Au CRA de Toulouse, le 15 mai : augmentation des enfermements

Alors que les frontières sont officiellement fermées, le CRA de Toulouse Cornebarrieu continue de se remplir avec en ce moment 4 personnes au secteur E et 12 au secteur D. Des personnes de Paris, Marseille et Perpignan ont été amenées. Les sortant·e·s de prisons continuent d’être enfermé·e·s au CRA comme d’habitude, dans la logique de la double peine, les CRA étant devenus des annexes des prisons.

La capacité du CRA de Toulouse Cornebarrieu est de 126 places, hors pandémie, c’est en moyenne 90 personnes qui y sont enfermées.

2 ressortissants roumains risquent d’être déportés. Des départs seraient prévus le 3 juin.

Y. : « je suis sorti de prison et on m’a ramené ici, c’est très dur ici pour nous, ça pue, c’est très sale, la nourriture pue. ça fait 3 jours que j’ai pas mangé, ça fait un an et 2 semaines que j’ai pas vu mes enfants, je peux pas rester encore ici, c’est la torture, je préfère partir en Roumanie, c’est fini pour moi la France, je veux plus rester ici… »

N. : « ils veulent m’envoyer en Serbie, je connais pas la Serbie, je vais faire quoi en Serbie, dormir sur un banc ? Je suis né à Rome, j’ai toute ma famille à Toulouse, je suis resté 18 mois en prison, ici c’est pire, la police est dure…Ils ont pas de masques… J’ai rien compris ce qu’il a dit le juge par la visio, j’étais dans la salle, la porte était ouverte et les policiers faisaient du bruit, ils rigolaient, ils ont pas fermé la porte…Je prends des médicaments 3 fois par jour pour le stress et dormir, du Tercian et un autre médicament. »

Les audiences devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) se déroulent au CRA en visioconférence sans public, sans témoins. Les prisonnier·e·s sont derrière un écran, ils et elles ne peuvent pas discuter avec leur avocat comme dans une salle d’audience et être soutenu par leurs proches ou le public. S’ils ne comprennent rien à ce qu’il se passe, tant pis pour eux.

M : « j’ai 55 ans, je suis arrivé en France en 1987, j’ai travaillé 15 ans à Paris… J’ai déjà été enfermé ici en 2006 mais maintenant je vis en Espagne, je suis marin-pêcheur. Ils m’ont arrêté quand je suis passé à Toulouse, ils m’ont mis 5 mois en prison à Seysses à cause d’une interdiction de 3 ans* et après la prison je suis ici au centre depuis 24 jours. Ils peuvent pas m’expulser en Algérie » (*ITF : interdiction de territoire français)

L’objectif officiel des CRA est d’enfermer pour expulser les étranger·e·s qui n’ont pas les bons papiers mais pendant la crise sanitaire une grande partie des CRA est restée ouverte sans aucune base légale puisque les frontières sont officiellement fermées. C’est sans compter sur l’acharnement raciste de l’administration car des déportations ont bien eu lieu, un charter avec plus de 30 personnes a été organisé fin avril vers la Roumanie.

L’État a donc continué d’enfermer et ce n’est que la continuité des pratiques habituelles car l’objectif non avoué de l’enfermement dans les CRA est de punir, invisibiliser, précariser. Les CRA font partie d’un système qui maintient sans papiers les personnes alors même qu’elles travaillent. Ce système de domination fabrique depuis des décennies des travailleurs corvéables, exploités grâce à la menace permanente d’une expulsion alors qu’ils et elles représentent une force de travail pour des pans entiers de l’économie non délocalisable.

La politique d’expulsion est de plus en plus répressive. Entre 2015 et 2018, le nombre d’OQTF a augmenté de 30 % (de 80 000 à plus de 100 000 ) et leur taux d’exécution a chuté de 17 à 12 %. On enferme de plus en plus de personnes dont celles qui ne sont pas expulsables car on ne peut pas déporter sans répondre à un certain nombre d’obligations juridiques comme l’acceptation par le pays d’origine. Les préfectures le savent mais enferment quand même et les juges valident.

L’État n’a rien fait en faveur des étranger·e·s face au risque de transformer les CRA en clusters du Covid-19 (promiscuité, manque d’hygiène, pas de masques, etc.). Il a montré avec cette crise sanitaire qu’il ne compte pas changer sa politique raciste vis à vis des étranger·e·s quoi qu’il arrive.

Covid ou pas, les CRA tuent ! Les damnés de la terre y subissent une véritable torture, les conditions de « vie » sont dégradantes et les humiliations, insultes et violences policières font partie du fonctionnement de ces prisons.

Les visites sont à nouveau possible, les prisonnier·e·s ont besoin de notre solidarité, on peut y aller ou appeler.


Appel à une manif de fenêtres antiraciste, anticarcérale et antifrontières

Appel lancé par nos ami·e·s à Lyon et relayé par plusieurs villes !

Contre le racisme, les prisons et les frontières, mobilisons-nous ! Covid ou pas, la répression est toujours là et il est important d’y répondre !

 

Appel à préparer des banderoles et des slogans pour le mardi 5 mai à partir de 20 heures !

