » c’est vrai, c’était entre midi et 13h….Et le lendemain, ils m’ont transféré au Secteur E avec les autres.

Le 24 février, Je suis allé à la Cimade, les Droits de L’Homme  avait déjà contacté la Cimade, ils m’avaient appelé avant et je leur avais tout raconté. La Cimade s’est occupé de me trouver un avocat qui devait venir me voir le 29 février, et finalement, il a décommandé. La Cimade m’en a trouvé un autre que j’ai eu au téléphone, et qui m’a dit de rencontrer le chef du CRA pour la plainte. Je l’ai fait, je l’ai vu le chef du CRA, et il m’a dit « Laisse tomber, ça sert à rien ! »

Le problème c’est que depuis l’agression, j’ai mal au dos et j’ai jamais eu mal au dos comme ça ! Je marche tordu, je peux plus marcher comme tout le monde !  J’ai jamais réclamé pour mon dos ! Ils ont qu’à regarder les dossiers médicaux du CRA de Nîmes, de la maison d’arrêt, j’ai jamais réclamé pour mon dos jusque-là !

J’ai encore demandé à porter plainte. Alors le lendemain, ils m’ont emmené à l’aéroport. Là-bas, ils me disent qu’ils veulent faire une audition, et je leur ai dit  » une audition ? Mais pourquoi ? Vous n’avez pas le droit ! Si vous voulez une audition, je suis pas contre, mais il faut appeler mon avocat ! Je suis pas venu ici pour une audition mais pour porter plainte ! En plus, je n’ai rien à cacher, vous savez déjà tout sur moi »…

En plus ils se sont trompés sur mon nom. Et je leur ai dit : « vous posez des questions bêtes alors que vous avez déjà tous les renseignements sur moi ! « . Je suis resté longtemps avec eux, j’ai vu qu’ils se sont un peu énervés. Y en a un qui a tapé avec son pied dans une poubelle qui était là et il a dit : « Ta plainte, elle va finir là, dans la poubelle ! » Finalement, j’ai pu déposer ma plainte. J’en ai gardé une copie, l’originale est parti à la police et j’ai envoyé une copie à la Police des polices et aux Droits de l’Homme ; il manquait juste les journalistes… J’ai demandé à la Cimade , ils m’ont dit :  » c’est ton droit ! …. » 

Moi, je connais pas de journalistes. Avec la plainte et pour mon dos, ils m’ont envoyé chez un médecin légiste qui m’a posé des questions, m’a examiné, il m’a dit « pourquoi tu manges pas ? », il m’a trouvé maigre ! Mais j’ai surtout grave mal au dos ! Il a passé des radios et a trouvé une maladie osseuse d’enfance, une « ostéopathie » ou quelque chose comme ça ?  « C’est pas grave ! » il a dit. Oui, mais moi, j’ai jamais eu mal au dos comme ça, c’est pas normal ! Même avec cette maladie d’enfance, j’ai jamais eu mal au dos ! 

Je lui ai demandé le certificat, et il n’a pas voulu me le donner alors que la Cimade et l’avocat m’avait dit de le rapporter. C’est sur les caméras comment ils m’ont poussé sur le lit, scotché et étranglé ! »

L. passera devant le juge des libertés et de la détention (JLD) le 13 mars au bout des 30 jours déjà passés au CRA de Cornebarrieu Toulouse. Sa rétention peut se prolonger jusqu’à 90 jours.

Solidarité avec les prisonnier.es qui subissent le racisme d’État et luttent à l’intérieur de ces taules !

Violences policières au CRA de Cornebarrieu Toulouse

Témoignage d’un prisonnier du secteur A, le 29 décembre 2020

« Hier soir, après le repas, on rentrait du repas, il y a un monsieur qui est noir de peau, il était en train de trainer un peu sur le chemin avec un café à la main, il y a un policier qui l’a poussé, le café s’est renversé par terre, ils se sont énervés, ils l’ont pris dans une chambre, ils lui ont enlevé ses vêtements, une chambre froide d’après ce qu’il a dit lui, ils l’ont frappé vite fait.
Après ils l’ont ramené chez nous au secteur, il était en train de pleurer, ça nous a fait de la peine, on a commencé à faire une petite démonstration on va dire, on a jeté tous nos matelas dans le couloir. Les policiers ont pris tous les matelas et ils sont venus pour faire du chantage on va dire. Ils ont pris un autre noir parce qu’il a réclamé pour son copain, ils l’ont pris, on sait pas où ils sont les 2, jusqu’à maintenant.
Ils ont pris les matelas vers 1h du matin et ils les ont remis vers 6h30 du matin avant que le deuxième groupe vient, comme ça le deuxième groupe remarque rien, mais nous on a insisté qu’il y a les caméras qui ont tout filmé et pour que justice soit rendue, c’est pas normal de faire ça, c’est interdit c’est contre la loi. Franchement on dirait des animaux à l’intérieur, Ils nous prennent pour des animaux, des animaux vraiment. »

Au CRA de Cornebarrieu Toulouse, les prisonniers du secteur A ont été violemment réveillés pour une fouille. LA PAF a emmené 2 personnes en garde à vue.

