Violences policières au CRA de Toulouse et peines de prison pour des refus de test Covid

Avec la fermeture des frontières, certains pays acceptent les expulsions de leurs ressortissant.e.s, si les personnes ont effectué un test PCR négatif récent.  Dans les CRA, les personnes qui refusent les tests sont poursuivies au pénal pour « soustraction à une mesure d’éloignement » et sont condamnées à plusieurs mois de prison avec souvent une interdiction de territoire (ITF), alors que le code de la santé publique exige le consentement de la personne pour la réalisation des tests.

Les juges font donc ce qu’ils veulent !

Sorties de prison, les personnes sont ensuite à nouveau enfermées au CRA, parfois pour la durée maximale de 90 jours, elles se retrouvent ainsi en circuit fermé entre CRA et prison pendant des mois !

Le témoignage de deux prisonniers :

A : « J’ai passé 3 mois au CRA de Lyon. J’ai refusé le test PCR. Ils m’ont fait passer au tribunal et j’ai fait 3 mois de prison. Après ma sortie de prison, ils m’ont envoyé au CRA de Cornebarrieu… Ici, y a quelqu’un qui fait la grève de la faim depuis 20 jours, il est dans sa chambre, il bouge pas…On va voir avec les autres ce qu’on fait, si on se met en grève aussi ? Il est tout seul… Il est là, je te le passe… »

« Ils sont arrivés à plusieurs, ils m’ont balancé sur le lit et ils m’ont scotché aux genoux et au torse, je pouvais plus bouger »

L : « Je suis en grève de la faim depuis le 11 février… Suis déjà venu en France en 2019, reparti et revenu… En août 2021, je suis arrivé à Lampedusa, ils m’ont mis sur le bateau pour la quarantaine. A ma sortie, le test covid était négatif. Le 25 septembre je suis allé à Vintimille, pour partir en Allemagne pour voir mon fils. Avec d’autres, je suis monté à l’arrière d’un camion pour le voyage. On a été contrôlé sur l’autoroute du côté de Nîmes. On nous a emmenés au commissariat puis au CRA de Nîmes, j’y suis resté 2 mois ½.

Le 19 octobre, ils ont voulu me mettre dans un avion à Marseille pour le pays, mais le commandant a pas voulu que je monte parce que j’avais pas un test-covid récent. Je suis pas parti. Ils ont voulu remettre ça 15 jours plus tard et j’ai refusé le test. Ils m’ont emmené au commissariat puis au tribunal, en comparution immédiate, et là j’ai pris 3 mois de taule, plus une ITF de 10 ans ! Je suis sorti de prison le 11 février, et c’est là qu’ils m’ont envoyé au CRA de Cornebarrieu Toulouse.

Au CRA de Cornebarrieu, j’ai été isolé pendant 14 jours, tout seul au Secteur C, car j’ai refusé de passer le test Covid. Et le 23 février, j’ai eu une agression : ils m’ont proposé un repas et j’ai refusé, et puis j’ai fait un malaise, je mange pas depuis le 11 février !… Y en a un qui a dit « on peut pas le laisser comme ça, il faut pas qu’il reste tout seul : c’est soit l’infirmerie, soit l’hôpital ! ». Ils m’ont pris la tension, le cœur et la glycémie.

Et puis, ils m’ont mis à l’isolement et m’ont pris mon téléphone, mes claquettes et mes sous. Moi, je voulais appeler ma mère et mon frère pour leur dire… Après , j’ai commencé à taper ma tête contre le mur, mais pas trop fort, j’ai pas de bleu, pas de blessure…y a qu’à voir sur la caméra, j’ai pas tapé fort…

Alors ils sont arrivés à plusieurs, ils m’ont balancé sur le lit et ils m’ont scotché au genoux et au torse, je pouvais plus bouger, ils m’ont mis un truc sur la tête, et y en a un qui m’a mis son genou sur le ventre et ses mains sur ma gorge ! Je pouvais plus respirer, j’ai cru que j’allais mourir, j’ai commencé à pleurer… Ils sont partis.