Quelques idées :

« ouvrir les frontières, fermer les prisons »
« mur par mur, pierre par pierre, nous détruirons toutes les frontières »
« ni patron, ni macron, ni maton »
« virus ou pas, à bas les CRA »
« Vérité et justice pour Adil, Mohamed, Boris »
« La police assassine, justice pour les victimes »
« Pas de justice, pas de paix »
« A bas le racisme et l’islamophobie »

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Si vous le souhaitez, vous pouvez les prendre en photos et les envoyer par mail à l’adresse lyonanticra@riseup.net, elles seront publiées sur le site Crame ton CRA.

Virus ou pas, à bas le racisme, à bas les frontières et soutien à toustes les prisonnierEs !

Situation au CRA de Toulouse le 26 avril : 7 nouvelles personnes enfermées en 48 heures et des juges qui valident et prolongent l’enfermement, virus ou pas.

7 nouvelles personnes sorties de prison ont été enfermées ces 3 derniers jours. Au total, 8 personnes, 2 au secteur E et 6 au secteur D.

L’audience en visio du JLD du samedi 26 avril n’a libéré personne, pas même celui qui est au CRA depuis un mois et qui a subi des violences policières. Ils ne peuvent pas le déporter, les frontières du Portugal sont aussi fermées. Pendant l’audience la préfecture est la plus floue possible sur les frontières et les déportations, vu qu’elles ne peuvent pas avoir lieu. Évidemment le juge n’y voit rien à redire et se fout du danger pour la santé des personnes, sachant que les 7 arrivent toutes de la maison d’arrêt de Seysses, où il y a eu un cas de Covid-19 testé positif le 17 avril. On enferme, on applique la double peine, c’est de toute façon déjà le cas hors période de pandémie, les prisonnier·e·s qui arrivent au bout de leur détention ont droit à une autre prison tenue par les flics de la PAF.

Témoignage d’un prisonnier du CRA de Toulouse qui a voulu se suicider à son arrivée au CRA, après avoir passé 3 mois à la prison de Seysses :

« Je sors de la prison pourquoi on me met ici, encore 28 jours ? Ils m’ont donné 6 mois ferme pour conduite sans permis et j’ai fait 3 mois à Seysses, je sais que j’ai fait une connerie, j’ai payé mais pourquoi je suis là maintenant, j’ai une famille, je suis marié, ma mère est ici aussi, on a une maison, on paye le loyer, j’ai un contrat, un CDI, tout, pourquoi on me met ici ?

Les frontières sont fermées et ils nous gardent ici pourquoi ?

On fait quoi ici ? On peut pas manger à notre faim, pas de visites, pas de cigarettes, on peut rien faire, c’est très sale, c’est trop dur pour nous. Moi j’ai des papiers et je suis ici, y’en a qui ont pas de papiers et qui sortent, je comprends pas comment ça marche…Pourquoi je reste pas dehors jusqu’à à la fin du coronavirus avec ma famille ? ça sert à rien que je reste là. J’ai personne en Roumanie, si je pars là-bas et si je reviens, ils vont encore me mettre en prison !

3 mois et demi que je n’ai pas vu ma famille, je voulais mourir aujourd’hui, je voulais me mettre la corde et mourir,  je l’ai dit à ma famille, je leur ai dit excusez-moi pour tout, je vais mourir…

J’ai attaché le drap à la gorge, 4 policiers sont arrivés, ils ont vu à la caméra, ils m’ont vu à la balustrade…Après je me suis calmé.

Un policier d’ici a parlé avec ma mère, elle est venue au centre pour venir me chercher, les gendarmes l’ont arrêté, ils lui ont mis une amende au rond point, elle n’a pas d’argent, elle est venue à pied, pas de bus qui marchent…

J’ai un peu d’argent sur moi mais je peux pas téléphoner, je peux pas acheter de cigarettes, j’ai un téléphone avec caméra mais ils veulent pas qu’on filme, je peux pas le garder. »

 

« on peut pas rester normal ici, ça rend fou », témoignage depuis le CRA de Toulouse en plein Covid-19

08 avril 2020

Il y a actuellement 5 personnes au CRA de Toulouse, à Cornebarrieu. Quand une personne sort, une autre arrive de la prison de Seysses.  Pour l’instant les nouveaux arrivants viennent de prison.
Samedi une nouvelle personne a été enfermée au CRA, elle s’est mutilée avec une lame, elle est blessée à la main.
« On devient fou ici, on peut pas rester normal ici, ça rend fou, les gens commencent à parler seuls, pas de visites, pas de cigarettes, le policier a dit qu’on peut recevoir des colis, on a besoin de cigarettes. Je suis enfermé depuis 60 jours, y a personne ici, on peut pas parler avec la Cimade, à la prison on peut cuisiner dans la chambre, ici ils savent qu’on mange pas, c’est pas halal la viande on la jette, y en a un qui sort et un qui rentre tout le temps qu’est-ce qu’on fait là ?
Je suis en France depuis 2013, la France est restée chez nous 132 ans, je peux pas rester, c’est quoi ça ? »