Mardi 8 décembre, la PAF a violemment réveillé les prisonniers du secteur A, du centre de rétention de Cornebarrieu en banlieue toulousaine. Ils les ont sorti de leur chambre et ont fouillé leurs affaires. Un des retenus raconte : « Ils nous ont fouillés comme des animaux. Ils ont cassé des téléphones et ont tout balancé par terre… On a été privés de sortie [du secteur à l’intérieur du CRA]. On ne peut pas aller chercher des cigarettes ni aller voir la Cimade ».

La police prétexte une tentative d’évasion alors que personne n’a été retrouvé dehors. Ils ont sorti du secteur deux personnes (dont un qui est parti « en short » sans qu’on lui laisse le temps de s’habiller)

« La porte était grande ouverte, personne n’est sorti. L’équipe de nuit a mis une heure ou même une heure et demie à venir voir la porte et à constater qu’il ne manquait personne. Ils ont relevé les empreintes sur la porte : ça n’a pas de sens vu que tout le monde la touche. Ils vont trouver leurs propres empreintes. »

Tout au long de la journée la présence policière a été massive au secteur A et aux abords du CRA. La PAF patrouille même sur les pistes de l’aéroport qu’on voit derrière le grillage depuis le secteur A. «D’habitude c’est pas autant ». «On aurait dit qu’on avait fait un braquage, un attentat».

« On est juste enfermés parce qu’on est en situation irrégulière. T’es la, t’as rien fait. On a pas commis un délit : même si on s’était vraiment évades ce serait trop »

Finalement, les retenus ont obtenu qu’on les laisse sortir du secteur au moins pour aller voir la Cimade (qui leur fait du conseil juridique) en insistant auprès de la police. « Ils ont cédé parce qu’on leur a fait un boucan ».

On a appris que les deux personnes embarquées ont été gardées à vue dans un commissariat voisin, puis déférées, mais on n’en sait pas plus sur leur éventuel procès, transfert…

Tout ceci s’ajoute aux conditions de détention déjà difficiles en temps normal et qui ont empiré dernièrement :

Depuis deux semaines le secteur A n’arrive pas à accéder a l’OFII, ou ils peuvent acheter des cigarettes, des recharges téléphoniques… Ils sortent les avant-derniers en promenade, juste avant les prisonnières du secteur B, et ils leur disent que c’est trop tard pour acheter.

Lundi ils leur ont coupé l’eau a 21h. Le lendemain matin elle a été rétablie mais elle était froide. « C’est comme si c’était une punition ».

« On a rien fait, déjà moi je suis pas d’accord qu’on soit ici, mais en plus on est dans de mauvaises conditions »

Les CRA sont une prison ou l’on déshumanise d’autant plus les prisonniers qu’ils sont étrangers, à bas les frontières et à bas l’enfermement !

Témoignage de l’intérieur du CRA de Cornebarrieu Toulouse

« Suite à notre passage par le CRA de Cornebarrieu début novembre nous voulons partager des infos, maintenant qu’on est dehors.

Comme beaucoup d’autres nous avons été transférés depuis la prison. Les flics ont passé nos affaires au peigne fin. Ils en ont jeté beaucoup et ils en ont gardé d’autres dans la fouille.

Les médecins refusent des soins et traitent avec mépris des enfermées, surtout quand iels parlent pas français. Une personne a mangé du papier pour protester et le médecin a dit « il a qu’à digérer ». Une personne enceinte n’a eu aucun suivi malgré ses demandes.

Le kit arrivant est ridicule : du savon et du dentifrice pour quelques jours alors que la plupart des gens restent deux ou trois mois. En plus, dans le secteur « femmes » il n’y a pas de serviettes hygiéniques.

Dans certains secteurs plus que d’autres les cellules sont insalubres : froid, moisissure, eau stagnante, cafards… En plus, les enfermées ne peuvent pas nettoyer (pas de produit de ménage, pas de balai…) et les agents de ménage ne font que les sols. Des secteurs sont pleins (une trentaine de personnes) tandis que d’autres sont presque vides. Il y a eu une coupure d’élec d’au moins 2 heures, ce qui entraîne la coupure de l’eau, l’annulation des promenades, et le maintien dans un bâtiment très sombre.

La gestion du covid est absurde. On n’a accès au gel hydroalcoolique qu’avant les parloirs. Quand un enfermé en a réclamé dans son secteur il lui a été répondu « il n’y en a même pas pour nous, on va pas vous en donner ». #paroledeflic Les enfermées sont séparées dans 5 secteurs avec des cours et des horaires de sorties et de repas différents. Les flics les empêchent de se croiser alors qu’ils nettoient pas les tables entre chaque service. Souvent les flics ne portent pas de masque. On nous oblige à mettre le masque pour sortir du secteur alors que dedans nous sommes en totale promiscuité. En gros, c’est au bon vouloir du flic.