J’ai attendu un moment et j’ai sonné, et j’ai dit « je suis calme, s’il vous plaît, détachez-moi ! J’arrive pas à respirer !» Je venais de faire un malaise et au lieu de me soigner, ils m’ont attaché ! C’est Pas normal ! Ils sont venus, et ils m’ont détaché, y en a un qui a dit « Ici, vous êtes pas le roi ! Tu manges pas ? Nous, on va manger ! ». Je leur ai demandé mon portable pour appeler. Une heure après : ils m’ont redonné mon portable, ils m’ont donné une cigarette et après j’ai pu appeler mon frère. Je lui ai tout dit, alors après, il a appelé la Mairie :  « on peut rien faire ! », la Préfecture : « on peut rien faire ! » et les Droits de l’Homme : ils l’ont écouté…..Moi, j’ai demandé la Cimade, ils m’ont dit : « Ils sont pas là, ils sont parti déjeuner ! » c’est vrai, c’était entre midi et 13h….Et le lendemain, ils m’ont transféré au Secteur E avec les autres.

Le 24 février, Je suis allé à la Cimade, les Droits de L’Homme  avait déjà contacté la Cimade, ils m’avaient appelé avant et je leur avais tout raconté. La Cimade s’est occupé de me trouver un avocat qui devait venir me voir le 29 février, et finalement, il a décommandé. La Cimade m’en a trouvé un autre que j’ai eu au téléphone, et qui m’a dit de rencontrer le chef du CRA pour la plainte. Je l’ai fait, je l’ai vu le chef du CRA, et il m’a dit « Laisse tomber, ça sert à rien ! »

Le problème c’est que depuis l’agression, j’ai mal au dos et j’ai jamais eu mal au dos comme ça ! Je marche tordu, je peux plus marcher comme tout le monde !  J’ai jamais réclamé pour mon dos ! Ils ont qu’à regarder les dossiers médicaux du CRA de Nîmes, de la maison d’arrêt, j’ai jamais réclamé pour mon dos jusque-là !

J’ai encore demandé à porter plainte. Alors le lendemain, ils m’ont emmené à l’aéroport. Là-bas, ils me disent qu’ils veulent faire une audition, et je leur ai dit  » une audition ? Mais pourquoi ? Vous n’avez pas le droit ! Si vous voulez une audition, je suis pas contre, mais il faut appeler mon avocat ! Je suis pas venu ici pour une audition mais pour porter plainte ! En plus, je n’ai rien à cacher, vous savez déjà tout sur moi »…

En plus ils se sont trompés sur mon nom. Et je leur ai dit : « vous posez des questions bêtes alors que vous avez déjà tous les renseignements sur moi ! « . Je suis resté longtemps avec eux, j’ai vu qu’ils se sont un peu énervés. Y en a un qui a tapé avec son pied dans une poubelle qui était là et il a dit : « Ta plainte, elle va finir là, dans la poubelle ! » Finalement, j’ai pu déposer ma plainte. J’en ai gardé une copie, l’originale est parti à la police et j’ai envoyé une copie à la Police des polices et aux Droits de l’Homme ; il manquait juste les journalistes… J’ai demandé à la Cimade , ils m’ont dit :  » c’est ton droit ! …. » 

Moi, je connais pas de journalistes. Avec la plainte et pour mon dos, ils m’ont envoyé chez un médecin légiste qui m’a posé des questions, m’a examiné, il m’a dit « pourquoi tu manges pas ? », il m’a trouvé maigre ! Mais j’ai surtout grave mal au dos ! Il a passé des radios et a trouvé une maladie osseuse d’enfance, une « ostéopathie » ou quelque chose comme ça ?  « C’est pas grave ! » il a dit. Oui, mais moi, j’ai jamais eu mal au dos comme ça, c’est pas normal ! Même avec cette maladie d’enfance, j’ai jamais eu mal au dos ! 

Je lui ai demandé le certificat, et il n’a pas voulu me le donner alors que la Cimade et l’avocat m’avait dit de le rapporter. C’est sur les caméras comment ils m’ont poussé sur le lit, scotché et étranglé ! »

L. passera devant le juge des libertés et de la détention (JLD) le 13 mars au bout des 30 jours déjà passés au CRA de Cornebarrieu Toulouse. Sa rétention peut se prolonger jusqu’à 90 jours.

Solidarité avec les prisonnier.es qui subissent le racisme d’État et luttent à l’intérieur de ces taules !