Prise de parole au rasssemblement du 29 avril contre l’offensive coloniale à Mayotte et le projet de loi anti-immigration

Le gouvernement a annoncé le report de la loi Darmanin à l’automne. Même si ce projet est reporté, il ne sera pas abandonné.

Il a pour objectif de renforcer l’exploitation des travailleurs et travailleuses immigrées en créant des titres de séjour précaires pour des emplois en bas de l’échelle sociale. Le renouvellement de ces titres dépendra des besoins en main d’œuvre du patronat. Ces titres viennent organiser le contrôle des personnes étrangères corvéables puis expulsables.

Pour pallier au délabrement du système de soin sans avoir à répondre aux revendications des personnels soignants, la loi prévoit une carte de séjour pluriannuelle de santé, mais qui maintient les personnes étrangères comme aujourd’hui dans la précarité : sans reconnaissance des diplômes, pour des salaires moindres et à des postes spécifiques qui sont mobiles sur tout le territoire. C’est un pillage de la main d’œuvre qualifiée à l’étranger, formée aux frais des pays d’origine, essentiellement d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, qui manquent déjà de médecins.

Le projet de loi a aussi pour objectif de soumettre les personnes. Elle prévoit le refus ou le retrait des titres de séjour sur la simple base du comportement, en invoquant « le respect des principes de la République ». Ce fourre-tout sans contours des principes accroît encore le pouvoir discrétionnaire des préfectures, et ce sont avant tout les musulmans et les musulmanes qui sont à nouveau ciblés, cette loi est un pas de plus dans la mise en œuvre de l’islamophobie d’État. De même, l’obsession assimilationniste s’intensifie en prévoyant d’exiger la maîtrise de la langue française pour les régularisations.

Enfin, le projet de loi a pour objectif de permettre plus d’enfermements et plus d’expulsions. Il s’attaque aux quelques catégories de personnes aujourd’hui protégées de l’expulsion. Pour retirer ou ne pas renouveler un titre, le projet renforce l’usage de la « menace grave pour l’ordre public », notion suffisamment vague pour laisser le champ libre aux préfectures. Il diminue le nombre de recours possibles contre l’expulsion, et renforce la double peine.

Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agira de la 30e loi anti-immigration en 40 ans et ce n’est pas seulement contre elle, mais contre toute la politique migratoire de l’État qu’il faut lutter.

Car aujourd’hui déjà, les personnes étrangères sont traquées partout : aux frontières, au travail, dans la rue. Elles doivent quotidiennement se confronter à la police et aux politiques racistes mises en place depuis des années contre les immigrées. Ces violences d’État sont héritées des pratiques coloniales et du code de l’indigénat : la limitation de circulation, l’enfermement administratif et les déportations.

Les personnes sans papiers peuvent être arrêtés et se retrouver en centres de rétention administrative, les CRA. Dans ces prisons pour étrangers et étrangères, les personnes sont enfermées jusqu’à 3 mois en vue d’être expulsées. Mais toutes les personnes ne sont pas expulsables, et l’enfermement poursuit aussi un autre objectif qui est de punir et soumettre une partie de la population, de mater les personnes afin qu’elles s’invisibilisent et qu’elles ne se rebellent pas face aux patrons qui les exploitent.

Les prisonnières et prisonniers des CRA luttent quotidiennement contre les violences de l’enfermement, les violences policières, les violences médicales et contre l’expulsion, que ce soit par des évasions, des incendies, des grèves de la faim et des refus de vol. Les personnes qui se rebellent et luttent sont régulièrement envoyés à la maison d’arrêt de Seysses. À Toulouse, de nombreuses personnes se retrouvent en circuit fermé entre le CRA et Seysses. Rendons visible leurs luttes et soutenons les prisonniers et prisonnières.

L’État est en train de construire de nouveaux CRA partout sur le territoire, en 2027 le nombre de places aura triplé en 10 ans. Il construit aussi partout de nouvelles prisons, avec 15 000 nouvelles places d’ici 2027. Il y a à Toulouse le projet d’une nouvelle maison d’arrêt, à Muret, en plus de celle de Seysses.

S’il y a plus de 40 000 personnes enfermées par an dans les CRA sur l’ensemble du territoire, plus de la moitié le sont sur la seule île de Mayotte, territoire colonial où la violence d’État se déchaîne.

Car nous sommes ici aussi pour dénoncer l’offensive coloniale Wuambushu, à Mayotte, ou l’État s’est donné pour objectif de détruire en deux mois 10% des cases et d’expulser jusqu’à 300 personnes par jour.

Mais à Mayotte, l’expulsion des personnes étrangères, essentiellement des comoriens et des comoriennes, est toute l’année industrielle. L’État fixe à la préfecture des objectifs d’expulsion de 30 000 personnes par an, c’est à dire 10% de la population de Mayotte. Il s’agit de transferts forcés de population. Mayotte représente les 3/4 des expulsions pour l’ensemble du territoire français et les personnes qui ne sont pas expulsées constituent une main d’œuvre exploitée.

Mayotte est restée illégalement territoire français à l’indépendance des îles des Comores en 1974 pour que la France conserve ses intérêts dans l’océan indien. La France a également déstabilisé les Comores indépendantes avec des coups d’État et des assassinats de présidents menés par le mercenaire de la Françafrique, Bob Denard.

Depuis que la France a instauré le visa Balladur en 1995, plus de 20 000 personnes sont décédées en tentant la traversée, alors qu’auparavant, les familles ont toujours circulé d’île en île. C’est un même peuple, avec les mêmes langues et une même religion, l’islam.

À Mayotte, le régime dérogatoire propre aux colonies permet à l’État d’attribuer moins de droits aux français mahorais. Par exemple les minimas sociaux sont 50% inférieurs, alors que le coût de la vie est plus élevé. 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Mais ce régime dérogatoire s’applique aussi au droit des étrangers : par exemple le droit du sol est réduit à Mayotte, ainsi que certains droits à la régularisation. À cela s’ajoute les pratiques illégales de l’administration sur place, comme l’enfermement quotidien des mineurs isolés ou leur rattachement à des personnes inconnues pour les expulser.

Les luttes contre les politiques anti-migratoires et les luttes contre l’impérialisme et le colonialisme sont indissociables !

De Toulouse à Mayotte, solidarité avec toutes les personnes qui luttent contre le colonialisme et pour leur liberté !

À bas les CRA et les prisons ! À bas l’État raciste et colonialiste !