L’organisation habituelle de l’accès aux colis (1 fois par jour) est suspendu dès qu’il y a des « urgences ». Or, en « période covid » cet état d’urgence est permanent, amenant des situations telles que : des personnes n’ont pas pu téléphoner à leurs familles pour les prévenir de leur enfermement pendant plus de trois jours. On nous dit qu’il n’y a pas de parloirs alors qu’ils restent autorisés. Des personnes à l’extérieur se sont pris des amendes pour « motif de déplacement irrecevable » alors qu’elles amenaient un colis, et n’ont pas pu voir les personnes qu’iels venaient voir. Cependant, grâce à la pression le lendemain il y a pu avoir des colis déposés et des visites.

Bref, le covid sert d’excuse pour faire chier les enfermées.

L’ambiance est différente selon les secteurs. Le secteur B est le secteur « femmes ». À l’infantilisation due à la langue et à l’origine s’ajoute celle liée au genre et à l’âge perçus. Les flics se moquent des fringues, disent de pas rire fort, exigent de pas parler aux « garçons », ils méprisent des personnes enceintes ou avec des enfants. Comme si les pauvres en situation irrégulière ne devaient pas avoir d’enfants. Début novembre 2020 le secteur A était plein (une trentaine de personnes). Les gens dansent, gueulent même quand il y a les flics, bref, les flics font moins la morale que dans d’autres secteurs. Malgré des vols dus à l’enfermement et à la pauvreté, en général les enfermées s’entraident : partage des portables, de la bouffe, soutien émotionnel, ceux qui parlent mieux français aident les autres avec les demandes et les papiers, notamment en parlant aux flics. Les gens résistent aux flics et ne se laissent pas faire.

N’en déplaise aux conneries des flics, qui disent « vous n’êtes pas en prison », les CRA sont bel et bien une prison. »

A bas les CRA !

« Le policier lui dit, attends, on va dans un endroit où y a pas de caméra pour régler ça, et je vais tout te faire ! »

Témoignages de prisonniers du centre de rétention de Cornebarrieu Toulouse dans différents secteurs : conditions de vie indignes, humiliations, provocations et violences de la part des flics si les personnes se rebiffent.

M. « Je suis au CRA depuis un mois parce que je suis resté plus de trois mois en France alors que j’ai des papiers en Italie et ils sont toujours valables. Je suis repassé au JLD et le juge m’a encore donné 30 jours de plus
Il veulent me renvoyer dans mon pays mais moi je veux repartir en Italie, j’ai les bons papiers et je peux travailler là-bas…Ici, au CRA, c’est pire qu’en prison : y a rien à faire de la journée : pas de sport, pas d’activité, pas de travail…Alors pour tenir je dors la journée et je regarde la télé la nuit. Les repas c’est vraiment pas bon, ça donne pas envie de manger, je mange un peu pour tenir…La semaine dernière j’avais pas le moral, encore moins envie de manger, et le policier m’a dit : « tu vas manger ou tu vas au cachot ! », alors j’ai dit « si c’est comme ça : mettez-moi au cachot ! », il ne l’a pas fait, ok mais c’est pour dire l’ambiance !… Toujours des intimidations comme : ici, c’est qui qui commande ? Dis-moi !  je réponds pas, je me tais, sinon ça va à l’embrouille ! Ils nous prennent pour des ignorants, ils nous menacent, nous traitent comme des moins que rien, même pas comme leur propre chien !

K. : « Suis au CRA depuis presque un mois, je dois passer au JLD la semaine prochaine. L’OFPRA a fait un rejet de ma demande d’asile politique, après j’ai eu le rejet de la CNDA, puis l’OQTF… J’ai été contrôlé et je me suis retrouvé ici ! Après le rejet CNDA, j’ai voulu faire une demande de Réexamen à l’OFPRA mais c‘est pas possible pour moi. Je suis parti parce que j’étais recherché et je risquais ma vie en restant au pays. Ma famille et mes amis sont eux-mêmes en danger s’ils disent qu’ils savent que je suis en France. Alors si en plus ils font des recherches pour obtenir des nouvelles preuves des menaces contre moi, c’est encore plus dangereux pour eux, c’est les condamner deux fois, je peux pas leur demander ça ! Alors j’attends ici, au CRA…
Je pensais pas qu’un endroit pareil existe en France ! C’est tendu, très tendu… La semaine dernière y a eu un désaccord entre un retenu et un policier, le policier lui dit attends, on va dans un endroit où y a pas de caméra pour régler ça, et je vais tout te faire !… », ça a s’est ensuite mal passé…on n’y était pas mais au résultat le retenu a été mis en garde à vue, le flic avait porté plainte contre lui ! J’y crois pas ! Faut voir comment ils nous parlent. Heureusement, la plainte n’a pas été retenue et le retenu est revenu au CRA…C’est pour dire que c’est vraiment tendu !… En plus, y a vraiment rien à faire ici, on peut même pas sortir dans la cour à cause des travaux, il n’y a que la télé, pas de journaux, pas d’internet même limité, pas d’informations qu’on peut choisir, c’est pire qu’une prison, rien d’autre !
Y a bien la CIMADE dans le CRA mais elle fait rien pour ça, elle respecte le protocole, elle est pas un organe de lutte, elle nous assiste un minimum pour les dossiers, pour un minimum de dignité juridique, mais c’est tout… A cause du cluster covid qu’il y a eu au CRA de Bordeaux, les policiers nous ont dit qu’on allait être tous testés, on a tous refusé ! J’ai dit aux policiers que je voulais m’entretenir avec mon médecin traitant pour en discuter avec lui, c’est un droit, c’est lui qui coordonne tous mes soins, je ne suis pas en prison ! Ils n’ont pas insisté. Je suis tombé du ciel ou quoi ?!
Ici tu perds toute ta dignité ! J’avais entendu parler des CRA mais jamais je pouvais imaginer que c’était comme ça à l’intérieur, en entrant au CRA, tu passes d’un coup d’une zone de droit à une zone de non droit… »

