Témoignages de prisonniers du CRA de Toulouse, mises au mitard quotidiennes et enfermement à tout prix

N :
« On vous appelle parce que la police elle a mis 4 personnes au mitard.

La police ils ont dit comme quoi vous voulez casser la porte, vous voulez vous évader. Eux ils ont rien fait, ni porte cassée, ni rien. Ils demandent les caméras, mais ils ne montrent pas les caméras, ils n’ont pas de preuves contre eux.

Mettre quelqu’un en isolement, c’est grave. L’isolement c’est une chambre y a rien dedans, même pas de couverture, et quand ils ont réclamé comme quoi ils avaient froid, ils ont donné une seule couverture sur les quatre personnes.

Quelqu’un qui n’a rien fait, on peut le mettre au mitard, j’ai jamais vu ça.

Ces personnes, elles sont calmes, elles sont tranquilles, et le soir la police elle vient les chercher un par un chaque soir pour les mettre au mitard. »

K :
« On a rien fait ils nous mettent au mitard, je sais pas pourquoi, on a demandé de voir le chef du centre, ils nous ont dit, il est pas là, mais on le voit tourner, on a demandé de voir la caméra, ils ont dit y’a pas de caméra, on est 4 algériens à qui ils font ça.

Ils nous ramènent au mitard, ils mettent la clim, on a froid, ils nous donnent rien, pas de couverture de 18h jusqu’à 8h30.

Y’a pas de preuve qu’on a cassé la porte, y’a une caméra, ils peuvent voir. La porte n’est pas cassée, ils disent qu’on veut se sauver, on n’a pas touché la porte, elle est en face de la caméra. C’est pas normal ils en prennent 3, ils les mettent au mitard et un à l’isolement dans une chambre seul, tout ça pour rien, y’a des caméras partout

Quand on a dit on veut porter plainte, ils nous mettent au mitard
On va bientôt sortir pourquoi on va se sauver ?

On a peur que quelqu’un meurt là-bas et qu’ils disent après on s’est suicidé, tu comprends ?

Hier quelqu’un s’est tapé la tête contre le mur devant les flics, il a essayé de se suicider, de s’ouvrir, il l’ont emmené 2 fois au mitard

Personne nous défend ici, on est seuls.

On vous appelle pour voir si vous pouvez faire quelque chose… »

L :
« On est enfermés, y’a rien qui va, ça fait 45 jours que je suis là, ça fait 5 ans que je suis à Toulouse…

Y’a un problème avec les algériens ici, le consulat algérien a envoyé un mail comme quoi il n’y a pas de vol qui part en Algérie. Au lieu de libérer les gens, ils les gardent 2 mois ici, ils les gardent 2 mois pour rien.

y’a un algérien qui est là depuis 1 mois et demi, il va faire 2 mois mais à quoi ça sert si les frontières sont fermées, les gens comprennent pas pourquoi ils doivent rester si y’a pas d’expulsions.
Le copain est sorti de prison, il a demandé son dossier médical, ils lui ont pas donné, il a des broches dans le genou il doit voir un kiné, il boite de plus en plus, ils veulent pas le soigner, il a pété un plomb. Ils l’ont emmené à l’isolement 2 jours.

Un géorgien a porté plainte contre la police parce qu’ils l’ont frappé, il parait qu’il est sorti, le flic lui a demandé de retirer la plainte. »

L’enfermement des algérien.e.s continue alors que les frontières de l’Algérie ont été fermées depuis le début de la pandémie. Entre le 17 mars 2020 et le 31 décembre 2020, près de 1000 algérien.e.s étaient enfermé.e.s en CRA en France, 4 ont été expulsé.e.s.

L’enfermement à tout prix est utilisé à des fins punitives pour mater les sans-papiers et les maintenir dans la peur de se faire arrêter à tout moment puis enfermer entre CRA et prison, lire les témoignages.

L’augmentation de l’enfermement des étranger.e.s entre prison et CRA n’est pas prête de s’arrêter : le gouvernement a fait voter une disposition dans le Ceseda qui permettra de condamner à une peine de 3 ans de prison les étranger.e.s refusant les tests PCR pour résister à leur expulsion.

Le conseil constitutionnel a validé cette décision le 05 août 2021.

Rappel : avec la fermeture des frontières, certains pays donnent le laisser-passer pour l’expulsion de leurs ressortissant·e·s, à condition que les personnes aient un test PCR négatif récent. Dans les CRA, les personnes qui refusent les tests pour résister à leur expulsion sont souvent poursuivies au pénal et sont condamnées à plusieurs mois de prison avec souvent une interdiction de territoire (ITF) alors que le code de la santé publique exige le
« consentement libre et éclairé » de la personne pour la réalisation d’un test et que jusqu’à cette nouvelle loi le refus de test ne faisait pas partie des motifs qui relèvent du délit de « soustraction à une mesure d’éloignement ».

C’est un grand classique dans le droit des étranger.e.s, quand l’État et les juges bafouent les lois comme ici avec l’emprisonnement des étranger.e.s refusant les tests Covid, les plus hautes institutions, ici le conseil constitutionnel, finissent par les valider.