L’administration pénitentiaire et le ministère de l’Intérieur collaborent pour que les personnes emprisonnées ne puissent pas renouveler leur titre de séjour et soient expulsées. Une double, voire triple peine : après celui la prison, les étranger.e.s doivent aussi subir l’enfermement en CRA puis l’expulsion quelque soit leur situation. Le témoignage d’un prisonnier du CRA de Toulouse.
« J’ai mes papiers depuis 2007. Quand je suis allé en prison ma carte de séjour s’est terminée. Ils n’ont pas voulu me laisser renouveller ma carte et quand je suis sorti de prison, ils m’ont dit tu vas quitter la France. Ils m’ont arreté à 6 heures du matin quand je partais travailler, je travaillais dans une ferme à Limoges, j’ai mes fiches de paie, les chèques… Je conduisais sans permis, il faut bien que j’aille travailler, j’ai fait 8 mois de prison pour ça, parce que je suis noir, c’est des racistes ! J’avais des cours pour le permis à payer et je devais travailler pour ça ! Et de Limoges, ils m’ont ramené au centre de Toulouse, je ne comprends pas pourquoi. Pour passer le permis il faut de l’argent et je travaillais.
Depuis 1997 je travaille, je travaille… Je suis un danger pour la France pour qu’on me mette ici et qu’on me renvoie dans un pays en guerre ?
J’ai une petite fille qui a 8 ans, elle est française, ma femme est française. Alors s’ils veulent que je partent au Congo, qu’il me laisse partir avec ma fille ! Le Congo c’est un pays en état de siège, c’est un pays en guerre, ça fait 20 ans que je suis parti. Au Congo je suis militaire, j’ai fui le Congo en 1997 pour venir en France pour demander l’asile. Ils m’ont donné la carte de l’immigration. Ils n’ont pas voulu me donner 10 ans, ils me donnaient un an, puis 6 mois.
Je suis un opposant de la politique du Congo. Je préfère qu’on me tue ici. Ma fille a 8 ans, elle va chercher son père. Mon père était rebelle, ils l’ont tué, ma mère aussi, je n’ai plus de famille au Congo, je vais aller chez qui au Congo ? Et si je pars, c’est ma mort, ils vont me considérer comme un déserteur.
Quand je suis sorti de prison j’ai vu un papier sauf-conduit dans mon dossier, j’ai demandé c’est quoi ça. Comment le consulat vous a donné ça ? Je n’étais pas au courant ! Ils peuvent faire ça sans me dire ? Le consulat connait ma vie ? Je ne suis pas allé au consulat, comment ils peuvent savoir. Je suis passé au tribunal, ils m’ont mis 28 jours. Comment le Congo peut bien collaborer avec la France ? Ils veulent qu’on retourne là-bas ? C’est des malades ! Mon cousin était médecin, prix nobel de la paix, il arrange les corps des femmes car ils violent les femmes, les enfants, les personnes âgées. Le Congo c’est pas un pays, c’est un calvaire.
Les dictateurs sont accueillis ici en France, les français foutent la merde au Congo, ils sont dans les guerres… Ils profitent des richesses de l’Afrique, ils sont en train de voler toute l’Afrique et nous quand on vient ici on est traité comme des chiens. Ils respectent rien, ils détruisent la nature, ils cherchent le pétrole. Mais ça va pas durer, un jour ou l’autre il faudra que la France paye, ça fait 100 ans la colonisation, on est toujours exploité, qu’est-ce qu’on va faire avec toute cette jeunesse ? ça va pas durer !
Ici au centre, c’est l’enfer, le bruit des avions et la police crie toute la journée dans les micros, j’ai des problèmes de dos, je dors sur le sol, les matelas sont pourris, les toilettes sont dégueulasses, tout est dégueulasse ici. J’ai été opéré. J’ai vu le médecin du centre, c’est un raciste, il se fout de notre gueule, il me parle comme si j’étais un enfant. Les infirmiers c’est pareil, des racistes. Quand je demande à la Cimade, ils savent rien, je comprends pas ce qu’ils font là. Il y a beaucoup de jeunes ici, comment on peut enfermer un jeune de 18 ans, il s’en souviendra toute sa vie, c’est traumatisant »