Acharnement de la préfecture et des juges sur une femme enceinte de 5 mois enfermée depuis 60 jours au CRA de Toulouse

V. est enceinte de 5 mois, elle est enfermée au centre de rétention de Cornebarrieu Toulouse depuis bientôt 60 jours. Elle habite Nice et a été transférée au CRA de Toulouse sans raison puisqu’il en existe un à Marseille. Elle est donc loin de sa famille et de ses 4 enfants. Elle a fait 3 hémorragies, elle a été emmenée à l’hôpital en urgence à deux reprises et ramenée au CRA à chaque fois. V. a grandi en France et ne connait pas son pays d’origine. Elle n’est pas expulsable mais la préfecture et les juges s’acharnent pour garder une femme enceinte de 5 mois enfermée dans des conditions dégueulasses et qui génèrent un stress intense.

Fin octobre, plus de 30 prisonnier.e.s font une grève de la faim suite à l’annonce du nouveau confinement en France et de la fermeture totale des frontières extérieures, V. témoigne :

« On fait la grève de la faim parce que nous sommes ici, ils nous font la misère ici quand on reste ici pour rien…
Le confinement il n’y a plus rien. Nous sommes dans la merde, il n’y a plus personne, plus de visite, plus rien maintenant.
Chaque fois qu’on passe au tribunal, c’est négatif c’est négatif parce que les juges du tribunal sont tous racistes, même la préfecture elle est raciste.
Moi ici je suis enceinte de 5 mois, je me stresse, même je suis partie deux fois à l’hôpital. 24h après qu’ils m’aient apporté à l’hôpital, que j’ai saigné, j’ai perdu du sang et tout, et ils font rien.
Normalement nous on doit être dehors, avec notre famille, avec nos enfants.
Moi j’ai 4 enfants, tous mineurs, de 6 ans jusqu’à 1 an ici en France, ils sont nés en France, je suis enceinte de 5 mois, c’est n’importe quoi en fait.
On a droit à notre liberté, normalement c’est les droits de l’homme, la liberté »

Elle témoigne des conditions indignes d’enfermement et du racisme du médecin du CRA, qui est médecin généraliste et non pas gynécologue, et qui préconise l’enfermement depuis le début. Ce même médecin a pour pratique de shooter les personnes enfermées à coup de somnifères et d’anxiolytiques, ou de refuser des soins, de nombreux témoignages à ce sujet sont disponibles sur ce blog.

Témoignage recueilli par Luttes Labo
« ça fait trois jours que j’ai des contractions, au centre il n’y a pas de gynécologue ni de sage femmes, rien. Juste un docteur russe mais qui est raciste comme jamais. Tout le monde ici le déteste… il ne se comporte pas bien avec eux.
Dans les chambres il fait froid, les toilettes c’est comme les gardes à vue.
On sait pas pourquoi on est ici et pourquoi ils nous prolongent encore, qu’est-ce qu’ils font de nous en fait ? Si on demande le transfert, ils veulent pas parce qu’ils sont racistes au tribunal. On veut sortir, être proche de notre famille.

Je suis partie avant-hier au tribunal parce que j’ai fait 28 jours et tout le monde, a repris 30 jours, il y avait 8 personnes, il y a même pas le motif. Je sais pas ce que je fous ici en fait.

Le 27 novembre, V. nous raconte :
C’est la troisième hémorragie que je fais, j’ai saigné, je suis partie à l’hôpital. L’hôpital il dit que c’est normal. Et avant-hier y’a une sage-femme de l’hôpital qui me téléphone et me dit oui vous avez fait une hémorragie il faut que je vous suis c’est très urgent. Elle voulait venir aujourd’hui mais le problème c’est que y’avait quelqu’un contaminé de ces patients. Elle essaie de voir si c’est positif ou négatif. Si c’est négatif elle viendra la semaine prochaine. Je suis restée même pas 3 heures à l’hôpital. Il y avait deux sages-femmes une qui me dit elle va pas bien, elle a des contractions et une autre non elle est bien elle a rien.
On est onze ici, dans huit jours j’ai une audience…après je pense que je vais sortir… je sais pas combien de temps ils peuvent me garder »

Une sage-femme de la PMI se déplace au CRA de Toulouse le 1er décembre pour voir V. et établit un certificat médical indiquant l’incompatibilité de son état avec l’enfermement. Dans la journée une demande de mise en liberté est effectuée et rejetée aussitôt par ordonnance par le juge des libertés et de la détention (JLD). L’ordonnance du juge spécifie que l’enfermement pour V. est une opportunité car elle est ainsi mise à l’abri au CRA, sous prétexte qu’elle n’aurait pas d’hébergement. Ce qui est faux, V. habite Nice avec sa famille et peut fournir des attestations. Ainsi, le juge feint de prendre le CRA pour un centre d’hébergement d’urgence ! De plus, son état de santé ne justifierait pas une hospitalisation selon lui et il estime que le CRA a un service de santé adéquat pour le suivi d’une grossesse ! Le certificat de la sage-femme de la PMI contredit les décisions du médecin du CRA.

Le 1er décembre :
« La sage-femme de la PMI est venue, elle m’a vue, elle a vu que j’ai des contractions, elle a dit je dois pas rester ici, je risque d’accoucher prématuré, elle m’a fait un certificat médical, je l’ai donné à la Cimade, ils ont envoyé ça au juge et là il a refusé, j’ai reçu le papier du juge : Cour d’appel de Toulouse, Juge des libertés et de la détention, ordonnance demande de mise en liberté présentée par un étranger au centre de rétention administrative… »

Le 4 décembre, suite à la demande de mise en liberté, le juge de la Cour d’appel libère V. après 60 jours d’enfer.

Acharnement judiciaire et politique du chiffre contre les prisonnier·e·s du CRA de Toulouse

Lors du premier confinement, les CRA avaient été vidés en grande partie, sans pour autant être fermés. Pour ce second confinement, ils sont pleins, avec des cas de covid et des clusters.

A Toulouse, les avocat·e·s avaient effectué·e·s des demandes de mise en liberté (DML) en mars 2020, qui avaient abouties pour un grand nombre d’entre elles. Cette fois-ci, une soixantaine de personnes étaient enfermées au moment où de nouvelles DML ont été faites, début novembre 2020. Les juges des libertés et de la détention (JLD) les ont rejetées, les recours en appel ont été rejetés également, mais cette fois par ordonnance, donc sans audience ! Dans son ordonnance, le juge d’appel considère que la perspective d’expulsion reste « raisonnable » et que la libération n’est pas « pertinente » car le nombre d’admission en 2020 à Toulouse a diminué. La situation de chacun·e étant sans lien avec les statistiques d’enfermement, c’est un aveu de fait d’une politique du chiffre des juges.

A la date du 6 novembre 2020, et depuis le 17 mars, date du début du premier confinement, sur les 444* personnes enfermées au CRA de Toulouse, seules 22 ont été expulsés en dehors de l’Union Européenne, ce qui représente moins de 5 % des personnes emprisonnées ! 29 ressortissant·e·s de l’U.E. ont par ailleurs été expulsé·e·s. Au CRA de Toulouse, depuis le 27 mars, il n’y a eu aucune expulsion vers l’Algérie ou le Maroc, mais les personnes sont quand même enfermées.

Le rôle « officiel » du CRA étant de permettre l’expulsion, ces chiffres montrent encore une fois que l’État cherche à enfermer coûte que coûte, pour punir et soumettre les personnes sans papiers, au point de mettre en danger leur santé et leur vie. En effet, les conditions sanitaires sont toujours aussi dégueulasses, alors même que l’État s’alarme de l’aggravation de la pandémie.

Les visites sont rendues impossibles : des personnes en visite ont été verbalisées 135 € une fois arrivés au CRA par une Police aux Frontières (PAF) que ça faisait rire, sous prétexte que le motif du déplacement n’était pas « impérieux ». Pourtant, les colis sont indispensables aux prisonnier·e·s, l’OFII rationne voire ne distribue pas les produits d’hygiène, les vêtements, etc., sans parler de la nourriture infecte et inadaptée.

Des personnes enfermées au CRA de Toulouse témoignent. Elles relatent leurs conditions d’enfermement et ne comprennent pas ce qu’elles font dans cet enfer :

T : « Y’a eu 3 personnes positives au Covid, on est inquiets, ils les ont libérées, dans ce secteur on est 20, les appels des avocats ont été rejetés pour tout le monde. ça fait 35 jours que je suis là. Ils peuvent aller jusqu’à 60 ou 90 jours. y’en a un qui a fait une tentative de suicide il s’est fracassé la tête sur le carrelage ».

G : « j’ai voulu me tuer y’a 5 jours ici, j’ai jeté ma tête contre le carrelage, j’ai eu des points de sutures…En prison aussi j’ai voulu me tuer. J’ai 60 ans… J’ai mal à la jambe, je suis tombé du 3ème étage, ça fait 8 mois que j’attends qu’on me fasse un scanner à l’hôpital, même à la prison ils m’ont donné des médicaments pour calmer la douleur, j’arrive pas à marcher, je marche même pas 10 mètres et je tombe. Je veux un spécialiste pour ma jambe, sinon laissez-moi sortir. J’ai parlé avec le médecin ici, il m’a dit faut un spécialiste sinon tu vas rester comme toute ta vie avec la douleur. Sans les cachets je tiens pas. Ils me donnent du Doliprane, du Valium, du Lxprim ».

L : « Ils m’ont ramené de la prison d’Avignon ici, j’ai des papiers, j’ai un appartement. Je suis ici depuis 2002, j’ai 2 enfants, une carte de séjour de 10 ans et ils m’ont mis ici. J’ai fait 2 ans de prison, ils m’ont donné une OQTF, le juge m’a dit tu dois quitter la France pendant 5 ans. Moi je veux pas aller au Maroc, j’ai mes enfants ici, je suis handicapé j’ai un seul bras, je suis diabétique. Les frontières sont fermées… »

H : « Les gens comprennent pas pourquoi ils sont enfermés si les frontières sont fermées.  A l’audience ils disent qu’il y a des vols, mais il n’y en a pas.
La bouffe c’est de la merde, le médecin n’est pas là quand on a besoin de lui, tous ceux qui ont fait la prison disent c’est mieux qu’ici. »
Y’a pas d’avions mais on est là, ils nous forcent à passer 2 mois ici. Quelqu’un a été expulsé à 5 heures du matin, il a refusé le premier vol, il était ici depuis 20 ans en France. Il a pas de papiers mais il travaille, il envoyait de l’argent au pays, son patron est venu le voir jusqu’ici… Il a tué personne, il travaille, pourquoi ils l’ont expulsé ? Ils l’ont expulsé vers le Bengladesh, par escale, d’ici jusqu’au Qatar et après le Bengladesh.
Ils ont expulsé un albanais, sa femme travaille ici, ses enfants sont petits et vont à l’école. Il a même pleuré quand ils sont venus le chercher, il comprend pas. Il pensait être libéré au bout de 2 mois. »

Soulagement dans le secteur à l’annonce au micro d’une sortie  : « Libéré ! Libéré! Ils viennent de libérer quelqu’un, ça fait plaisir ! Et moi ? J’ai passé toute ma vie en France, depuis petit, qu’est-ce que je fais là ? »

* chiffres de la Cimade du Cra de Cornebarrieu, Toulouse

 

Grève de la faim au centre de rétention de Toulouse dans plusieurs secteurs suite à l’annonce du confinement

Depuis le début de la crise de la Covid 19, le trafic aérien est extrêmement limité, beaucoup de frontières sont fermées mais des personnes continuent d’être enfermées dans les centres de rétention administrative (CRA). Mercredi 28 octobre, le gouvernement annonce un deuxième confinement et la fermeture totale des frontières extérieures à l’Europe. Pourtant, l’État refuse toujours de fermer les centres de rétention ! Les prisonnier.e.s du CRA de Cornebarrieu Toulouse répondent en lançant une grève de la faim vendredi matin ! La grève a lieu dans plusieurs secteurs et les prisonnier.e.s sont solidaires entre elles et eux, plus d’une trentaine de grévistes.

Les prisonnier.e.s demandent leur expulsion ou leur libération, ils et elles ne comprennent pas cet enfermement à tout prix alors que les vols vers leurs pays d’origine sont suspendus. Ils et elles nous racontent, dans les témoignages qui suivent, leurs conditions de vie indignes, la saleté des lieux, des conditions inadaptées au Covid-19, le racisme des policiers et du médecin qui ne les soigne pas, le désœuvrement total car il n’y a rien à y faire, aucune occupation n’est possible.

Au secteur A, 28 prisonniers, tous faisant la grève de la faim. Un des prisonniers nous informe des revendications de la grève de la faim :

« Les 28 personnes ici, demandent ou bien qu’ils nous expulsent ou bien qu’ils nous libèrent. Pourquoi ils nous retiennent ici ? J’ai un enfant en bas âge ici en France, j’ai un métier, pourquoi je suis enfermé ici, j’ai rien à faire ici.
Ils ont des avions militaires, si ils veulent pas de nous ici, nous on est d’accord de partir. Même si il y a la guerre dans notre pays, si il y a cartel et tout le bazar, moi je m’en fous qu’ils m’expulsent. Pourquoi je suis privé de liberté moi ?

Malgré la fermeture des frontières, l’État continue d’enfermer :
« On voyait qu’ils libéraient personne, ils font que ramener des gens »

Les conditions d’enfermement sont ignobles :
« 2 par chambre, la douche elle est froide, pas de papier toilette, pas de stylo, pas de feuille, rien pour écrire pour passer le temps. Y’a pas d’activité. La télé tu vois pas, tu vois juste à moitié. Ils nous traitent comme de la merde. Parce qu’on est immigrés, qu’on a pas de carte de séjour, pas de papier, ils nous traitent comme de la merde.
On est considéré comme des animaux. Même les animaux ils sont mieux traités que nous. Ils nous font pas les tests comme les citoyens. Tout le secteur A y’a pas de test.
Ouais ils nous donnent des masques, c’est normal c’est des masques fournis par l’État. Les masques ils sont gratuits il sont obligés de donner les masques c’est eux qui font rentrer la maladie. C’est eux qui sortent et rentrent, nous on est enfermés…
On fait grève de la faim jusqu’à ce qu’on crève la. Ou bien on va crever ici ou bien ils nous libèrent. C’est ça qu’on demande nous. »

Le témoignage d’un autre prisonnier :
« Je suis pas né en France mais j’ai vécu toute ma vie en France, je suis allé à l’école en france. Je suis ici depuis que j’ai un an et ils m’ont enfermé ici »
On demande juste nos droits, soit qu’ils nous libèrent soit qu’ils nous expulsent.
Le président il a fait un discours hier, il a dit que les frontières étaient fermées, il n’y a plus de raison de nous garder.
Pour l’instant la police, ils disent que vous allez craquer, que je sais pas, ils s’en foutent en fait. Clairement ils sont foutent, qu’on mange, qu’on mange pas, ils s’en foutent. Y’en a qui sont sortis de prison, ça y est, leur peine, la juge de libération des peine, elle a levé leur liberté. A partir du moment où tu es libéré ça y est c’est que tu as fini ta peine »

Au secteur B, celui des femmes, elles sont trois grévistes. L’une d’elles enceinte de 5 mois est en grève de la faim et décrit les conditions de l’enfermement :

« On fait la grève de la faim parce que nous sommes ici, ils nous font la misère ici quand on reste ici pour rien…
Le confinement il n’y a plus rien. Nous sommes dans la merde, il n’y a plus personne, plus de visite, plus rien maintenant.
Chaque fois qu’on passe au tribunal, c’est négatif c’est négatif parce que les juges du tribunal sont tous racistes, même la préfecture elle est raciste.
Moi ici je suis enceinte de 5 mois, je me stresse, même je suis partie deux fois à l’hôpital. 24h après qu’ils m’aient apporté à l’hôpital, que j’ai saigné, j’ai perdu du sang et tout, et ils font rien.
Et le docteur ici il est vraiment méchant, et raciste.

Normalement nous on doit être dehors, avec notre famille, avec nos enfants.
Moi j’ai 4 enfants, tous mineurs, de 6 ans jusqu’à 1 an ici en France, ils sont nés en France, je suis enceinte de 5 mois, c’est n’importe quoi en fait.
On a droit à notre liberté, normalement c’est les droits de l’homme, la liberté »

Au secteur D, 4 personnes sont en grève de la faim pour la même revendication :

« They have took our passports. We are asking to them or to send us back or to let us free. Because they gave to us 28 days, and they said we can repeat it 28 days, and another 28 days. Three months for what ? »

Secteur C : 8 nouveaux arrivants hier juste après l’annonce du confinement, des personnes venant de Lyon, de Nice et de Montpellier ont été enfermées au CRA de Toulouse.

Cet acharnement contre les étranger.e.s sans-papiers ne doit pas rester caché, ne laissons pas les retenu.e.s isolé.e.s, soutenons leurs luttes !

A bas les frontières, A bas les CRA !

Au CRA de Toulouse : violences policières, enfermement de personnes malades, pas de tests pour les sortant·e·s de prison qui arrivent au centre de rétention et des frontières toujours fermées.

Des personnes sorties de prison et ramenées au centre de rétention administrative de Toulouse pour subir la double peine témoignent qu’elles n’ont pas été testées avant leur arrivée au CRA alors que l’Agence Régionale de Santé (ARS) soupçonne la présence d’un cluster au sein de la maison d’arrêt de Seysses : 5 cas de covid sont avérés. Et cela après que le conseil d’État ait rejeté un recours qui aurait obligé l’administration pénitentiaire à fournir des masques à tous les prisonnier·e·s et réaliser des tests en masse. L’État continue de mettre en danger la santé des personnes enfermées.

Les témoignages de plusieurs personnes emprisonnées au CRA de Toulouse :

C : « Je suis malade et je n’ai pas mon traitement médical complet, j’ai des courbatures, je transpire, le médecin ne fait rien. Ici ils nous traitent comme des animaux. J’ai passé 3 ans en prison, j’ai fini ma peine ils m’ont pas fait le test, il m’ont ramené ici directement au secteur E.

Ils font des tests pour ceux qui viennent de dehors, ils les mettent au secteur D mais ils ne font pas de tests pour ceux qui viennent de prison. Je suis en France depuis 1999, j’ai des enfants français en bas-âge, la maman est en galère avec la petite. Ils m’ont dit vous êtes inexpulsable parce qu’ils ont pas mon passeport. Ils m’ont dit que les frontières vont ouvrir le 12 octobre avec le Venezuela mais j’ai pas de nouvelles de mon consulat.

Ils nous font galérer pour aller chercher un café, on sonne 2 fois, 3 fois, ils viennent blindés là, ils commencent à nous tabasser, ils ont frappé un algérien hier. Il a changé de chambre, ils lui ont dit c’est pas toi qui décide ici, c’est nous. Il a déposé plainte mais il va rien gagner parce-que c’est l’État, c’est la police, c’est des collègues, ils vont dire on n’a rien frappé. »

N : « Ils sont venus dans la chambre vers 8h pour que je change de chambre, j’ai dit attends, je me prépare, je parle pas français, je lui ai parlé en arabe et là il m’a dit nique ta mère et je sais pas quoi encore. Ils m’ont frappé normal dans la chambre, là où il n’y a pas la caméra, ils m’ont frappé au pied et à la tête, ils m’ont donné des coups de poings la tête contre le mur.

J’ai demandé au médecin un certificat pour que je le montre au juge, il m’a dit non, le policier a dit non. Le médecin m’a dit qu’il n’était pas présent, il voulait me donner du Doliprane, j’en veux pas de son Doliprane. J’ai parlé avec la Cimade, ils m’ont donné une feuille pour l’emmener devant le juge.

ça fait un mois que je suis là, je suis en France depuis 3 ans, c’est la première fois que je suis dans un centre comme ça, j’ai jamais fait de prison. J’ai pas volé, j’ai pas tué…Ils m’ont arrêté à la préfecture quand je suis allé demander l’asile. Je comprends pas, quelqu’un va demander l’asile, ils l’amènent ici ? Les frontières sont fermés et ils me gardent ici…

O : « J’ai voulu me suicider 5 fois, ma tête ça va pas, la mémoire je l’ai perdu, je suis perdu, j’étais à Seysses maintenant je suis là. J’ai fait une connerie mais c’était pour manger, j’ai payé, mais maintenant je fais quoi ici ? Je suis marin, je suis arrivé en France, j’étais en bonne santé et maintenant je suis handicapé de l’œil et de l’oreille, je ne vois plus d’un œil. C’est un policier dans Toulouse qui m’a frappé, il faisait 2 fois ma taille, le juge m’a demandé la preuve, comment je fais ? J’ai été recousu à l’œil 2 fois. J’ai galéré dans la rue, normalement je vole pas mais je dois pas être puni au point d’être paralysé d’un œil et d’une oreille. Comment je vais travailler maintenant ?

G :  « Il n’y a pas de sanitaire, les policiers rentrent et sortent, ils ramènent des gens nouveaux tous les jours, il n’y a pas d’avion, les frontières fermées, avec qui on peut parler ? On nous dit d’attendre, d’attendre le juge… ça fait 11 ans je suis en France, j’ai fait 3 mois de prison ensuite 2 mois au centre de Metz et libéré car pas de réponse du consulat. J’étais assigné à résidence à Mulhouse, j’ai pas de famille à Mulhouse, j’ai pas d’amis à Mulhouse, j’ai pas d’argent. Ma famille est à Nice. J’ai dormi dans un parc à côté de la préfecture, j’ai demandé vous pouvez changer mon adresse j’habite Nice ? Elle m’a dit non, c’est votre problème. Pourquoi ils me mettent à Mulhouse à 900 km de Nice ? J’ai un hébergement à Nice. Je suis retourné à Nice. Après, 3, 4 semaines dehors ils m’ont attrapé et m’ont ramené ici à Toulouse. J’ai demandé l’asile politique pour pas renter en Russie, refusé. J’ai 3 ans d’interdiction mais ils peuvent pas m’envoyer en Russie. Je sais que je vais rester ici pour rien, je peux pas partir à cause des problèmes pour nous en Russie. Ici  il y a tout le monde, Albanie, Kazakhstan, Roumanie, Pakistan…Un Monsieur ici du Kazakhstan a une machine dans le cœur… »

J : « C’est la catastrophe ici, il y en a qui sont malades et qui sont enfermés ici avec en plus le risque du virus. Il y en a un qui a 59 ans, il est malade et il peut pas être expulsé en Algérie, la frontière est fermée.

Pourquoi je reste ici ? Je leur ai dit, laissez-moi partir dans mon pays, j’ai un passeport, j’ai ma famille… Ici il n’y a rien, pas d’activités, pas de travail, la nourriture c’est pas possible … On est musulmans, on n’a tué personne et on n’a rien volé. Jusqu’à quand on reste là ? On ne sait rien, il n’y a rien à faire que manger et dormir. Des gens rentrent de l’extérieur, ils nous mélangent, le docteur nous voit 4 minutes, voilà le Doliprane et au revoir. »

« Il m’a donné un coup de poing, ils m’ont mis les mains derrière, ils m’ont dit mets-toi à terre, ça se fait ? Est-ce qu’on est des chiens? »

« Nous on est ici comme des chiens. Est-ce que tu comprends ce que ça veut dire, comme des chiens ? La vie des chiens elle est plus belle que notre vie. Pourquoi y a tant de gens racistes en France ? C’est la première fois que j’ai vu des gens racistes comme eux, je te jure, oui en France, ça ne se fait pas de faire ça »

Témoignage de H., 18 ans, enfermé au CRA de Lyon.

A lire sur le blog de Lyon anti-CRA :

https://crametoncralyon.noblogs.org/il-ma-donne-un-coup-de-poing-ils-mont-mis-les-mains-derriere-ils-mont-dit-mets-toi-a-terre-ca-se-fait-est-ce-quon-est-des-chiens-temoignage-de/